A. Mon coeur est malade.

Je ne suis pas allé à l'école ce matin.
Je suis amoureux...je crois que c'est normal quand on a 12 ans.

J'ai dejà eu deux amoureuses : à 7 ans, il y a d'abord eu Manon. Elle prétendait qu'on était fiancés et un matin d'hiver, dans la cour de récréation, elle m'a plaqué contre un arbre et m'a embrassé sur la bouche! La gêne! Elle avait la goutte au nez! Ecoeuré, je lui ai dit que je ne voulais plus la voir.
Il y a aussi eu Alice, on avait 8 ans, on étaient toujours ensemble, je la trouvais jolie avec ses deux tresses brunes, ses yeux rieurs et, très important, elle partageait ses chocolats avec moi, on avait même décidé de se marier. Mais un jour, elle a déménagé, on ne s'est plus jamais revus.

Maintenant, c'est très différent et bien plus sérieux. Je suis amoureux fou de mademoiselle Sophie notre institutrice.
Imaginez, elle a comme des paillettes dans les yeux, elle nous regarde en souriant même en expliquant les calculs.
C'est une blonde, mais pas de celles qui ont tout dans les cheveux et seulement 2 neurones dans le crâne.
Elle est très jeune, mais ne porte pas des pantalons troués ni des jupes au ras des fesses, ni de maquillage de toutes les couleurs sur le visage.
C'est sûr aussi qu'à sa naissance, la fée Clochette lui a donné le certificat de gentillesse. Quand elle vous écoute, elle est très attentive, je suis sûr qu'elle a plein d'amis sur Facebook!

Je pourrais continuer à vous décrire madmoiselle Sophie pendant des heures, mais je suis certain que vous vous demandez pourquoi, après avoir raconté tout ça, je ne suis pas allé à l'école aujourd'hui.

Alors voilà! J'ai un grand frère, Simon, il va avoir 20 ans, je l'aime beaucoup.
Ce matin,  il me dit :

- Elle ne s'appelle pas Sophie ton institutrice?

- Et oui, je réponds, avec un sourire jusqu'aux oreilles!

- Alors je vais te dire un secret, c'est juste entre nous deux, n'en parle à personne!

- Promis, je réponds. Avec Simon, faut pas rigoler.

- Samedi, je suis allé au cinéma avec elle et puis nous avons mangé une glace sur la place de l'église! Je crois bien qu'elle est d'accord pour être mon amoureuse.
Tu as de la chance d'avoir une aussi chouette institutrice!

Je n'ai rien répondu, je suis monté dans ma chambre, j'essayais de ne pas pleurer et puis, c'est décidé : je n'irai pas à l'école aujourd'hui, je suis malade d'amour, ça lui apprendra à mademoiselle Sophie de me faire des infidélités avec mon grand frère!

Ah ! Les amoures d'enfance !
Ton texte, évocateur, m'a rappelé la fin de la chanson de Margaret, joliment interprétée par Barbara, et qui m'a toujours ému.

Mon Dieu rendez-moi un peu d'innocence
Et l'odeur des quais quand il faisait froid
Faites moi revoir les neiges exquises
La pluie sur Sanvic qui luit sur les toits
La ronde des gosses autour de l'йglise
Mon premier baiser sur les chevaux de bois

C'était un futur Macron avant qu'il ne trouve sa bonne professeur euh, euh, euh ( j'en suis restée avant la réforme et je suis toujours son professeur qui professe ou pro-fesses )

Quelle belle et triste histoire. Pourvu qu'il ne fasse pas une bêtise ....

On peut souffrir à tout age d'une maladie d'amour.

De mon temps, dans la campagne profonde,
enfin pour moi,
on ne pouvait pas être amoureux de la maîtresse
vu que c'était "la Dame"
vu , Madame, qu'on ne voyait pas si elle était belle
vu qu'on n'osait pas lever les yeux.
Alors, plus tard, bien plus tard, j'ai revu ma maîtresse
et je me suis dit :
P..., t'étais c... quand même  
elle devait être sacrément belle à 28 ans
quand elle m'apprenait le B A Ba de la lecture et écriture ...

Que dois je dire, moi puisque mon institutrice s' appelait Soeur Cécile!

Quelle désillusion ! La terrible chanson citée par Alain l'illustre parfaitement dans sa strophe finale.

J'aime beaucoup le titre de ton texte, j'aime aussi bien sûr cette histoire d'amour ratée. Je crois sincèrement que tu es assez proche de la vérité. Qui n'a pas une fois dans sa vie eu un coup de coeur pour un professeur ? Sans être payé en retour sauf si on s'appelle Brigitte Macron.

Quel adorable texte qui décrit si bien les amours et les déconvenues enfantines. Tu m'as bien fait rire avec ton amoureuse à la goutte au nez. Ca me rappelle mon fils qui en maternelle ne voulait pas jouer le Prince charmant dans le spectacle de fin d'année "parce que tu comprends maman, il faut que Clothilde m'embrasse, pouah !"

On a tous été amoureux d'une prof, mais ici ce qui est terrible c'est que le grand frère la lui "pique" ... et donc l'empêche de rêver. C'était si bon de rêver! J'ai beaucoup aimé ton texte.

Il reçoit une sacrée claque le gamin, son frère qui lui pique son amoureuse !...

En tous cas, joliment raconté, Zéphyrine.