A - Bel été
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A - Bel été
Sur la photo, c’est Jojo, Mimi (moi, Rémi) et Bébert. On était figurants sur un film d’Yves Robert, La guerre des boutons. C’était pendant les grandes vacances. Nous étions tout au fond de l’image, sans rien avoir à dire. Nous étions comme en colo. Nous devions courir et crier. Et porter des habits trop chauds pour la saison.
En 2021, ce film a fêté ses soixante ans. La société de diffusion a fait appel à tous les participants du premier film pour créer le buzz. C’est ainsi que nous trois nous sommes retrouvés. Bon, à septante ans passés, nous sommes moins fringants. Nous nous étions perdus de vue. Il a fallu la photo pour nous reconnaître. Ça m’a fait tout drôle de retrouver les comparses d’un bel été et de voir ce qu'ils sont devenus.
Nous avons refait connaissance, mais la complicité qui nous unissait cet été-là avait disparu. Nous avons évoqué les vêtements qui grattaient et sentaient la naphtaline, les repas dévorés et les "incidents" de cantine, l'envol des petits suisses et le sabotage du potage entre autres. Chacun de nous ressassait un peu et partait aussitôt sur sa réussite absolument exceptionnelle, comme pour en imposer aux autres. Jojo, c'était l'étalage de sa "parvenitude", Bébert se gargarisait des noms des gens qu'il connaissait et moi je sortais les photos des enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants. Nos histoires de vie étaient vraiment trop divergentes
Jojo, enfin Maître Georges Dupont-Dumoulin, va remettre son étude notariale héritée de son père à son gendre, après l’avoir tenu en esclavage pendant trente ans. Ah, s’il avait eu un fils. Mais non. Il n’a réussi à engendrer qu’une fille. Nottata persa e figlia fìmmina, nuit perdue et c’est une fille, comme ils disent en Sicile. En plus, sa femme a eu des complications, tarie la source. Il a fallu attendre que la gamine soit en âge de se marier et la guider très fermement dans son choix d’un époux juriste et assez falot pour qu’il obéisse à son beau-père. C’est à lui qu’il transmettra son étude. Bientôt. Un jour. Peut-être. C’est devenu un personnage sec et aigri, très rusé, très chattemite. Un des bourgeois de Brel.
Bébert, ou plutôt Albert Lefèbre, mieux connu sous son nom d’artiste Albifer, est un sculpteur renommé, qui expose aux quatre coins du monde ses œuvres déjantées, fréquente la jet-set et tutoie toutes les stars des magazines de coiffeurs. On voit qu’il prend très soin de son corps, il est svelte, affamé, botoxé et lifté. Son compagnon actuel le suit comme un petit chien en portant son chihuahua. Toujours affable, sympathique et jovial, Bébert rayonne en société, mais ses œuvres sont torturées, tourmentées et noires, en contraste violent avec les projecteurs qui brillent autour de lui.
Moi, Mimi, Rémi Jardin pour l’état-civil, je suis heureux dans ma vie. J’ai trouvé ma moitié, toujours aussi douce et belle, qui m’a donné de beaux enfants qui vont bien et qui prolifèrent. Je m’embrouille dans les prénoms de mes petits- et arrière-petits-enfants. J’étais le local de l’étape. Je suis devenu paysan, comme mon père et mes ancêtres. Très tôt, je me suis tourné vers le bio et, actuellement, je découvre la permaculture au côté de mon fils qui a repris la ferme. Nous avons souvent accueilli des réfugiés, des personnes blessées par la vie et qui se sont requinquées chez nous. La plupart sont devenus de bons amis. J’ai répondu présent à cette foire médiatique parce que trois jours à Paris, tous frais payés, pendant le Salon de l’agriculture, ça ne se refuse pas. D'ailleurs, dès que les flonflons s'apaiseront, je m'éclipserai et demain debout à l'aube et sus au Salon.
Les deux autres sont gonflés d’orgueil d’avoir participé à un chef-d’œuvre, moi j’ai eu un été sympa qui m’a payé une partie de mon premier tracteur, vu que mon cachet était bloqué jusqu'à ma majorité, et surtout, cet été-là, j’ai pu échapper aux travaux des champs. Le seul été libre de ma vie. Un bon souvenir.
En 2021, ce film a fêté ses soixante ans. La société de diffusion a fait appel à tous les participants du premier film pour créer le buzz. C’est ainsi que nous trois nous sommes retrouvés. Bon, à septante ans passés, nous sommes moins fringants. Nous nous étions perdus de vue. Il a fallu la photo pour nous reconnaître. Ça m’a fait tout drôle de retrouver les comparses d’un bel été et de voir ce qu'ils sont devenus.
Nous avons refait connaissance, mais la complicité qui nous unissait cet été-là avait disparu. Nous avons évoqué les vêtements qui grattaient et sentaient la naphtaline, les repas dévorés et les "incidents" de cantine, l'envol des petits suisses et le sabotage du potage entre autres. Chacun de nous ressassait un peu et partait aussitôt sur sa réussite absolument exceptionnelle, comme pour en imposer aux autres. Jojo, c'était l'étalage de sa "parvenitude", Bébert se gargarisait des noms des gens qu'il connaissait et moi je sortais les photos des enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants. Nos histoires de vie étaient vraiment trop divergentes
Jojo, enfin Maître Georges Dupont-Dumoulin, va remettre son étude notariale héritée de son père à son gendre, après l’avoir tenu en esclavage pendant trente ans. Ah, s’il avait eu un fils. Mais non. Il n’a réussi à engendrer qu’une fille. Nottata persa e figlia fìmmina, nuit perdue et c’est une fille, comme ils disent en Sicile. En plus, sa femme a eu des complications, tarie la source. Il a fallu attendre que la gamine soit en âge de se marier et la guider très fermement dans son choix d’un époux juriste et assez falot pour qu’il obéisse à son beau-père. C’est à lui qu’il transmettra son étude. Bientôt. Un jour. Peut-être. C’est devenu un personnage sec et aigri, très rusé, très chattemite. Un des bourgeois de Brel.
Bébert, ou plutôt Albert Lefèbre, mieux connu sous son nom d’artiste Albifer, est un sculpteur renommé, qui expose aux quatre coins du monde ses œuvres déjantées, fréquente la jet-set et tutoie toutes les stars des magazines de coiffeurs. On voit qu’il prend très soin de son corps, il est svelte, affamé, botoxé et lifté. Son compagnon actuel le suit comme un petit chien en portant son chihuahua. Toujours affable, sympathique et jovial, Bébert rayonne en société, mais ses œuvres sont torturées, tourmentées et noires, en contraste violent avec les projecteurs qui brillent autour de lui.
Moi, Mimi, Rémi Jardin pour l’état-civil, je suis heureux dans ma vie. J’ai trouvé ma moitié, toujours aussi douce et belle, qui m’a donné de beaux enfants qui vont bien et qui prolifèrent. Je m’embrouille dans les prénoms de mes petits- et arrière-petits-enfants. J’étais le local de l’étape. Je suis devenu paysan, comme mon père et mes ancêtres. Très tôt, je me suis tourné vers le bio et, actuellement, je découvre la permaculture au côté de mon fils qui a repris la ferme. Nous avons souvent accueilli des réfugiés, des personnes blessées par la vie et qui se sont requinquées chez nous. La plupart sont devenus de bons amis. J’ai répondu présent à cette foire médiatique parce que trois jours à Paris, tous frais payés, pendant le Salon de l’agriculture, ça ne se refuse pas. D'ailleurs, dès que les flonflons s'apaiseront, je m'éclipserai et demain debout à l'aube et sus au Salon.
Les deux autres sont gonflés d’orgueil d’avoir participé à un chef-d’œuvre, moi j’ai eu un été sympa qui m’a payé une partie de mon premier tracteur, vu que mon cachet était bloqué jusqu'à ma majorité, et surtout, cet été-là, j’ai pu échapper aux travaux des champs. Le seul été libre de ma vie. Un bon souvenir.
Dernière édition par Daboum le Mer 2 Juin 2021 - 17:31, édité 2 fois
Daboum- Humeur : jusqu'ici, ça va
Re: A - Bel été
Un bon texte pour nous rappeler un excellent film.
Mais je te pose la question : qu'en est-il de la consigne qui demande de parler des retrouvailles des gamins ? Tu nous parles d'eux, devenus adultes mais ce sont-ils revus ? Pas de traces Daboum, un ajout à faire !
Mais je te pose la question : qu'en est-il de la consigne qui demande de parler des retrouvailles des gamins ? Tu nous parles d'eux, devenus adultes mais ce sont-ils revus ? Pas de traces Daboum, un ajout à faire !
Amanda- Humeur : positivement drôle
Re: A - Bel été
Ajout fait j'applaudis et j'apprécie ! Tu tiens compte des comm's et tu t"ameliores de plus en plus ! Bravo
Amanda- Humeur : positivement drôle
Re: A - Bel été
Attachant ton texte, et le personnage de Rémi est très vivant.
Il est lucide sur sa vie, qui n'a pas dû être très facile, mais qui le comble.
Il a tout compris, lui....
Il est lucide sur sa vie, qui n'a pas dû être très facile, mais qui le comble.
Il a tout compris, lui....
silhène- Humeur : positive, autant que possible
Re: A - Bel été
Belle évocation d'un film célèbre, même si, à titre personnel, je ne l'ai pas trouvé très intéressant.
En revanche une rencontre de potes d'enfance qui ont tellement divergé qu'ils n'ont rien qu'il leur reste en commun . Ça c'est toujours intéressant.
À l'occasion, ça remet la réalité à sa place.
En revanche une rencontre de potes d'enfance qui ont tellement divergé qu'ils n'ont rien qu'il leur reste en commun . Ça c'est toujours intéressant.
À l'occasion, ça remet la réalité à sa place.
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"Écrire, c'est brûler vif, mais aussi renaître de ses cendres. "
Blaise Cendrars
ICI : Le Blog d'AlainX
alainx- Humeur : ça va ! et vous ?
Re: A - Bel été
L'idée du film "la guerre des boutons" est excellente car la photo en noir et blanc de ces trois gamins pourrait en effet en être l'illustration. Ensuite tu mets bien en évidence les différences de trajectoires de chacun et c'est bien souvent ce qui ressort des retrouvailles où parfois on ne trouve plus aucun point commun voire d'intérêt à ceux qu'on avait côtoyés.
Myrte- Humeur : Curieuse
RE A : Bel été
C'est certainement Rémi le plus heureux des trois , sa vie simple lui suffit et c'est tant mieux.
automne- Humeur : égale
Re: A - Bel été
Je comprends que tu as modifié ton texte pour coller à la consigne ( comme l’a suggéré Amanda)
Et bien le résultat c’est que cela ne se voit pas du tout. J’ai l’impression que le texte a été écrit d’un seul jet et je le trouve très intéressant.
Excellente idée de raccrocher cette photo à la guerre des boutons..
bravo pour ce très joli texte
Et bien le résultat c’est que cela ne se voit pas du tout. J’ai l’impression que le texte a été écrit d’un seul jet et je le trouve très intéressant.
Excellente idée de raccrocher cette photo à la guerre des boutons..
bravo pour ce très joli texte
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Bonjour Invité, je suis heureuse de te compter parmi les Kaléïdoplumiens
Admi......ratrice de vos mots !!!!!.
Admin- Admin
- Humeur : Concentrée
Re: A - Bel été
Bien en retard, juste pour dire que je suis d’accord avec tout les commentaires!
Zephyrine- Humeur : Parfois bizarre
Re: A - Bel été
"Si j'aurais su j'aurais pas venu !" On a du mal à imaginer les deux copains se promener tout nus pour la suite du film. Ca aurait été rigolo de connaître leur point de vue sur Mimi.
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Martine27
Martine27- Humeur : Carpe diem ou Souris quand même
Re: A - Bel été
Te dire que j'avais lu la semaine dernière mais a la bourre mentalement.
La guerre des boutons était LE film culte de ma jeunesse... enfin surtout le livre. J'aime toujours (jusqu'a maintenant ) ta manière d'aborder les consignes.
La guerre des boutons était LE film culte de ma jeunesse... enfin surtout le livre. J'aime toujours (jusqu'a maintenant ) ta manière d'aborder les consignes.
sprite!- Humeur : variable
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