a. Toujours vivant !

— Qu'est-ce que tu as encore te plaindre ! Ah ? Tu penses avoir le cerveau dans le brouillard ?  Tu veux que je te dise : à mon avis ce sont des brumes de l'alcool ! Tu devrais désouler au moins un jour sur deux.

— Quoi ? Qu'est-ce qu'il a ton tronc ? Crois-moi tu as un dos encore parfaitement droit un sapin des Landes jusqu'à sa cime. Tu es au faîte de tes possibilités. Arrête de secouer tes feuilles de maladie, tu n'es atteint par aucune vermine qui contaminerait ta sève.

— Comment ça tu manques de racines ? Tu es planté dans ta terre depuis bien longtemps et tu n'as jamais voulu t'installer ailleurs. C'est ici tes racines. Pas là-bas. Tu as encore un long parcours à vivre si j'en crois la vigueur de ton arbre généalogique.

— Tu as l'écorce de la tête toute ridée ? T'as une glace déformante ? Ou quoi ? Je te le dis, vieillir n'est pas un boulot pour les poules mouillées qui viennent caqueter à tes pieds. Vieillir c'est grandir, se développer, se transformer. Tiens je te verrais bien en cerf avec des bois immenses, bramant au clair de lune pour attirer les biches.

— Comment ça tu n'as jamais eu de succès auprès des femmes ? Tu oublies Marilou, Estelle, Sidonie, et Fernande que quand tu penses à elle tu bandes. C'est Georges qui me l'a dit.

— Bien sûr, tu n'es plus ce que tu « fût » dans cette futée florissante. Tout passe, tout lasse, tout se bûcheronne. Oui, je sais, c'est clair tu finiras dans du sapin. Mais en attendant je te conseille de t'effeuiller lentement parce que Lulu arrive à l'automne. Peut-être que face à elle tu ne bandes plus, mais crois-moi elle te désire toujours ! Elle arrive de Sète.