A - Pépé Athanase : Le rêve et le savoir

Mémé Célestine et Pépé Athanase observent avec curiosité le petit Sirius, penché sur un livre de photos qu'il a amené avec lui. Il semble tellement absorbé qu’ils n’osent pas le déranger.

Ils finissent par craquer et s’installent à côté de leur arrière-petit-fils. Sirius relève le nez et leur désigne deux photos.

« Elles sont bizarres, hein, ces photos ? »

« Effectivement » répond Pépé Athanase « Elles te racontent quoi ? »

« Ben, pour le cerf, je sais pas trop. Mais, l'éléphant, c'est mon copain Beaudouin et le tigre, c’est une tigresse et c’est ma copine Aude. »

Mémé Célestine et Pépé Athanase échangent un regard surpris au-dessus de la petite tête blonde et bouclée.

Pépé Athanase reprend : « Tu peux me dire pourquoi ces animaux te font penser à tes amis ? »

« Voui, l’éléphant, c’est Beaudoin parce qu’il est tout rond, même que les autres, ils l’appellent Bouboule. Et, puis la tigresse, c’est Aude parce qu’elle s’endort souvent à l’école et qu’elle est belle comme un tigre. »

Mémé Célestine interroge à son tour : « J’espère que tu n’appelles pas ton ami Bouboule, ce n’est pas gentil. Et, pourquoi dort-elle en classe Mademoiselle Aude ? »

« Mais non, Mémé, je sais bien que c’est pas gentil et Beaudoin et Aude ce sont mes meilleurs copains. Beaudoin, je crois qu’il est amoureux d’Aude, parce qu’il est tout le temps en train de lui porter son sac de classe, comme l’éléphant quoi. Et, Aude, elle sait déjà plein de choses, bien plus que nous. Alors, je crois qu’elle s’embête alors, elle préfère dormir. »

Pépé Athanase s’enquiert : « Et les valises ? »

« Ben, je crois que c’est là-dedans qu’Aude elle met toutes les choses qu’elle sait. Mais, je vois pas pourquoi le cerf, il est comme ça et pourquoi y a plein d’oiseaux autour de lui. Tu sais, toi, Pépé ? »

En entendant ces mots et en voyant son époux se redresser sur sa chaise, Mémé Célestine en déduit qu’il est temps de préparer le chocolat et de sortir les biscuits.

Et, en effet, Pépé Athanase se lance.

« Je crois que je sais. Tes photos me rappellent une histoire. »

Sirius trépigne d’impatience, mais Pépé Athanase s’amuse à le faire patienter le temps que les douceurs du goûter arrivent devant eux.

« Alors voilà. J’ai entendu parler d’un éléphant qui se promenait tout seul et cela l’ennuyait parce qu’il aimait bien la compagnie. Il décida donc de rentrer chez lui dans un pays lointain.

Sur la route, il rencontra une belle tigresse, entourée de valises. Elle aussi voulait rentrer au pays. Tout ce qu’elle avait appris remplissait ses bagages et elle ignorait comment tout emporter. »

« Ben, c’est normal, elle est petite et il y a beaucoup de valises », répond Sirius avec beaucoup de logique.

« Exactement, donc l’éléphant, qui est tout content de croiser quelqu’un, lui propose de les emmener, elle et ses bagages. En échange, elle lui racontera les histoires qu’elle a apprises. Et, la tigresse et l'éléphant se mirent ainsi en chemin ensemble. »

Pépé Athanase s’arrête quelques instants, le temps d’avaler une gorgée de chocolat et de croquer un biscuit.

Sirius se tortille sur sa chaise, impatient de connaître la suite. « Et le cerf, Pépé, qu’est-ce qu’il vient faire dans ton histoire ? »

« Voilà, voilà, je continue. En cours de route, les deux amis croisèrent un cerf qui se tenait immobile au milieu de la forêt. Ses bois ressemblaient à un arbre et il ne pouvait pas bouger, sinon il aurait délogé les oiseaux qui y avaient fait leur nid. Bien sûr, l’éléphant et sa compagne, très étonnés, s’arrêtèrent pour en savoir plus.

Le cerf leur expliqua que les nids contenaient des rêves et que s’il les faisait tomber, ils risquaient de se briser. Ensembles, ils cherchèrent une solution. Ils échangèrent beaucoup d’idées et finirent par trouver une solution. »

Nouvelle pause chocolat-biscuit. Sirius ne tient plus en place. Regard sévère de Mémé Célestine qui veut, elle aussi, connaître la suite.

« Voilà donc ce qu’ils décidèrent. La tigresse accepta de vider deux de ses valises, l’éléphant ayant une bonne mémoire s’arrangea pour stocker ce savoir. Du bout de la trompe, il cueillit délicatement les rêves et les déposa dans les malles vides d’où ils pourraient s’envoler lorsqu’ils seraient prêts. Le cerf, tout content et libéré, put brouter et boire à nouveau. Il décida de les accompagner pour récolter de nouveaux rêves.

C’est ainsi que tous les trois purent diffuser le rêve et le savoir partout où ils passaient, et se faire beaucoup de nouveaux amis. »

Pépé Athanase resta un moment pensif, puis, tout attendri, il regarda le petit Sirius.

« Tu sais, je crois que le cerf, c'est un peu toi qui aimes tant rêver et je pense que c’est très important que vous restiez amis, Aude, Beaudoin et toi. »

Sirius referma le livre de photos et, satisfait, dévora les biscuits restants.