A. Moi Le Rouge un dix cors*

Jour après jour l’automne s’installe. Le matin des écharpes de brume s’accrochent aux troncs des arbres qui se parent de rouge, d’or et de cuivre. Sous la mousse reverdie les champignons pointent leur nez. Les bruits eux-mêmes sont différents. Craquement des feuilles sous les pieds, chute de pommes de pins ou de faines, et parfois au loin l’aboiement de la meute en chasse.

Mes hormones me travaillent. Je ressens une énergie soudaine, un élan profond de mon être. Mon brame va bientôt résonner dans les clairières. Un brame guttural, puissant et profond. Je me prépare car je devrai probablement me battre contre d’autres mâles. La saison des amours, un moment où nous sommes vulnérables.

Dans cette forêt, vieillir, ce n'est pas un boulot pour les poules mouillées. Il y a certains hivers très rudes qui déciment les plus faibles. Il y a les prédateurs. Les lynx s’attaquent sans pitié aux faons. Les loups de plus en plus nombreux nous pourchassent avec une technique sophistiquée digne de stratèges militaires. Parfois nous devons leur laisser un daguet. Heureusement durant la période des estives, ils sont davantage attirés par les moutons qui sont des proies plus faciles.

Mais pour moi les pires prédateurs sont les chasseurs et leurs chiens. Le plaisir de tuer. Tenaces, patients. Je n’ai pas la puissance du sanglier et leurs défenses capables d’éventrer les chiens trop entreprenants. Je n’ai pas de terriers où me cacher comme les renards. Je n’ai pas l’agilité des chamois et leur sens d’équilibre sur les rochers. Mon atout est ma rapidité, mes foulées amples, capable de courir longtemps et d’enjamber les arbres tombés au sol, de sauter des halliers. Automne après automne j’acquière de l’expérience pour échapper à l’hallali.

Alors aujourd’hui, toi le piqueux qui me poursuit depuis de si longues années, maintenant que nous sommes face à face yeux dans les yeux que décides tu ? Enfonceras-tu ton couteau dans mon cœur ? Le lâcheras-tu ?

*allusion au livre « la dernière harde » de Maurice Genevoix

Une scène automnale tellement bien décrite !
Nous voyons défiler le cerf, les faons et tous leurs prédateurs...
La forêts ou le cerf attend le piqueux!

J’aime la dernière phrase, elle me rend un peu mélancolique.

C'est très beau. Je le vois devant moi ce cerf majestueux et fier... Je déteste les chasseurs.

Difficile la liberté !

J'aime beaucoup ta description de l'automne, c'est tout à fait ça.
Il n'y a pas longtemps un cerf a déboulé devant moi à l'orée d'un bois, c'était magique !

J'aime beaucoup ton texte et ton approche de la consigne. Pendant quelques instants, je me suis senti à la place de ce cerf dans cette forêt et ses brumes qui la rendaient mystique. Super!!

J'ai aussi lu avec beaucoup de plaisir les oeuvres de M Genevois qui décrit si bien la nature et les animaux qui y vivent , je n'aime pas non plus la chasse mais c'est une tradition ,

Quel magnifique texte avec de belles descriptions de l'automne; de la forêt et de la chasse du côté de l'animal traqué. J'ai beaucoup de sympathie pour ce pauvre cerf.

La course d'un cerf traqué, magnifiquement racontée par tes mots, Sherkane ! J'aime beaucoup.  

J'espère juste que le chasseur lui laissera la vie sauve... on peut rêver...

Bien vu pour le thème, bien mené tout au long.


Un de mes petits-enfants en voiture ont vu avec bonheur un cerf déboulonné dans une forêt, en admiration.
Mais le bonheur s'est transformé en malheur quand il a découvert qu'il était poursuivi par des chiens et des chasseurs...
Inutile de vous décrire ce que ce bambin pense maintenant de la chasse!

Une super idée que de raconter du point de vue du cerf.
De très belles descriptions.

J'aime beaucoup cette approche de la consigne, originale et magistralement décrite par ta plume, quel talent pour passer d'un registre à l'autre comme tu le fais!

Tout a été dit.J'apprecie ton talent

magnifique texte Sherkane.