A. Le Roi de sa Maman
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A. Le Roi de sa Maman
Plumentête Mar 2 Nov 2021 - 20:02
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J’ai 65 ans, mouais, je croyais pas arriver jusque là ! 65 balais qu’il a le vieux Stephen, aujourd’hui tout pile. Non j’aurais pas cru arriver à cet âge là avec la vie que j’ai eu jusque là !
- Déjà j’m’appelle Stephen alors que j’suis né au pays basque et que ma mère, elle a jamais dépassé Dax, alors tu vois y avait déjà du bizarre dès le départ. Du bizarre et du pas très joli, joli.
- Je m’appelle Stephen parce qu’elle m’a fait avec un type qui lisait beaucoup, énormément même qu’elle disait ; et il lui a laissé un bouquin en plus d’un polichinelle dans le tiroir.
- Remarque, il était bien nommé le bouquin qu’il lui a laissé : INSOMNIE c’était le titre et l’auteur il s’appelait Stephen, Stephen KING. Ma mère elle en a eu des insomnies quand son gars il s’est tiré parce qu’ un gamin il en voulait pas, elle avait qu’à faire attention, il lui avait bien dit qu’il voulait rester libre.
- Non mais tu parles, ma mère elle avait qu’à faire attention, lui bien sûr il y était pour rien, sa semence c’était cadeau il allait pas, en plus faire attention pour elle.
- Je l’ai jamais connu et tout ce qu’il m’a donné en quelque sorte, c’est ce prénom pas facile à porter à cette époque là dans un petit bled du pays basque et qu’en plus, ta mère c’est la fille-mère, oui il y a 65 ans on ne parlait pas de mère célibataire mais de fille-mère et ça voulait dire soit la salope qui couchait facilement soit la pauvre fille qui s’en était laissé conter, une qui avait voulu croire à ses rêves et que le type avait planté là après avoir eu ce qu’il voulait et qu’en plus un marmot pointait le bout de son nez !
- Alors oui ma mère a eu de nombreuses insomnies et durant une nuit blanche, elle a lu ce bouquin c’est comme ça qu’elle m’a appelé Stephen. Quand j’étais petit, elle me disait toujours « tu es mon King et les hommes c’est fini, il n’y aura plus que toi dans ma vie ».
- Et c’est vrai que j’étais son roi alors rapidement à la maison j’ai fait ce que j’ai voulu et j’ai mal tourné, j’ai fait des bêtises comme on dit gentiment. On m’a foutu dehors du collège à 14 ans et j’suis rentré chez un restaurateur du coin pour commencer une sorte d’apprentissage. En fait d’apprentissage j’ai plutôt eu l’impression de rentrer au bagne et je me suis tiré au bout de 2 mois, là j’ai zoné dans mon petit quartier et je me suis laissé embarquer par des plus vieux que moi, classique quoi et ma mère a continué ses insomnies.
- Je me faisais surnommer le King par les potes, je dormais le jour et sortais la nuit pour préparer de mauvais coups. Ça a duré quelques années, je gagnais bien ma vie si je puis dire, pour me faire pardonner par ma mère, je lui ramenais toujours un bon pourcentage de mes gains. Fatiguée par ses insomnies et son travail d’usine, elle fermait les yeux.
- Et puis une nuit ça a mal tourné, les flics sont arrivés et nous ont embarqués au poste, je n’avais pas encore 18 ans, pas de casier non plus, je m’en suis pas mal tiré mais j’ai eu peur.
Dans le commissariat, j’ai vu une affiche pour la Légion Etrangère, je ne sais pas ce qui s’est passé dans ma tête mais ça a fait un déclic. J’étais bon en sport, je n’avais aucun avenir dans mon bled basque, aucune idée de ce que je voulais faire alors la Légion Etrangère m’est apparue comme la solution évidente.
- Ma mère a pleuré, encore un homme qui l’abandonnait et celui-là c’était son King mais elle avait eu peur elle aussi, elle a signé le papier qui m’autorisait à partir.
- Alors du pays j’en ai vu, des forêts sombres et brumeuses, des déserts chauds ou froids, des arbres aux troncs si haut que tu ne voyais pas la cime, 25 ans de légion ça m’a usé et j’ai cru y passer bien des fois mais non, la mort n’a pas voulu de moi !
- Après la Légion, j’ai fait plein de boulots tous plus ennuyeux les uns que les autres avec des chefs complètement cons. Je me suis engueulé grave avec le dernier et avant de lui foutre sur la gueule, je me suis barré.
- J’ai pris mon baluchon, ma voiture et j’ai roulé sans savoir où j’allais, quand il n’y a plus eu d’essence j’ai continué à pied et je me suis retrouvé ici, dans cette forêt où j’étais venu me promener une fois avec ma mère en sortant de la Légion. Elle voulait absolument me montrer cet endroit :
- C’est tellement beau ici mon fils et puis c’est magique aussi. Cet endroit j’y venais avec ton père déjà, il aimait bien cette ambiance étrange, la brume, ces hauts troncs d’arbres. Je voyais des silhouettes danser et j’ai même entendu une voix qui me disait « Vieillir c’est pas pour les poules mouillées ». Tu te rends compte mon fils, il y avait une voix qui connaissait la phrase de ce bouquin qu’il m’avait laissé. Si c’est pas de la magie ça, je ne sais pas ce que c’est.
- De la magie je ne suis pas très sûr, je crois plutôt que le malheur lui avait un peu tourné la tête à ma pauv’ maman mais toujours est-il que je suis revenu là sans même l’avoir décidé et j’ai pris ça pour un signe.
- Alors je suis resté plusieurs jours dans cette montagne, j’ai marché, tourné et viré en espérant trouver une cabane oubliée de tous et je l’ai trouvée. Je l’ai un peu retapée, je m’y suis installé et je ne l’ai plus quitté. C’est sûrement pour ça que je suis arrivé à 65 ans, en vivant comme un ermite au milieu de ta forêt Maman.
J’ai 65 ans, mouais, je croyais pas arriver jusque là ! 65 balais qu’il a le vieux Stephen, aujourd’hui tout pile. Non j’aurais pas cru arriver à cet âge là avec la vie que j’ai eu jusque là !
- Déjà j’m’appelle Stephen alors que j’suis né au pays basque et que ma mère, elle a jamais dépassé Dax, alors tu vois y avait déjà du bizarre dès le départ. Du bizarre et du pas très joli, joli.
- Je m’appelle Stephen parce qu’elle m’a fait avec un type qui lisait beaucoup, énormément même qu’elle disait ; et il lui a laissé un bouquin en plus d’un polichinelle dans le tiroir.
- Remarque, il était bien nommé le bouquin qu’il lui a laissé : INSOMNIE c’était le titre et l’auteur il s’appelait Stephen, Stephen KING. Ma mère elle en a eu des insomnies quand son gars il s’est tiré parce qu’ un gamin il en voulait pas, elle avait qu’à faire attention, il lui avait bien dit qu’il voulait rester libre.
- Non mais tu parles, ma mère elle avait qu’à faire attention, lui bien sûr il y était pour rien, sa semence c’était cadeau il allait pas, en plus faire attention pour elle.
- Je l’ai jamais connu et tout ce qu’il m’a donné en quelque sorte, c’est ce prénom pas facile à porter à cette époque là dans un petit bled du pays basque et qu’en plus, ta mère c’est la fille-mère, oui il y a 65 ans on ne parlait pas de mère célibataire mais de fille-mère et ça voulait dire soit la salope qui couchait facilement soit la pauvre fille qui s’en était laissé conter, une qui avait voulu croire à ses rêves et que le type avait planté là après avoir eu ce qu’il voulait et qu’en plus un marmot pointait le bout de son nez !
- Alors oui ma mère a eu de nombreuses insomnies et durant une nuit blanche, elle a lu ce bouquin c’est comme ça qu’elle m’a appelé Stephen. Quand j’étais petit, elle me disait toujours « tu es mon King et les hommes c’est fini, il n’y aura plus que toi dans ma vie ».
- Et c’est vrai que j’étais son roi alors rapidement à la maison j’ai fait ce que j’ai voulu et j’ai mal tourné, j’ai fait des bêtises comme on dit gentiment. On m’a foutu dehors du collège à 14 ans et j’suis rentré chez un restaurateur du coin pour commencer une sorte d’apprentissage. En fait d’apprentissage j’ai plutôt eu l’impression de rentrer au bagne et je me suis tiré au bout de 2 mois, là j’ai zoné dans mon petit quartier et je me suis laissé embarquer par des plus vieux que moi, classique quoi et ma mère a continué ses insomnies.
- Je me faisais surnommer le King par les potes, je dormais le jour et sortais la nuit pour préparer de mauvais coups. Ça a duré quelques années, je gagnais bien ma vie si je puis dire, pour me faire pardonner par ma mère, je lui ramenais toujours un bon pourcentage de mes gains. Fatiguée par ses insomnies et son travail d’usine, elle fermait les yeux.
- Et puis une nuit ça a mal tourné, les flics sont arrivés et nous ont embarqués au poste, je n’avais pas encore 18 ans, pas de casier non plus, je m’en suis pas mal tiré mais j’ai eu peur.
Dans le commissariat, j’ai vu une affiche pour la Légion Etrangère, je ne sais pas ce qui s’est passé dans ma tête mais ça a fait un déclic. J’étais bon en sport, je n’avais aucun avenir dans mon bled basque, aucune idée de ce que je voulais faire alors la Légion Etrangère m’est apparue comme la solution évidente.
- Ma mère a pleuré, encore un homme qui l’abandonnait et celui-là c’était son King mais elle avait eu peur elle aussi, elle a signé le papier qui m’autorisait à partir.
- Alors du pays j’en ai vu, des forêts sombres et brumeuses, des déserts chauds ou froids, des arbres aux troncs si haut que tu ne voyais pas la cime, 25 ans de légion ça m’a usé et j’ai cru y passer bien des fois mais non, la mort n’a pas voulu de moi !
- Après la Légion, j’ai fait plein de boulots tous plus ennuyeux les uns que les autres avec des chefs complètement cons. Je me suis engueulé grave avec le dernier et avant de lui foutre sur la gueule, je me suis barré.
- J’ai pris mon baluchon, ma voiture et j’ai roulé sans savoir où j’allais, quand il n’y a plus eu d’essence j’ai continué à pied et je me suis retrouvé ici, dans cette forêt où j’étais venu me promener une fois avec ma mère en sortant de la Légion. Elle voulait absolument me montrer cet endroit :
- C’est tellement beau ici mon fils et puis c’est magique aussi. Cet endroit j’y venais avec ton père déjà, il aimait bien cette ambiance étrange, la brume, ces hauts troncs d’arbres. Je voyais des silhouettes danser et j’ai même entendu une voix qui me disait « Vieillir c’est pas pour les poules mouillées ». Tu te rends compte mon fils, il y avait une voix qui connaissait la phrase de ce bouquin qu’il m’avait laissé. Si c’est pas de la magie ça, je ne sais pas ce que c’est.
- De la magie je ne suis pas très sûr, je crois plutôt que le malheur lui avait un peu tourné la tête à ma pauv’ maman mais toujours est-il que je suis revenu là sans même l’avoir décidé et j’ai pris ça pour un signe.
- Alors je suis resté plusieurs jours dans cette montagne, j’ai marché, tourné et viré en espérant trouver une cabane oubliée de tous et je l’ai trouvée. Je l’ai un peu retapée, je m’y suis installé et je ne l’ai plus quitté. C’est sûrement pour ça que je suis arrivé à 65 ans, en vivant comme un ermite au milieu de ta forêt Maman.
Dernière édition par Plumentête le Mar 2 Nov 2021 - 22:44, édité 1 fois (Raison : Correction du titre)
Plumentête-
Humeur : optimiste parfois sceptique
Re: A. Le Roi de sa Maman
Zephyrine Mer 3 Nov 2021 - 8:59
J'ai aimé ce texte et ses dialogues savoureux qui nous font deviner la personnalité des personnages.
Excellente idée aussi d'appeler le fils Stephen en souvenir de King.
Le parcours de Stephen n'est pas de tout repos et j'ai apprécié les divers rebondissements de l'histoire.
Excellente idée aussi d'appeler le fils Stephen en souvenir de King.
Le parcours de Stephen n'est pas de tout repos et j'ai apprécié les divers rebondissements de l'histoire.
Zephyrine- Humeur : Parfois bizarre
Re: A. Le Roi de sa Maman
sprite! Dim 7 Nov 2021 - 21:17
Plumentete, je me prosterne devant ce texte.... le premier que je lis pour mon retour post-estival.
Savoureux du debut a la fin. Bravo.
Savoureux du debut a la fin. Bravo.
sprite!- Humeur : variable
Re: A. Le Roi de sa Maman
Plumentête Lun 8 Nov 2021 - 12:03
Merci de vos commentaires à toutes les deux, j'ai écrit ce texte tardivement mais avec beaucoup de plaisir.
@Sprite, je suis plus que flattée de ce commentaire très élogieux!
@Sprite, je suis plus que flattée de ce commentaire très élogieux!
Plumentête- Humeur : optimiste parfois sceptique
Re: A. Le Roi de sa Maman
madeleinedeproust Lun 8 Nov 2021 - 12:50
Un texte très sympa qui colle parfaitement à la consigne et dans lequel tu arrives à intégrer ET la photo ET l'auteur de la citation!
Chapeau bas!
Chapeau bas!
madeleinedeproust- Humeur : littéraire...
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