A - Mise au point

J’étais tranquillement en train de me laver les mains dans les toilettes du club house, lorsque j’entendis des voix.

Dehors deux jeunes gens étaient en train de discuter. Je n’avais pas l’intention d’écouter lorsqu’une phrase surprise au vol m’interpella et éveilla ma curiosité.

Une belle voix mâle venait de déclamer
- On croit que tout est fini, mais alors il y a toujours un rouge-gorge qui se met à chanter.

Je ne pus m’empêcher de penser que la jeune fille à laquelle cette jolie citation s’adressait allait tomber sous le charme. Je tendis donc l’oreille pour entendre sa réponse.

Une jolie voix flûtée s’éleva.
- Tu me fatigues, jamais tu n’arrêtes de débiter des lieux communs.

Bigre, la demoiselle ne mâchait pas ses mots. Voilà une conversation qui méritait d’être suivie. Bon, je l’avoue, je fermai doucement le robinet et tendis l’oreille.

- Tu es le soleil de ma vie !
- Et ça y est c’est reparti !
- Je ne peux vivre sans toi.
- Moi, je ne demande que ça.
- C’est à vous ces beaux yeux ?
- Non, mais tu t’entends ? Oublie moi Mandoline !
- Mais pourquoi restes-tu si loin de moi ?
- Très franchement, si je pouvais être encore plus loin ce serait avec le plus grand plaisir !
- Je ne demande qu’à te plaire.
- Commence déjà par enlever tes pieds de ce banc, gros dégoûtant.
- Tes désirs sont des ordres.
- Autant de personnalité qu’une lavette mon pauvre ami.
- Tu m’éblouis plus que le soleil.
- Et toi tu n’es pas une lumière je t’assure !

Bref, manifestement la demoiselle n’était vraiment pas intéressée ou alors c’était une excellente comédienne.

Cet échange mi-figue, mi-cornichon dura un petit moment, mais je sentais bien que la jeune fille avait de plus en plus de mal à se contenir, à part moi je ne pouvais m’empêcher de penser « mais qu’est ce qu’elle attend pour le planter là ».

Après une autre intervention du garçon qui ressemblait à quelque chose comme :
- Sois à moi comme la sardine est à l’huile.
Euh, il pensait vraiment que c’était romantique ça ?
La réplique incendiaire qui suivit, m’incita à sortir vite fait pour séparer les belligérants, la douce voix venait de balancer comme un pavé sur le museau d’un flic un jour de manif :
- Si seulement un loubard pouvait te taguer la tronche pour te faire taire définitivement ce serait le bonheur !

Je contournai donc ventre à terre le club house pour tomber sur une peinture murale représentant deux jeunes gens assis sur un banc. Je regardai autour de moi pour repérer le couple que j’avais entendu quand mon regard tomba sur le visage de la jeune fille peinte, il avait l’air si furieux que je sentis mon coeur faire une embardée et que je rentrai vite fait au bar pour m’envoyer un cognac derrière le foulard Hermès. Je pense que je vais changer de terrain de golf !