A Il ne voulait plus lire.
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Zephyrine
Amanda
automne
Ataraxie
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Kaléïdoplumes 4 :: Archives 2019/2023 :: Espace Ecriture et Photo :: Ecriture et Photo sur consigne :: Consignes 538
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A Il ne voulait plus lire.
Il ne voulait plus lire.
Chaque jour, il revenait là, sur la même place. Statique pendant des heures, il scrutait le ciel. Y voyait -il quelque chose que les autres ne savaient pas voir ? Qu’attendait-il ? Qu’espérait-il ?
Personne ne pouvait l’empêcher d’aller là-bas, ni sa femme, ni son fils, ni ses anciens étudiants.
On avait essayé de le raisonner. En vain. On avait tenté de le distraire de cette nouvelle passion en lui apportant des livres, lui le fin lettré. On déposait un volume à ses pieds, on lui parlait. Il ne daignait même pas jeter un coup d’œil à son interlocuteur. Il scrutait l’horizon.
Il ne voulait plus lire.
Pourtant, c’est fou ce qu’il avait aimé lire jusqu’à faire sienne cette phrase de Sacha Guitry : « Quand je pense à tous les livres qu’il me reste encore à lire, j’ai la certitude d’être encore heureux. »
La lecture, c’était sa vie. Certes son poste d’enseignant en littérature comparée à la Sorbonne ne se concevait pas sans les livres. Mais peut-être avait-il abusé ? Ces heures passées seul dans son bureau, à l’écart de sa famille, ne l’avaient-elles pas éloigné de ses enfants. Et que savait-il vraiment d’eux ? Leurs études se déroulaient bien, il en était très satisfait, même fier. Mais il devait reconnaître que le véritable chef de famille, c’était sa femme. Elle s’occupait absolument de tout.
Il ne voulait plus lire.
On le laissait là, tourné vers le ciel. Puis, lorsqu’on pensait qu’il pouvait être fatigué sur son poste d’observation , son fils venait le chercher. Alors, le fils devenait le père. Il prenait doucement son père par la main et lui disait : « Viens, papa, on rentre à la maison. ». Et le père suivait le fils, sans un mot, les yeux dans le vague. Et le fils regardait le père. A la maison, il faisait ce qu’on lui demandait. Il mangeait quand on le lui disait. Il allait se coucher quand on le lui proposait.
Le matin, il repartait sur la place.
Il ne voulait plus lire.
Sa fille avait grandi. Il ne s’en était pas aperçu. Parfois, il en était surpris, il constatait que sa fille n’était plus une ado mais une jeune-fille bientôt prête à quitter le nid. Attendri, il souriait, il la trouvait belle, un petit air triste peut-être au fond de ses grands yeux verts. Mais ses livres l’attendaient, des cours à préparer, des étudiants à rencontrer.
Et puis un jour, chez un bouquiniste, le long de la Seine, elle avait acheté un vieux livre : « Comment réussir son suicide. » Elle choisit la méthode qui lui sembla la plus facile. Dans le grenier, on la retrouva pendue.
Il ne voulait plus lire.
Chaque jour, il revenait là, sur la même place. Statique pendant des heures, il scrutait le ciel. Y voyait -il quelque chose que les autres ne savaient pas voir ? Qu’attendait-il ? Qu’espérait-il ?
Personne ne pouvait l’empêcher d’aller là-bas, ni sa femme, ni son fils, ni ses anciens étudiants.
On avait essayé de le raisonner. En vain. On avait tenté de le distraire de cette nouvelle passion en lui apportant des livres, lui le fin lettré. On déposait un volume à ses pieds, on lui parlait. Il ne daignait même pas jeter un coup d’œil à son interlocuteur. Il scrutait l’horizon.
Il ne voulait plus lire.
Pourtant, c’est fou ce qu’il avait aimé lire jusqu’à faire sienne cette phrase de Sacha Guitry : « Quand je pense à tous les livres qu’il me reste encore à lire, j’ai la certitude d’être encore heureux. »
La lecture, c’était sa vie. Certes son poste d’enseignant en littérature comparée à la Sorbonne ne se concevait pas sans les livres. Mais peut-être avait-il abusé ? Ces heures passées seul dans son bureau, à l’écart de sa famille, ne l’avaient-elles pas éloigné de ses enfants. Et que savait-il vraiment d’eux ? Leurs études se déroulaient bien, il en était très satisfait, même fier. Mais il devait reconnaître que le véritable chef de famille, c’était sa femme. Elle s’occupait absolument de tout.
Il ne voulait plus lire.
On le laissait là, tourné vers le ciel. Puis, lorsqu’on pensait qu’il pouvait être fatigué sur son poste d’observation , son fils venait le chercher. Alors, le fils devenait le père. Il prenait doucement son père par la main et lui disait : « Viens, papa, on rentre à la maison. ». Et le père suivait le fils, sans un mot, les yeux dans le vague. Et le fils regardait le père. A la maison, il faisait ce qu’on lui demandait. Il mangeait quand on le lui disait. Il allait se coucher quand on le lui proposait.
Le matin, il repartait sur la place.
Il ne voulait plus lire.
Sa fille avait grandi. Il ne s’en était pas aperçu. Parfois, il en était surpris, il constatait que sa fille n’était plus une ado mais une jeune-fille bientôt prête à quitter le nid. Attendri, il souriait, il la trouvait belle, un petit air triste peut-être au fond de ses grands yeux verts. Mais ses livres l’attendaient, des cours à préparer, des étudiants à rencontrer.
Et puis un jour, chez un bouquiniste, le long de la Seine, elle avait acheté un vieux livre : « Comment réussir son suicide. » Elle choisit la méthode qui lui sembla la plus facile. Dans le grenier, on la retrouva pendue.
Il ne voulait plus lire.
Ataraxie- Humeur : Changeante
RE/ A : Il ne voulait plus lire
C' est un beau texte beaucoup trop triste à la fin.
automne- Humeur : égale
Re: A Il ne voulait plus lire.
La lecture serait donc toxique ? Au point de négliger tout le reste ? Un bon sujet de réflexion, sur lequel tu te penches avec brio.
Un texte à l'encontre de ceux que j'ai lu jusqu'ici, une sorte de mise en garde ?
Car la chute est terrible, surtout induite par la lecture d'un livre !
Une interprétation étonnante de la consigne, traitée avec une plume alerte, alors moi je dis
Un texte à l'encontre de ceux que j'ai lu jusqu'ici, une sorte de mise en garde ?
Car la chute est terrible, surtout induite par la lecture d'un livre !
Une interprétation étonnante de la consigne, traitée avec une plume alerte, alors moi je dis
Amanda- Humeur : positivement drôle
Re: A Il ne voulait plus lire.
On se demande d'abord pourquoi il ne voulait plus lire et quand vient l'explication c'est une terrible surprise bien amenée.
Zephyrine- Humeur : Parfois bizarre
Re: A Il ne voulait plus lire.
Quel étrange texte, je ne sais pas quoi en penser
_________________
Martine27
Martine27- Humeur : Carpe diem ou Souris quand même
Re: A Il ne voulait plus lire.
@ Amanda : oui, la lecture peut être toxique;
Le livre dont je parle existe. Par contre, je ne me souviens plus du titre exact. Il a dû paraître, il y a une trentaine d'années.
Que dire des livres qui propagent la haine ?
Bien sûr, comme le disent si bien tous vos textes, les livres sont d'un apport inestimable et moi-même, le soir, je ne saurais m'endormir sans avoir lu quelques pages.
Le livre dont je parle existe. Par contre, je ne me souviens plus du titre exact. Il a dû paraître, il y a une trentaine d'années.
Que dire des livres qui propagent la haine ?
Bien sûr, comme le disent si bien tous vos textes, les livres sont d'un apport inestimable et moi-même, le soir, je ne saurais m'endormir sans avoir lu quelques pages.
Ataraxie- Humeur : Changeante
Re: A Il ne voulait plus lire.
La statue t'a inspiré un texte énigmatique qui provoque un certain questionnement: à trop s'évader dans les lectures pourrait-on en perdre le sens des réalités ? Ici il semble que ton personnage n'aie pas à fuir une réalité dérangeante, alors pourquoi bascule-t-il dans cette mélancolie proche de la folie ?
Virgul- Humeur : Optimiste
Re: A Il ne voulait plus lire.
@ Virgul, j'ai dû mal m'exprimer : si mon personnage plonge dans la folie c'est qu'il n'a pas su veiller sur sa fille qui, après l'achat d'un manuel pratique sur le suicide, s'est pendue.
Ataraxie- Humeur : Changeante
Re: A Il ne voulait plus lire.
Sorry, j'ai du mal lire. Pour moi la fille s'était suicidée suite à la folie et au détachement de son père.
Virgul- Humeur : Optimiste
Re: A Il ne voulait plus lire.
ah! terrible!
_________________
"L'essentiel est invisible pour les yeux"
blog ici
Adrienne- Humeur : brouillonne
Re: A Il ne voulait plus lire.
On peut devenir addict à la lecture, tout comme aux jeux, tout comme à n'importe quoi d'ailleurs, et oublier le monde qui nous entoure, oublier les gens que l'on aime...
_________________
Ne méprisez la sensibilité de personne. La sensibilité de chacun, c'est son génie.
(Charles Baudelaire)
FrançoiseB- Humeur : Positive
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