A. An Gorta mor (La grande faim)
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A. An Gorta mor (La grande faim)
Il faisait encore sombre quand il a quitté la maison. Cela ne le dérangeait pas, Kylian connaissait parfaitement le chemin et pouvait même l’emprunter par une nuit sans lune. Chaque jour il allait ainsi à son travail. ¾ heure de marche par de petits sentiers à travers champs pour rejoindre son entreprise et autant pour en revenir le soir. Il avançait vite et le sac contenant son repas de midi se balançait en rythme le long de sa jambe. Il aimait ces moments qui lui permettaient de décompresser de son travail de comptable et de se resourcer. Tous ses sens restaient aux aguets : le vent qui bruissait, le chant des oiseaux, l’odeur de la tourbe après une averse, l’arc en ciel déployé dans le ciel au-dessus de la lande, le soleil sur sa peau. Il prenait tout, se contentant d’être là, présent dans l’instant.
Mais aujourd’hui, il avançait d’un pas plus lent, perdu dans ses pensées. La veille il avait longuement discuté avec sa sœur et son beau-frère. Pour la troisième année consécutive le mildiou avait décimé leur lopin de pomme de terre. Ils avaient déjà connu deux hivers difficiles où ils s’étaient serré la ceinture mais là sans récolte cette année c’était la famine qui les guettait. Sans compter que s’ils ne pouvaient plus travailler et payer le loyer des terres qu’ils louaient ils seraient expulsés sans pitié par leur landlord.
Kylian soupira. La famine sévissait dans toute l’Irlande. Les plus touchés étaient les paysans et les plus pauvres dont la seule nourriture était la pomme de terre. La malnutrition provoquait de la dysenterie et il n’était pas rare que le choléra ou le typhus se mettent de la partie. Les morts se comptaient par milliers.
Son beau frère avait décidé d’émigrer avec sa famille aux Etats Unis. Pour cela ils avaient besoin d’argent pour la traversée. Kylian pouvait il les aider ? Ils avaient longuement discuté, pesé le pour et le contre. Les risques de la traversée étaient bien réels. Ce n’était pas pour rien que les bateaux qui emmenaient les migrants étaient surnommés « coffin ships » (bateaux cercueils).
Kylian regarda sa sœur, son beau frère et leurs quatre enfants monter dans le bateau. Bousculés par les autres candidats au départ ils furent vite avalés et disparurent dans la cale sans autres adieux. Ce n’est que quelques années plus tard qu’il eut enfin des nouvelles. La traversée avait duré plusieurs semaines. Elle avait été difficile et le choléra avait sévi à bord. Sa sœur et deux enfants étaient morts. Son beau-frère avait pu trouver du travail. Lui et ses deux autres enfants allaient bien. Comme des milliers d’irlandais ils avaient refait leur vie et espéraient bien revoir un jour Kylian.
Mais aujourd’hui, il avançait d’un pas plus lent, perdu dans ses pensées. La veille il avait longuement discuté avec sa sœur et son beau-frère. Pour la troisième année consécutive le mildiou avait décimé leur lopin de pomme de terre. Ils avaient déjà connu deux hivers difficiles où ils s’étaient serré la ceinture mais là sans récolte cette année c’était la famine qui les guettait. Sans compter que s’ils ne pouvaient plus travailler et payer le loyer des terres qu’ils louaient ils seraient expulsés sans pitié par leur landlord.
Kylian soupira. La famine sévissait dans toute l’Irlande. Les plus touchés étaient les paysans et les plus pauvres dont la seule nourriture était la pomme de terre. La malnutrition provoquait de la dysenterie et il n’était pas rare que le choléra ou le typhus se mettent de la partie. Les morts se comptaient par milliers.
Son beau frère avait décidé d’émigrer avec sa famille aux Etats Unis. Pour cela ils avaient besoin d’argent pour la traversée. Kylian pouvait il les aider ? Ils avaient longuement discuté, pesé le pour et le contre. Les risques de la traversée étaient bien réels. Ce n’était pas pour rien que les bateaux qui emmenaient les migrants étaient surnommés « coffin ships » (bateaux cercueils).
Kylian regarda sa sœur, son beau frère et leurs quatre enfants monter dans le bateau. Bousculés par les autres candidats au départ ils furent vite avalés et disparurent dans la cale sans autres adieux. Ce n’est que quelques années plus tard qu’il eut enfin des nouvelles. La traversée avait duré plusieurs semaines. Elle avait été difficile et le choléra avait sévi à bord. Sa sœur et deux enfants étaient morts. Son beau-frère avait pu trouver du travail. Lui et ses deux autres enfants allaient bien. Comme des milliers d’irlandais ils avaient refait leur vie et espéraient bien revoir un jour Kylian.
Sherkane
Re: A. An Gorta mor (La grande faim)
Un très beau texte dont j’apprécie la sobriété.
J’ai lu un livre à propos de cette crise et je ne me souviens plus du titre...
J’ai lu un livre à propos de cette crise et je ne me souviens plus du titre...
Zephyrine- Humeur : Parfois bizarre
Re: A. An Gorta mor (La grande faim)
Pas plus tard qu'hier j'ai vu un reportage sur l'Irlande où j'ai appris beaucoup de choses. Tu parles d'un épisode douloureux de l'histoire de ce pays qui explique l'exode massif de ses habitants en particulier vers les USA.
Myrte- Humeur : Curieuse
Re: A. An Gorta mor (La grande faim)
Les grandes famines d'Irlande et l'exode vers les États-Unis.
Tu évoques cela en effet avec sobriété et cela donne encore plus de force.
Lutter contre la covid est une nécessité, mais puissions-nous ne jamais connaître de nouveau une époque où l'on meurt de faim… parce que c'est vraiment l'horreur…
Tu évoques cela en effet avec sobriété et cela donne encore plus de force.
Lutter contre la covid est une nécessité, mais puissions-nous ne jamais connaître de nouveau une époque où l'on meurt de faim… parce que c'est vraiment l'horreur…
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"Écrire, c'est brûler vif, mais aussi renaître de ses cendres. "
Blaise Cendrars
ICI : Le Blog d'AlainX
alainx- Humeur : ça va ! et vous ?
Re: A. An Gorta mor (La grande faim)
Très bon texte rappelant une douloureuse histoire que tu racontes avec beaucoup de précision et de sobriété.
Charlotte- Humeur : tout et rien
Re: A. An Gorta mor (La grande faim)
La douleur de ces gens a dû être terrible, à devoir quitter leurs proches, leur pays, leur quotidien, leurs racines, juste pour essayer de survivre ailleurs
silhène- Humeur : positive, autant que possible
Re: A. An Gorta mor (La grande faim)
Elle l'est toujours, ils ne sont plus Irlandais, mais Syriens, Afghans, Erythréens... et ils seraient ravis d'être bienvenus quelque part.
Daboum- Humeur : jusqu'ici, ça va
RE A : An Gorta mor
Ce devait être terrible pour la famille restée en Irlande de ne rien savoir sur la famille partie en Amérique.
J'admire le courage de ceux qui ont osé partir .
J'admire le courage de ceux qui ont osé partir .
automne- Humeur : égale
Re: A. An Gorta mor (La grande faim)
Une histoire très sobrement racontée, presque chirurgicale
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Martine27
Martine27- Humeur : Carpe diem ou Souris quand même
Re: A. An Gorta mor (La grande faim)
Décidément, cette semaine la consigne m’a fait faire des recherches plus que d’habitude, d’abord sur l’auteur de la photo et puis sur le mildiou.
En anglais, ‘mildew’ n’est que pour l’infection ‘blanche’ et je l’avais justement recherchée parce que certains des 200 arbres en pot dont je m’occupe encore cette année, montrent des signes de l’attraper et je voulais une méthode naturelle pour essayer d’y pallier. Donc quand j’ai vu que tu parlais du ‘mildiou de la pomme-de-terre’ j’ai tiqué car le mildiou blanc tue rarement voire jamais son hôte. En anglais c’est ‘the potato blight’ (sans doute relié sémantiquement à ‘blette’) et c’est même passé dans le langage courant : quand quelque chose est ‘blighted’ c’est que c’est voué à l’échec.
Quant à la famine d’Irlande, malheureusement ce n’était pas du qu’au fait qu’une récolte de pomme-de-terre avait failli, car l’Irlande a produit suffisamment pendant ces années-là mais tout pour l’export vers l’Angleterre : bœufs, chevaux, blé etc.
J’ai été frappé en 2012 en visitant des amis en Irelande quand ils discutaient de la crise monétaire, leur souci primordial était la peur que les jeunes allaient devoir partir, qu’il y ait un autre exode comme pendant la famine. Je m’étais dit qu’aucun français ne réagirait de cette manière et que dans des cultures surtout rurales il y a toujours moyen de se tourner vers la terre pour subsister. Et l’Irlande est très riche au niveau des terres… mais dans le mental, c’est l’image de l’exode qui leur vient en premier quand les choses vont mal.
En tout cas, merci pour toutes ces recherches… et bravo pour ton texte, très bien mené comme il faut toujours s’y attendre de toi.
En anglais, ‘mildew’ n’est que pour l’infection ‘blanche’ et je l’avais justement recherchée parce que certains des 200 arbres en pot dont je m’occupe encore cette année, montrent des signes de l’attraper et je voulais une méthode naturelle pour essayer d’y pallier. Donc quand j’ai vu que tu parlais du ‘mildiou de la pomme-de-terre’ j’ai tiqué car le mildiou blanc tue rarement voire jamais son hôte. En anglais c’est ‘the potato blight’ (sans doute relié sémantiquement à ‘blette’) et c’est même passé dans le langage courant : quand quelque chose est ‘blighted’ c’est que c’est voué à l’échec.
Quant à la famine d’Irlande, malheureusement ce n’était pas du qu’au fait qu’une récolte de pomme-de-terre avait failli, car l’Irlande a produit suffisamment pendant ces années-là mais tout pour l’export vers l’Angleterre : bœufs, chevaux, blé etc.
J’ai été frappé en 2012 en visitant des amis en Irelande quand ils discutaient de la crise monétaire, leur souci primordial était la peur que les jeunes allaient devoir partir, qu’il y ait un autre exode comme pendant la famine. Je m’étais dit qu’aucun français ne réagirait de cette manière et que dans des cultures surtout rurales il y a toujours moyen de se tourner vers la terre pour subsister. Et l’Irlande est très riche au niveau des terres… mais dans le mental, c’est l’image de l’exode qui leur vient en premier quand les choses vont mal.
En tout cas, merci pour toutes ces recherches… et bravo pour ton texte, très bien mené comme il faut toujours s’y attendre de toi.
sprite!- Humeur : variable
Re: A. An Gorta mor (La grande faim)
Un texte percutant par sa grande sobriété.
madeleinedeproust- Humeur : littéraire...
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