A. La neige n'est pas toujours la neige

Carême — Était ce bien la même neige qui tombait quand j’étais enfant ?

Mardi Gras — D'abord je te signale que cette phrase, normalement c'est à la fin que tu dois la prononcer. « La consigne, c'est la consigne », comme disait l'allumeur de réverbères.

Carême — Et alors ? Ce n'est pas parce qu'il faut la mettre à la fin que je n'ai pas le droit de la mettre « aussi » au début… et puis de toute façon il n'y a plus de neige depuis pas mal de temps.

Mardi Gras — Depuis exactement 3721 jours. La dernière fois c'était une veille de Noël, aux alentours de la mi-carême. Je m'en souviens très bien. C'était devenu tellement rare que Maurice regardait avec des yeux quasiment aussi ronds qu'un regard de plaque d'égout  en fonte ductile.

Carême — Tu as raison, la fonte c'est utile, aussi utile que les égouts qui emportent les flocons de neige quand ils font, font, font, trois petits tours et puis s'en vont.

Mardi Gras — Non, je te parle pas de quelque chose d'utile je te parle de fonte ductile qui résiste aux chocs, aux déformations, bref qui est assez élastique.

Carême — N'importe quoi ! Tu as déjà vu des plaques d'égout élastiques ? Franchement, n'importe quoi ! Tu as de la neige dans le cerveau, toi. Méfie-toi, quand ça va fondre, tu vas avoir du liquide dans le ciboulot. Et après tu vas te mettre à pleurer, forcément, pour qu'il s'écoule ! Qu'est-ce que je me marre ! Marre à canards évidemment…

Mardi Gras — Tu veux que je te dise : tu es aussi terne qu'une citerne vide. Aussi terne qu'un poème de Maurice Carême. Tu sais, c'est le mec qui racontait que la tour Eiffel est une girafe, qu'elle avait la tête dans le ciel pour mieux brouter les nuages. En plus il ajoutait que des hommes et des femmes arrêtaient pas de lui passer entre les jambes et qu'il y en a même qui lui montaient et descendaient le long du cou. Franchement tu crois que l'on peut vraiment faire apprendre de telles insanités aux gosses ? C'est quasiment pornographique ! Et après on s'étonne que ça donne des adultes aux mœurs dissolues…

Carême — Oui, ben justement, c'est lui qui posait la question que j'ai dite au début. Je comprends maintenant, la neige dont il parle, c'est la cocaïne ! Et il doute que désormais ce soit encore de la bonne !

Mardi Gras — Mais bon sang, c'est bien sûr ! S'il s'était agi de la neige qui tombe du ciel, il n'aurait certainement pas dit cela. Car c'est évident, la drogue des années 1900, ça peut pas être celle des années 1950 ! De toute façon il ne neige plus, ou très rarement. Et là où il neige, elle est toute noire, comme c'est arrivé en Sibérie. Donc ce type était un drogué, dès son plus jeune âge : c'est pourquoi il écrivait des poèmes comme celui que j'ai cité. Quelle dépravation ! Il faut absolument l'interdire dans les écoles…

Carême — Voilà, tu as tout compris. On lui a refilé de la drogue frelatée, avec plein de saloperies dedans. Et comme il se droguait depuis l'enfance, il s'est légitimement interrogé :— Était ce bien la même neige qui tombait quand j’étais enfant ?

Après avoir lu son commentaire sous la consigne, j'aurais volontiers parié qu'avec Alainx la neige allait nous entraîner sur ce terrain-là !
Cela nous vaut un dialogue excellent entre Carême et Mardi-Gras

Vengeance promise , gencives qui saignent post mortem (ouh la j’ai filé voir si ledit monsieur était bien passé de vie à trépas , il ne s’agit pas de devenir faussoyeur contre son gré )
Un texte qui régale . zéphyrine. E sera sans doute pas du même avis
Et Amanda va découvrir Grâce à une girafe un peu, et AlainX beaucoup, le potentiel érotique du poète qu’elle exécre
Tout cela est fort jubilatoire
MERCI

Quand tu disais que ça allait saigner...., comme Nerwen j'ai pensé à cette neige là.
Le dialogue est savoureux, tu nous entraîne sur une pente plus savonneuse que neigeuse...et nous nous laissons glisser avec plaisir.
Moi aussi, je voudrais connaître le mode d'emploi.

...mais non je ne t'en veux pas d'avoir égratigné mon poète adoré!

C'est fou ce que de tels consignes te donnent plein d'idées !
Moi je cherche encore...

Je retiens de ce texte que tu as une imagination débordante et que j'ai eu un plaisir immense à le lire !

Que  d'imagination  et de rebondissements autour de l'ami Maurice ! De quoi vraiment se retourner dans sa neige ...  Bravo Alain!

"j'ai juste choisi une orientation qui serait plutôt dans le comique, dérisoire, l'absurde… et si possible un peu d'humour…" . Mélange détonant que tu nous frelate et distille dans tes textes ... attention, danger, on pourrait devenir accrocs!

La prof à la retraite ( merci Myrte) est absolument ravie de ce dialogue qui met en avant la perversité de cet auteur ( qu'aujourd'hui heureusement on ne lit plus dans les écoles. Mais lit-on encore dans les écoles aujourd'hui ?)
AlainX, tu t'es surpassé cette fois et si tu dis que c'est au hasard, malgré toi, c'est encore plus génial !

Mon pôvre ( avé l'accent des gens d'ici ), tu nous racontes n'importe quoi !  Ca carbure là dedans ! Mais le plus fou, c'est qu'on entre dans ta danse. Faut se méfier, on sait pas où tu vas nous entrainer  

Je viens de lire la réponse que tu as faite à Martine et ça me rappelle le stage que j'avais suivi : " auditifs, visuels, kinésistes" ou comment enseigner aux gamins suivant la catégorie à laquelle ils appartenaient.
Cela dit, on est toujours un peu des trois. Toutefois, pour faire des études, il vaut mieux appartenir aux deux premières catégories.
Je fonctionne exactement comme toi, ça veut dire que je suis beaucoup plus auditive que visuelle. Le visuel a besoin d'un plan même s'il ne l'écrit pas, il est déjà dans sa tête, il sait où il va.
Moi, je pars d'un mot et je cours après les autres, toujours très étonnée par l'endroit où j'arrive. Donc un incipit me convient
Ainsi, une consigne dont la phrase de la fin est connue par avance, me paralyse. Je me sens à l'étroit

Zut, ta remarque était pour Myrte. Il n'y a pas de Martine ... il va falloir que je revienne à l'école

J'aime beaucoup la manière de prendre le sujet, avec ce dialogue des dates rituelles et traditionnelles. C'est un texte très original et plein d'humour. Merci Alain :-)

Martine arrive Ataraxie ! Tu m'as encore bien fait travailler les zygomatiques et les neurones, j'adore ces délires et notamment les plaques d'égout ductiles (même si c'est difficile à caser dans une conversation).

J'ai bien rigolé de la tournure que prend ton texte au fur et à mesure que se déroule ce dialogue touchant à l'absurde.