A. Diaspora turque en France
+2
Amanda
Sherkane
6 participants
Kaléïdoplumes 4 :: Archives 2019/2023 :: Espace Ecriture et Photo :: Ecriture et Photo sur consigne :: Consignes 679
Page 1 sur 1
A. Diaspora turque en France
Annie est employée de mairie dans une petite ville de 7000 habitants où la communauté turque est importante. Depuis plus de 30 ans qu’elle s’occupe de l’accueil elle a pu voir cette communauté grandir.
L’arrivée des premiers turcs date des années 70 et fait suite à la signature le 8 avril 1965 d’une convention de main-d’œuvre entre les deux pays instaurant une immigration de travail temporaire. Ce sont des hommes seuls et principalement originaires d ’Anatolie, région centrale de la Turquie, qui arrivent dans cette région industrielle. Dans les années 75, l’immigration de travail temporaire est arrêtée et l’état français accorde l’autorisation au regroupement familial. La communauté s’agrandit alors rapidement et finit par se sédentariser au fil des années.
Les maisons turques fleurissent et se reconnaissent facilement à la périphérie du centre-ville. Grandes, immenses, à étages, certaines logeant plusieurs familles. De grands balcons avec colonnades et des terrasses couvertes bordées de grands piliers sculptés. Généralement un extérieur gravillonné ou bétonné. Peu de plantes ou alors des oliviers, des citronniers et des palmiers.
Les hommes turcs travaillent principalement dans le BTP et montent souvent une entreprise communautaire. Le soir, après le travail ils se retrouvent au café pour discuter. Les femmes quant à elles restent essentiellement à la maison. Si elles sortent elles portent le voile et sont souvent en compagnie d’enfants qu’elles amènent ou reprennent de l’école.
Les deux communautés française et turque se côtoient sans problème. Elles se côtoient mais ne se mélangent pas ! Une frontière tacite les sépare. Chacune vit de son côté. Au marché, la démarcation est visible. Il y a le coin « turc » avec sa viande et ses poulets hallal, son pain turc et ses gâteaux. Plus loin, c’est le coin « français » avec ses marchands de légumes locaux, ses fromages, sa charcuterie.
Dans la rue principale de la ville les enseignes des magasins affichent clairement leur identité :
La Mektaba / La boutique Terracol
Anatolie Kebab / Restaurant Arielle
Dans les rues on entend parler turc même parmi les plus jeunes et de manière tacite il y a les cafés turcs, les cafés français. Les coiffeurs turcs, les coiffeurs français, les boulangeries turques, les boulangeries françaises.
A l’accueil de la mairie, Annie s’occupe des papiers pour les mariages. Elle n’observe que très peu de mariages mixtes. Les turcs se marient entre eux et elle voit beaucoup de jeunes femmes arriver directement de Turquie pour se marier en France. Celles-ci ne parlent pas un mot de français et Annie se demande parfois comment elles vont réussir à s’intégrer. Question qui l’interroge vraiment.
En effet, Annie habite tout à côté de la mosquée. Un simple grillage sépare les deux propriétés. Parfois les enfants viennent dans le coin de jeu et leur brouhaha égaient pour un temps l’atmosphère.
La première année d’explosion des moustiques tigres, elle est allée à la mosquée pour en parler et leur indiquer les précautions à prendre pour éviter leur pullulation. Une jeune femme voilée arrosait des plantes sur un balcon. Annie l’a saluée et a commencé à lui parler. Très vite elle a compris que la jeune femme ne comprenait pas ce qu’elle lui disait. Cette dernière finit par appeler quelqu’un au téléphone en parlant en turc et c’est l’iman qui est arrivé. Celui-ci parlait très bien français et Annie a pu discuter avec lui des moustiques tigres. Annie est repartie avec néanmoins un drôle de sentiment. Pourquoi cette jeune femme ne parle pas et ne comprends pas le français ? Comment peut-elle alors s’intégrer. Si volonté d’intégration il y a.
Annie cherche à comprendre. Pourquoi n’y a-t-il aucun mélange entre ces deux communautés ? Elle lit différentes études sur l’immigration turque en France. Elle découvre que celle-ci est bien différente des autres immigrations. Il n’y a pas de liens historiques de colonisation ou autre entre les deux pays. Aussi le français n’est pas enseigné en Turquie. Ce qui n’aide pas les arrivants à s’intégrer facilement. Elle apprend aussi que la communauté turque pratique une endogamie record et que ses choix maritaux s’orientent souvent vers un conjoint vivant encore dans le pays d’origine. Il y a aussi un fort refus d’acculturation. Internet, parabole, réseaux sociaux, tout leur permet d’écouter la télévision turque, les radios turques…. Ils sont en France mais vivent comme s’ils étaient en Turquie.
Bien sûr les enfants vont à l’école. Les filles comme les garçons. Annie, étant une femme, s’interroge parfois sur l’avenir des filles. Que deviendront elles ? Car elle voit très peu de femmes turques se promener dans la ville, excepté les jours de marché. Et toujours portant le voile.
Annie se demande si cette frontière tacite mais très forte disparaitra un jour. Le temps aidera il à ces deux communautés à se mélanger ?
L’arrivée des premiers turcs date des années 70 et fait suite à la signature le 8 avril 1965 d’une convention de main-d’œuvre entre les deux pays instaurant une immigration de travail temporaire. Ce sont des hommes seuls et principalement originaires d ’Anatolie, région centrale de la Turquie, qui arrivent dans cette région industrielle. Dans les années 75, l’immigration de travail temporaire est arrêtée et l’état français accorde l’autorisation au regroupement familial. La communauté s’agrandit alors rapidement et finit par se sédentariser au fil des années.
Les maisons turques fleurissent et se reconnaissent facilement à la périphérie du centre-ville. Grandes, immenses, à étages, certaines logeant plusieurs familles. De grands balcons avec colonnades et des terrasses couvertes bordées de grands piliers sculptés. Généralement un extérieur gravillonné ou bétonné. Peu de plantes ou alors des oliviers, des citronniers et des palmiers.
Les hommes turcs travaillent principalement dans le BTP et montent souvent une entreprise communautaire. Le soir, après le travail ils se retrouvent au café pour discuter. Les femmes quant à elles restent essentiellement à la maison. Si elles sortent elles portent le voile et sont souvent en compagnie d’enfants qu’elles amènent ou reprennent de l’école.
Les deux communautés française et turque se côtoient sans problème. Elles se côtoient mais ne se mélangent pas ! Une frontière tacite les sépare. Chacune vit de son côté. Au marché, la démarcation est visible. Il y a le coin « turc » avec sa viande et ses poulets hallal, son pain turc et ses gâteaux. Plus loin, c’est le coin « français » avec ses marchands de légumes locaux, ses fromages, sa charcuterie.
Dans la rue principale de la ville les enseignes des magasins affichent clairement leur identité :
La Mektaba / La boutique Terracol
Anatolie Kebab / Restaurant Arielle
Dans les rues on entend parler turc même parmi les plus jeunes et de manière tacite il y a les cafés turcs, les cafés français. Les coiffeurs turcs, les coiffeurs français, les boulangeries turques, les boulangeries françaises.
A l’accueil de la mairie, Annie s’occupe des papiers pour les mariages. Elle n’observe que très peu de mariages mixtes. Les turcs se marient entre eux et elle voit beaucoup de jeunes femmes arriver directement de Turquie pour se marier en France. Celles-ci ne parlent pas un mot de français et Annie se demande parfois comment elles vont réussir à s’intégrer. Question qui l’interroge vraiment.
En effet, Annie habite tout à côté de la mosquée. Un simple grillage sépare les deux propriétés. Parfois les enfants viennent dans le coin de jeu et leur brouhaha égaient pour un temps l’atmosphère.
La première année d’explosion des moustiques tigres, elle est allée à la mosquée pour en parler et leur indiquer les précautions à prendre pour éviter leur pullulation. Une jeune femme voilée arrosait des plantes sur un balcon. Annie l’a saluée et a commencé à lui parler. Très vite elle a compris que la jeune femme ne comprenait pas ce qu’elle lui disait. Cette dernière finit par appeler quelqu’un au téléphone en parlant en turc et c’est l’iman qui est arrivé. Celui-ci parlait très bien français et Annie a pu discuter avec lui des moustiques tigres. Annie est repartie avec néanmoins un drôle de sentiment. Pourquoi cette jeune femme ne parle pas et ne comprends pas le français ? Comment peut-elle alors s’intégrer. Si volonté d’intégration il y a.
Annie cherche à comprendre. Pourquoi n’y a-t-il aucun mélange entre ces deux communautés ? Elle lit différentes études sur l’immigration turque en France. Elle découvre que celle-ci est bien différente des autres immigrations. Il n’y a pas de liens historiques de colonisation ou autre entre les deux pays. Aussi le français n’est pas enseigné en Turquie. Ce qui n’aide pas les arrivants à s’intégrer facilement. Elle apprend aussi que la communauté turque pratique une endogamie record et que ses choix maritaux s’orientent souvent vers un conjoint vivant encore dans le pays d’origine. Il y a aussi un fort refus d’acculturation. Internet, parabole, réseaux sociaux, tout leur permet d’écouter la télévision turque, les radios turques…. Ils sont en France mais vivent comme s’ils étaient en Turquie.
Bien sûr les enfants vont à l’école. Les filles comme les garçons. Annie, étant une femme, s’interroge parfois sur l’avenir des filles. Que deviendront elles ? Car elle voit très peu de femmes turques se promener dans la ville, excepté les jours de marché. Et toujours portant le voile.
Annie se demande si cette frontière tacite mais très forte disparaitra un jour. Le temps aidera il à ces deux communautés à se mélanger ?
Sherkane
Re: A. Diaspora turque en France
Ton texte est totalement exact, du moins en ce qui concerne ta France et ma Belgique.
Je te livre mon vécu.
Je suis née et ai passé mes années d'enfance et d'adolescence dans un quartier de Bruxelles, ni pauvre, ni huppé.
Normal, quoi.
Ensuite, comme chez toi, une communauté turque s'est installée, d'abord une grande rue où les commerces de fruits et légumes ont commencé à s'installer. J'y allais de temps en temps, j'appréciais les produits.
En fait, c'est une grosse firme turque qui installait et approvisionnait les "petits" vendeurs.
Et puis tout a pris de l'extension.
Tout le quartier est devenu turc, la maison de mes parents a été achetée par un Monsieur turc, qui possède maintenant toutes les maisons situées sur la belle place où je jouais.
Même le médecin est turc.
Bruxelles s'est morcelée ainsi avec un autre quartier, plus mal famé, Molenbeek de triste mémoire, avec ses terroristes. Là, c'est quasi "Marrakech", il ne faut pas y mettre les pieds si on veut éviter les vols et autres délits.
Les Turcs sont paisibles, il n'en est pas de même pour certains Magrébins.
Une de mes amies habite dans un bel appartement à Molenbeek, acheté il y a 20 ans. Bel immeuble, mais derrière le coin, se trouve le café de Salam. Elle n'ose plus sortir le soir...
Je te livre mon vécu.
Je suis née et ai passé mes années d'enfance et d'adolescence dans un quartier de Bruxelles, ni pauvre, ni huppé.
Normal, quoi.
Ensuite, comme chez toi, une communauté turque s'est installée, d'abord une grande rue où les commerces de fruits et légumes ont commencé à s'installer. J'y allais de temps en temps, j'appréciais les produits.
En fait, c'est une grosse firme turque qui installait et approvisionnait les "petits" vendeurs.
Et puis tout a pris de l'extension.
Tout le quartier est devenu turc, la maison de mes parents a été achetée par un Monsieur turc, qui possède maintenant toutes les maisons situées sur la belle place où je jouais.
Même le médecin est turc.
Bruxelles s'est morcelée ainsi avec un autre quartier, plus mal famé, Molenbeek de triste mémoire, avec ses terroristes. Là, c'est quasi "Marrakech", il ne faut pas y mettre les pieds si on veut éviter les vols et autres délits.
Les Turcs sont paisibles, il n'en est pas de même pour certains Magrébins.
Une de mes amies habite dans un bel appartement à Molenbeek, acheté il y a 20 ans. Bel immeuble, mais derrière le coin, se trouve le café de Salam. Elle n'ose plus sortir le soir...
Amanda- Humeur : positivement drôle
Re: A. Diaspora turque en France
Je ne sais pas ce qui fait que certaines communautés s'intègrent mieux que d'autres dans le pays où elles vivent. Et, de plus, dans la même communauté il y a ceux qui veulent le faire et d'autres pas. Posons-nous la question : si nous étions amenés à vivre dans un pays aux coutumes très différentes des nôtres comment vivrions nous l'intégration ?
Myrte- Humeur : Curieuse
Re: A. Diaspora turque en France
Voilà un reportage sur les communautés turques particulièrement intéressant et documenté. Je suppose issus de sources directes.
Chez les ch'tis il y a une diaspora turque relativement importante, héritage du temps des industries textiles florissantes dans la métropole lilloise.
Chez les ch'tis il y a une diaspora turque relativement importante, héritage du temps des industries textiles florissantes dans la métropole lilloise.
_________________
"Écrire, c'est brûler vif, mais aussi renaître de ses cendres. "
Blaise Cendrars
ICI : Le Blog d'AlainX
alainx- Humeur : ça va ! et vous ?
RE A : Diasporama turque en France
je ne connais pas du tout le mode de vie de cette communauté en France ; je pensais qu'il était obligatoire d'apprendre le langue du pays où l'on venait vivre ; j'ai des voisins qui ont suivi des cours d' Anglais avant de partir s'installer en Australie , pourquoi ces différences ?
Merci pour ton texte .
Merci pour ton texte .
automne- Humeur : égale
Re: A. Diaspora turque en France
Merci à tous de vos commentaires. La communauté turque ne veut pas s'intégrer en France (ni en Allemagne, ni en Belgique...). Elle vit volontairement sur elle même. Une autre anecdote vécue : une amie travaillait à la mairie (dans mon texte c'est Annie). Une année une jeune turc de 17 ans a travaillé l'été à la mairie. Elle ne portait pas de voile et était habillée comme tout jeune français. A la fin de son stage, mon amie lui a dit qu'elle pourrait revenir travailler l'an prochain. La réponse de la jeune fille a été :
"Non cela ne sera pas possible. L'an prochain j'aurai 18 ans et je vais être mariée à un turc qui viendra de Turquie"
Mon amie a revu plus tard cette jeune fille. Elle était mariée et portait le voile.
L'histoire des moustiques tigres c'est mon vécu personnel
J'ai trouvé sur Internet une étude de 2021 sur la diaspora turque en France écrite par l'Observatoire de l'immigration et de la démographie. Etude très intéressante et cela m'a permis de mieux comprendre ce phénomène.
"Non cela ne sera pas possible. L'an prochain j'aurai 18 ans et je vais être mariée à un turc qui viendra de Turquie"
Mon amie a revu plus tard cette jeune fille. Elle était mariée et portait le voile.
L'histoire des moustiques tigres c'est mon vécu personnel
J'ai trouvé sur Internet une étude de 2021 sur la diaspora turque en France écrite par l'Observatoire de l'immigration et de la démographie. Etude très intéressante et cela m'a permis de mieux comprendre ce phénomène.
Sherkane
Re: A. Diaspora turque en France
Je découvre ce texte et ce sujet que tu as l'air de bien connaître. J'avoue que pour ma part je ne connais pas cette problématique. Sans doute parce que j'ai vécu mon enfance à la campagne dans les années 70 et chez nous il y avait des maghrébin mais aucun turc. Même à Toulouse où j'ai fait mes études supérieures, je ne me souviens pas avoir connu ce communautarisme que tu décris. Ton texte est donc une découverte pour moi;
Cassy- Admin
- Humeur : Emotionnellement vivante
Kaléïdoplumes 4 :: Archives 2019/2023 :: Espace Ecriture et Photo :: Ecriture et Photo sur consigne :: Consignes 679
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum