A. La neige de mon enfance

Je ne crois pas qu’il ait neigé un jour à Marrakech. Cela n’a jamais du arriver. La seule neige que nous voyions était celle des montagnes de l’Atlas qui apparaissaient au loin comme un étrange mirage au-dessus de la palmeraie.

Chaque année, pour Noël, toute la famille se réunissait chez nous à Marrakech. C’était alors l’occasion, après les huitres, la dinde et la bûche, de partir tous ensemble en voiture pour l’Oukaïmedem.

En moins d’une heure trente de route, nous nous retrouvions en pleine montagne, à plus de 2600 mètres d’altitude, au milieu d’un fantastique paysage enneigé. Nous n’avions, bien entendu, ni bottes, ni anoraks, ni gants mais l’aventure était délicieusement extraordinaire.

Les doigts bleuis par le froid, nous construisions un bonhomme de neige. L’oncle Gégé nous aidait. Au dernier moment, il sortait de sa poche une carotte pour le nez et les enfants ravis applaudissaient.

Nous passions une belle après-midi à nous rouler dans cette belle neige blanche, à faire des batailles, à la manger et nous rentrions épuisés, trempés et glacés, emmitouflés dans des couvertures de laine et heureux.

C’est le seul souvenir de neige que j’ai de mon enfance.

Je n’avais jamais vu de flocons tomber, si bien que, la première fois qu’il neigea à notre arrivée à Lyon, je fus étonnée qu’ils ne soient pas bien ronds et aussi lourds que je les avais imaginés.

Cela ressemblait à du duvet d’oiseau balayé par la bourrasque.

Enfants, nous rêvons à ce que nous ne connaissons pas.

Comme les flocons, tout est différent en réalité, tout n’est pas aussi parfait.

Mais ces flocons si légers et pas très ronds que je vois tomber aujourd’hui , était-ce bien la même neige qui tombait quand j’étais enfant ?