A - Ce n'était que de l'eau

Si j’avais su, je n’aurais pas insisté  pour qu’on y  parte tous les trois. Où ça ?  Là-bas, au loin, au-delà les poules  comme on dit en Limousin. De ma vie, je n’avais  autant roulé ma bosse. Et en silence s’il vous plaît, parce qu’on me fit plus ou moins abruptement comprendre  que mes commentaires étaient inutiles.  Quelles que soient les surprises  défilant le long de la bagnole, en particulier  dans les villages traversés quand ces dames promènent leurs compagnons favoris, je devais me garder de tout commentaire admiratif ou vitupérant.

Tout à coup, le conducteur  ne se tint plus de joie au point que je craignis une embardée  qui nous eut envoyés  à la Baille. Oui, M’sieurs, Dames, c’était la mer !  Je l’avoue humblement, cette découverte ne me fit ni chaud ni froid.  Ben quoi ?  C’était plus large que la Dordogne qui reste  mon lieu de baignade de prédilection, et alors ?  Ce n’était que de l’eau …

La villégiature qui nous attendait  ne me déçut point, y  compris l’exiguïté  m’obligeant  à coucher  sur un tapis entre Madame et Monsieur.

Au petit matin,  ils me préparèrent à ce qui, selon eux, serait  le summum de ma vie : nous allions  à la  mer, enfin l’Océan  à une des extrémités  de la métropole  et de l’île : le phare de Chassiron. Par un escalier  manifestement  placé là pour faciliter l’accès du touriste  aux merveilles océanes, nous pûmes accéder  à la grande étendue d’eau.

En cette mi -automne, dame Météo avait mis les petits plats dans les grands. Sous le soleil levant, galets  multicolores  et vaguelettes moussantes sous un ciel sans nuages donnaient à la mer fort belle allure.

Au point de  risquer   un des pieds de devant  pour tester  les possibilités éventuelles d’un bon bain. Fidèle à mon habitude, j’en happais une ou deux goulées.
-  Pouahhh ! Qui donc a ainsi outrageusement  salé le bouillon ?
- Mais Ouahou !!! elle me court après,  la garce …
Et puis ce cliquetis  dans les galets ?  A mon image, offusqués  par ce va-et-vient incessant  qui, j’ai cru comprendre, s’appelle la marée, par gros temps  les galets doivent  être salement ballottés.

Mes Humains, après les sempiternelles photos, s’installèrent sur un banc public à quelques mètres du phare, sentinelle imperturbable   et néanmoins  orné en son sommet de têtes  de touristes courageux. Corvée qui me fut épargnée, la catégorie touristique dans laquelle on me classe  n’étant pas acceptée.

Je n’en fus nullement  mortifié : il y  avait tant à humer autour du banc public qu’admirer l’ immensité de l’Océan ne me manqua point.

D’autant que mon odorat était charmé  par des fumets subtils. Ce mets qu’en qualité de terrien j’ignorais, c’était tout simplement des moules façon grand-mère …

Bref, si j’avais su  …
Si j’avais su, je leur eu conseillé plus tôt cette escapade !  Et bientôt, je le sais, on retournera à la Dordogne où je pourrais folâtrer  pendant  que depuis leur banc, mes deux Humains papoteront.