A Il est où le bonheur ? Il est où ?

Au bout du chemin, auprès du torrent, se tient une vieille femme appuyée sur sa canne. Les premières neiges sont déjà tombées sur la Meige et le Râteau. A la Grave, les derniers touristes ont quitté le village pour repartir à la ville. L’automne est déjà là. Il va falloir rentrer les vaches à l’étable. Au seul café resté ouvert, on ne verra plus que les gens du pays avant que le village ne renaisse avec l’arrivée des skieurs début décembre.

- Maman, qu’est-ce que tu fais là ? Tu vas prendre froid.
- J’écoute le bruit du torrent.
- Mais enfin, maman, tu le connais le bruit du torrent, c’est toujours le même !
- Détrompes toi, ma fille, son chant varie avec les saisons.
- Rentrons ! Tu l’écouteras encore le bruit de l’eau.
- Pas sûr, ma fille, pas sûr.

Une fois rentrées au chalet, Aurore aide sa mère à s’installer dans son fauteuil, tourné vers les sommets.
La vieille femme sourit en contemplant la montagne. Comme à son habitude, elle reste longtemps silencieuse.
- Aurore ?
- Quoi, maman ?
- Tu as entendu les nouvelles ce matin, à la radio, Marie Laforêt est morte ?
- Oui, la fille aux yeux d’or ?
- C’est ça. Figure toi qu’elle n’avait que cinq ans de moins que moi. J’aimais beaucoup ses chansons. Je serais même capable d’en chanter quelques unes si je ne chantais pas si faux. C’était une femme qui semblait avoir une forte personnalité. Combien de fois je l’ai entendue et vue à la télé ! Elle disait souvent des choses très pertinentes. Je me souviens qu’une fois, elle a dit : le bonheur est un métier, il s’apprend. Et toi, qu’en penses tu?
- Moi ? Rien, maman. Tu vois bien que je suis occupée.
- Je vois surtout que je t’ennuie. J’aurais dû , autrefois, proposer ça comme sujet à mes élèves de philo.
- C’est ça, maman, t’aurais dû.

Les discours n’étaient pas le fort de sa fille. Elle, c’était l’action. Pour la vielle femme, c’était la réflexion, le monde intérieur et peut-être aussi celui du rêve.
Qu’est-ce que le bonheur ? Certes, en tant que prof de philo, elle avait eu souvent l’occasion d’en parler. Mais à la fin, savait-elle vraiment ce qu’était le bonheur ? Maintenant, elle en doutait. Certes, parfois , elle avait était heureuse mais était-ce le bonheur ? Et puis, pour apprendre, il faut un professeur. Un maître à penser ? Un gourou ? Elle n’en avait jamais eu.

Désormais, presque parvenue au bout du chemin, elle n’était plus sûre que d’une chose :
Vivre sans tendresse,
on ne le pourrait pas.
Non, non, non, non,
on ne le pourrait pas.

J'aime beaucoup la chute de ton texte, chute empruntée à Marie Laforêt, mais à bon escient.
A te lire, on se demande où tu vas nous emmener, c'est très astucieux ! Tu commences par une simple description, et là, je dirais que tu y excelles.
Nous avons donc l'unité de lieu, nous aurons encore au paragraphe suivant l'unité de temps.
Pour l'unité d'action, je dirai plutôt l'unité d'émotions, de réflexions, nous y sommes aussi.
N'est-ce pas là; l'apanage des grands auteurs ?

Merci Amanda d'avoir reconnu mon grand talent !

Comment disait-on déjà à l'école ?
Ah oui ! Il me semble que c'était : « un texte en entonnoir »
Savoir partir du général pour arriver à la substantifique moelle de la chose très particulière que l'on voulait faire ressortir.
Ton texte, c'est cela.
Je retiendrai ta leçon :
Apprendre à recevoir la tendresse, pour pouvoir la donner et la redonner ensuite.

Une amie à moi disait : la tendresse, c'est l'amour en gestes.

Comme c'est joliment dit, AlainX !

Un beau contraste que tu nous offres entre la mère et la fille pour nous amener vers ce manque: la tendresse. Un
beau texte.

...mais vivre sans tendresse
Il n'en est pas question
Non,non,non,non,
Il n'en est pas question!

Un beau texte et les jolies paroles de cette chanson de Marie Laforê!t

Je me demande ... Je me demande si ce n'est pas le reflet de la société d'aujourd'hui  
On zappe ... On zappe,  quant à la réflexion, elle serait parfois aux abonnés absents ...
Ce qui n'est pas le cas pour Ataraxie !
Un mot, un seul :  génial, ce texte

Contraste entre la mère et la fille, la mère a vécu et fait le bilan de sa vie, la fille ne peut encore se baser sur son expérience à elle, mais un jour elle le fera, et elle se posera peut-être les mêmes questions que sa mère.
C'est en prenant de l'âge que l'on réalise certaines choses et que l'on devient beaucoup plus lucide.
Avons-nous su ce qu'était le bonheur ? L'avons-nous ressenti ?
A chacun de répondre...

J'aime beaucoup ton texte, Ataraxie, vraiment !

Merci à vous tous pour vos sympathiques messages.

Toute petite gamine, pendant plusieurs années, j'ai dû aller en cure à Cauteret dans les Hautes Pyrénées. C'est là que j'ai appris à aimer la montagne.
Je restais des heures à écouter le torrent. Mon père pêchait, moi je rêvais.
C'était du temps où l'on m'appelait Lilou

Maintenant la seule chose dont je suis sûre c'est de mes incertitudes.

Nous parlions de chanter l'amour, la tendresse. Alors, je vais terminer en chanson avec Georges Moustaki :

" Passe, passe le temps. Il n'y en a plus pour très longtemps. "