a. J'en rêve la nuit

L'autre nuit j'ai fait un rêve. Rapidement j'ai eu la conviction qu'il venait de loin, très loin même. Je me suis demandé combien de temps il avait mis pour parvenir à mon cerveau. Comme de nombreux rêves, il surgissait de l'au-delà de moi-même, ou de l'en-deçà de ma personne, difficile parfois à discerner.

Je suis dans un restaurant ou plutôt une sorte de réfectoire intemporel. Les tables sont dressées, mais peu de convives. L'environnement c'est la ville et la campagne entremêlées. Des serveuses genre matrones attendent l'arrivée d'éventuels clients. Un couple vient de s'attabler pas bien loin de moi. Chacun regarde dans le vide. sont–ce mari et femme ? Mais peut-être je ne dois pas employer le vocable couple. L'homme semble un ouvrier harassé, un peintre en bâtiment probablement. L'autre doit être une servante émancipée, à moins qu'elle soit l'une de ces demies mondaines que l'on croise encore çà et là. Un turban sur la tête lui permet de se donner un genre oriental, à moins que ce ne soit un artifice de scène comme en utilisent les influenceuses sur Internet qui fleurissent un peu partout sur les écrans des gogos.

Les rêves sont là pour nous empêcher de dormir tranquille. C'est pénible. Au réveil il faut que je les chasse à coups de balai, genre « tête de loup » comme le faisait ma mère dans mon enfance pour enlever les toiles d'araignée qu'elle avait dans le plafond. Tiens, peut être que je devrais faire de même. Va falloir que je me mouche bruyamment et fortement pour faire fuir les arachnides par les narines..

Ce matin je suis en ville, dans le quartier dit « des artistes » où il y a des boutiques à touristes qui vendent fort cher des pseudos tableaux généralement qualifiés de « croûtes », par les esthètes à claques. Le gros avantage c'est que ces pseudos artistes vendent leurs peinturlures la peau des fesses vu que les touristes étrangers sortent facilement leurs dollars. Remarquez, moi je m'en fiche. En revanche, ce dont je ne me moque pas c'est que j'aperçois dans une vitrine le tableau de mon rêve, celui qui me hante une nuit sur deux depuis des mois.

Évidemment je suis entré pour interpeller le boutiquier qui a dit :
— À votre air étonné je vois que ça vous plaît ! C'est un petit délire à propos de Vincent Van Gog et de Vermeer. C'est rigolo non ? Vous les connaissez évidemment !
— Je ne vois pas pourquoi je connaîtrais vos deux amis, que j'ai répondu aussitôt. Mon problème, et que quasiment toutes les nuits je rêve de ces gens.
— Bah voilà ! Vous voyez bien , si vous rêvez d'eux c'est que vous les connaissez !