a. L'espoir de Maximilien

Voilà longtemps que Maximilien espérait prendre son envol.
Sa maman lui avait fait une prédiction dès sa prime enfance : — Si tu es sage comme une image, tu deviendras un ange.
Dès qu'il put se rendre au cinéma, il alla voir des dessins animés. C'était un peu comme des images qui ne sont pas sages. Ça bougeait tout le temps. Il avait devant les yeux le contraire de ce que sa mère exigeait sans cesse : — Mais enfin, tiens-toi tranquille bien sagement !

Plus tard, au catéchisme, il découvrit les images pieuses que le curé en soutane lui remettait chaque fois qu'il savait réciter par cœur les prières obligatoires. — Tu la mettras sagement dans ton livre de messe, conseillait le tonsuré, l'index dressé vers le ciel, signifiant ainsi que le conseil était une obligation.

Maximilien en déduit toutefois la certitude qu'il possédait enfin des images sages. Il lui restait à devenir ainsi. Le soir dans son lit il les contemplait longuement, mettant de l'intensité dans son regard. Il avait la conviction qu'en agissant ainsi qu'il pourrait accélérer le processus pour devenir un ange, comme sa mère lui avait promis. Il est évident qu'avec des ailes dans le dos, il pourrait plus facilement prendre son envol.

Plus tard, en grandissant, Maximilien élabora une pensée plus complexe. Prendre son envol ? Certes ! Mais pour quelle destination ? Cela devenait une question lancinante pour ne pas dire obsessionnelle. Il aurait aimé demander conseil au curé du catéchisme, mais hélas celui-ci avait été arrêté par la police pour pédo-criminalité. Décidément, on ne lui facilitait pas l'existence.

Qu'à cela ne tienne, une réponse lui parviendrait un jour ou l'autre, soit elle tomberait du ciel, soit elle monterait des profondeurs de l'univers. Il était patient, persévérant et d'un tempérament plutôt positif. Et puis quoi qu'il en soit il avait une foi profonde dans la promesse maternelle. On sait bien qu'une mère ne trahit jamais son enfant, sauf exception, et s'il pensait qu'il était exceptionnel, cela ne signifiait pas pour autant qu'il était une exception.

Cependant il regardait passer les années les unes après les autres, et Maximilien finissait par ressentir une sorte de détresse qui s'en venait de loin et risquait de l'entraîner dans un tourbillon de doutes. Quand ces moments difficiles s'approchaient, il ressortait ce petit carnet où il avait transcrit cette phrase, lue il ne sait plus où, et aussitôt tout allait mieux, et même il ressentait fortement pousser dans son dos les ailes qu'il convoitait : attendre c'est presque toujours espérer !