A- Ebru Timtik

Elle est morte le 27 aout 2020, morte de faim, dans une indifférence internationale quasi générale.
À l’heure d’une pandémie mondiale, où chaque pays compte ses morts, elle est morte de faim.
À l’heure où une partie de la population crie à l’injustice, parce que privée de liberté imposée par des mesures sanitaires, pendant qu’une autre partie de la population s’insurge contre l’insuffisance de mesures qui laissent galoper la pandémie, elle est morte de faim.

On s’indigne des restaurants, des musées et salles de spectacles fermées.
On s’indigne du manque de moyens dans les hôpitaux
On s’indigne de la tragédie qui se profile en Inde, de tous ces gens en train de crever aux portes des hôpitaux, de ces crématoriums à ciel ouvert.
On s’indigne à raison.
Depuis plus d’un an, les écrans dégueulent leurs images de chiffres plus ou moins effrayants, de villes vidées de leurs habitants, de fêtes non autorisées, de malades branchés à des respirateurs, de familles qui pleurent un proche emporté par la maladie.

Elle, elle est morte de faim, seule, dans un pays qui piétine les droits de l’homme et emprisonne les opposants au régime dictatorial d’un président pourtant élu par le peuple.
Arrêtée en 2019, jugée pour appartenance à un groupe terroriste, elle est condamnée à 13 ans de prison au terme d’un procès qui n’a eu de cesse de prouver que l’avocat d’un terroriste ne peut qu’être terroriste lui-même.
En Turquie il ne fait pas bon être avocat, opposant au régime ou simplement femme.

Ebru Timtik avait 42 ans. Elle réclamait un nouveau procès, un procès équitable. Pour obtenir ce droit elle a arrêté de manger pendant des mois. 238 jours exactement.
Son combat a duré plus de sept mois pendant lesquels elle s’est nourrie d’eau sucrée. Derrière les barreaux de sa cellule à Istanbul, sa silhouette s’est effacée peu à peu et seuls son regard de combattante et son sourire conquérant témoignaient de son désir de vivre encore et d’obtenir gain de cause.
Ebru Timtik ne voulait pas mourir,  elle désirait continuer à lutter pour elle et pour tous ceux que l’on musèle et emprisonne, tous ceux que l’on fait taire.
Ebru Timtik s’est arrêtée de manger et elle en est morte. Le 27 août 2020, 30 kg de vie sont partis rejoindre tous ceux qui ont lutté avant elle pour plus de justice, plus de liberté et plus d’humanité.

Ebru Timtik, digne et libre dans ta tête, tu as brisé tes chaînes et je joins mes mains dans une prière silencieuse pour qu’un jour ton combat ne reste pas vain.