A. Une trop longue vie
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A. Une trop longue vie
Une trop longue vie
Si vous saviez tout ce que j'ai à dire depuis ma naissance, vous seriez d'un étonnement qui dépasse ce que vous avez pu connaître. Encore faudrait-il que je sache l'époque où je suis née. C'était il y a bien longtemps, de cela je suis certaine. Ma vie fut une véritable odyssée. J'aurais de la difficulté à dénombrer le nombre d'amants que mes bras ont entouré et que mes cuisses ont charmé. Le plus célèbre fut sans doute Christophe Colomb près des côtes de Saint-Domingue, mais c'est si loin…
Comme mes sœurs, je suis une chanteuse singulière. Probablement la plus exceptionnelle de toutes. Ma voix a la capacité de trémolos uniques que personne d'autre que moi ne saura jamais imiter. C'est simple : j'envoûte ! Aucun humain mâle ne m'a jamais résisté. Ma lyre est un appât, ma mélopée un piège. Je n'ai vécu qu'un seul échec, avec un certain Ulysse qui réussit à me résister, mais avec des procédés déloyaux. J'ai détesté ce sale type. Un jour je me vengerai.
C'est lorsque j'ai rencontré un dénommé Andersen que ma vie a radicalement changé, à cause de l'extraordinaire surcroît de notoriété que j'ai acquise grâce à lui. C'est séduisant la célébrité. En même temps, je suis une personne qui aime la solitude et la contemplation. D'ailleurs, l'une ne va pas sans l'autre. Et puis la célébrité, c'est vraiment enfermant. Je me suis vite sentie prisonnière dans les pages de ses livres, alors je me suis enfuie. J'ai rejoint mon rocher de contemplation, du côté des pays nordiques. J'observais les flots. On apprend beaucoup en observant leur mouvement.
J'espérais passer inaperçue. Hélas, il n'en fut rien. Les gens affluaient pour me voir et même si je ne tournais jamais le regard vers eux, certains cherchaient à grimper sur ma roche avec d'évidentes intentions lubriques. Alors une nuit, j'ai plongé pour ne plus jamais revenir. Je suis repartie à l'aventure et j'ai parcouru toutes les mers. Les années ont passé. Peut-être des siècles, je n'ai guère la notion du temps. Mais le temps lui à la notion du vieillissement. Si bien que je suis devenue vieille. Ma poitrine délicate ronde et tendre pendouille lamentablement. Mes cuisses callipyges sont devenues celles d'une anorexique. Mes pieds palmés ne ressemblent plus à rien, ma peau est fripée de partout, rongée par le sel marin. Je nage de plus en plus difficilement. Il me faut me rendre à l'évidence ma vie est en train de s'échouer. Je me suis réfugiée sur un truc qui semble métallique. Du bronze peut-être. Enfin bref rien de naturel, un mélange inventé par les humains. Sans intérêt d'ailleurs, comme le sont tous les humains. Globalement ils ne font que des conneries, saccagent la vie et le naturel. Un jour, la nature, qui a plus d'un virus dans son sac, se vengera.
Quant à moi, trop de forces m'abandonnent. C'est ici que j'attendrai la fin.
Certains prétendront qu'elle est devenue laide. Malheureusement les goujats cela existe.
Chaque soir j'essaie d'attirer son attention. De la sortir de cet immobilisme de la vieillesse qui attend une fin qui ne viendra pas. Elle la réclame cependant du fond de son âme, mais qui ne lui sera pas accordée.
Ce soir-là, le dernier soir, elle avait un objet dans la main. L'ombre s'en venait, difficile de le distinguer. Et puis j'ai réalisé l'horreur : c'était un crâne, la mâchoire inférieure pendante, signe de la souffrance de ses derniers instants.
Ainsi, elle s'était vengée d'Ulysse.
Le lendemain il n’y avait plus que le socle. Qu'était-elle devenue ? Beaucoup s'interrogent encore.
Moi je le sais, parce qu'on me l'a enseigné depuis des temps immémoriaux. J'ai connaissance de l'intégralité de ce qui concerne le passé, le présent et l'avenir. C'est écrit dans les lignes de ma main
Si vous saviez tout ce que j'ai à dire depuis ma naissance, vous seriez d'un étonnement qui dépasse ce que vous avez pu connaître. Encore faudrait-il que je sache l'époque où je suis née. C'était il y a bien longtemps, de cela je suis certaine. Ma vie fut une véritable odyssée. J'aurais de la difficulté à dénombrer le nombre d'amants que mes bras ont entouré et que mes cuisses ont charmé. Le plus célèbre fut sans doute Christophe Colomb près des côtes de Saint-Domingue, mais c'est si loin…
Comme mes sœurs, je suis une chanteuse singulière. Probablement la plus exceptionnelle de toutes. Ma voix a la capacité de trémolos uniques que personne d'autre que moi ne saura jamais imiter. C'est simple : j'envoûte ! Aucun humain mâle ne m'a jamais résisté. Ma lyre est un appât, ma mélopée un piège. Je n'ai vécu qu'un seul échec, avec un certain Ulysse qui réussit à me résister, mais avec des procédés déloyaux. J'ai détesté ce sale type. Un jour je me vengerai.
C'est lorsque j'ai rencontré un dénommé Andersen que ma vie a radicalement changé, à cause de l'extraordinaire surcroît de notoriété que j'ai acquise grâce à lui. C'est séduisant la célébrité. En même temps, je suis une personne qui aime la solitude et la contemplation. D'ailleurs, l'une ne va pas sans l'autre. Et puis la célébrité, c'est vraiment enfermant. Je me suis vite sentie prisonnière dans les pages de ses livres, alors je me suis enfuie. J'ai rejoint mon rocher de contemplation, du côté des pays nordiques. J'observais les flots. On apprend beaucoup en observant leur mouvement.
J'espérais passer inaperçue. Hélas, il n'en fut rien. Les gens affluaient pour me voir et même si je ne tournais jamais le regard vers eux, certains cherchaient à grimper sur ma roche avec d'évidentes intentions lubriques. Alors une nuit, j'ai plongé pour ne plus jamais revenir. Je suis repartie à l'aventure et j'ai parcouru toutes les mers. Les années ont passé. Peut-être des siècles, je n'ai guère la notion du temps. Mais le temps lui à la notion du vieillissement. Si bien que je suis devenue vieille. Ma poitrine délicate ronde et tendre pendouille lamentablement. Mes cuisses callipyges sont devenues celles d'une anorexique. Mes pieds palmés ne ressemblent plus à rien, ma peau est fripée de partout, rongée par le sel marin. Je nage de plus en plus difficilement. Il me faut me rendre à l'évidence ma vie est en train de s'échouer. Je me suis réfugiée sur un truc qui semble métallique. Du bronze peut-être. Enfin bref rien de naturel, un mélange inventé par les humains. Sans intérêt d'ailleurs, comme le sont tous les humains. Globalement ils ne font que des conneries, saccagent la vie et le naturel. Un jour, la nature, qui a plus d'un virus dans son sac, se vengera.
Quant à moi, trop de forces m'abandonnent. C'est ici que j'attendrai la fin.
***
Chaque soir je lui rends visite, l'observant depuis le bord de mer. Je l'ai connue à l'époque de sa splendeur. C'est loin tout ça. Malgré les outrages du temps, elle garde ce charme indéfinissable qu'ont les êtres marines féminines qui ont acquis ces expériences uniques de la pérennité.Certains prétendront qu'elle est devenue laide. Malheureusement les goujats cela existe.
Chaque soir j'essaie d'attirer son attention. De la sortir de cet immobilisme de la vieillesse qui attend une fin qui ne viendra pas. Elle la réclame cependant du fond de son âme, mais qui ne lui sera pas accordée.
Ce soir-là, le dernier soir, elle avait un objet dans la main. L'ombre s'en venait, difficile de le distinguer. Et puis j'ai réalisé l'horreur : c'était un crâne, la mâchoire inférieure pendante, signe de la souffrance de ses derniers instants.
Ainsi, elle s'était vengée d'Ulysse.
Le lendemain il n’y avait plus que le socle. Qu'était-elle devenue ? Beaucoup s'interrogent encore.
Moi je le sais, parce qu'on me l'a enseigné depuis des temps immémoriaux. J'ai connaissance de l'intégralité de ce qui concerne le passé, le présent et l'avenir. C'est écrit dans les lignes de ma main
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"Écrire, c'est brûler vif, mais aussi renaître de ses cendres. "
Blaise Cendrars
ICI : Le Blog d'AlainX
alainx- Humeur : ça va ! et vous ?
Re: A. Une trop longue vie
En effet une véritable odyssée que tu nous contes ici brillamment ! Je suis bluffée par tes connaissances historiques et culturelles !
Dommage que cela finisse si mal pour la petite Sirène.
Mais alors, chapeau bas
Dommage que cela finisse si mal pour la petite Sirène.
Mais alors, chapeau bas
Amanda- Humeur : positivement drôle
Re: A. Une trop longue vie
Je suis moi aussi étonnée par tes connaissances. ..On en apprend des choses en te lisant!
J'ai pu deviner ce qui lui était arrivé.
Je n'en dirai rien!
J'ai pu deviner ce qui lui était arrivé.
Je n'en dirai rien!
Zephyrine- Humeur : Parfois bizarre
Re: A. Une trop longue vie
Il y a tout dans ton texte: originalité, fantaisie, références culturelles et une grande qualité de narration. A la fin de sa lecture je me suis exclamé: "chapeau! Quel texte!"
Virgul- Humeur : Optimiste
Re: A. Une trop longue vie
Tu revisites la mythologie, les sirènes d'Ulysse qui rejoignent la petite sirène d'Handersen, petite sirène qui vieillit...
Et, coup de théâtre final : la vengeance ! Il fallait y penser !
Et, coup de théâtre final : la vengeance ! Il fallait y penser !
Myrte- Humeur : Curieuse
Re: A. Une trop longue vie
Un texte en 2 parties. J'ai aimé la première partie où la statue se raconte. Je suis davantage perplexe sur la deuxième partie ne cernant pas qui est ce narrateur. Mais Zépherine a l'air d'avoir compris… Tu partages Zépherine?
Sherkane
Martine27- Humeur : Carpe diem ou Souris quand même
Re: A. Une trop longue vie
Dans mon esprit le second personnage est un observateur assidu de la sculpture à Ajaccio, et qui a connaissance de toute la longue histoire multiple et mouvementée « d'une sirène » y compris sans passage à Amsterdam…Sherkane a écrit:Un texte en 2 parties. J'ai aimé la première partie où la statue se raconte. Je suis davantage perplexe sur la deuxième partie ne cernant pas qui est ce narrateur. Mais Zépherine a l'air d'avoir compris… Tu partages Zépherine?
et en même temps chaque lecteur peut y voir ce qu'il souhaite…
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Blaise Cendrars
ICI : Le Blog d'AlainX
alainx- Humeur : ça va ! et vous ?
Re: A. Une trop longue vie
Un texte brillamment raconté, Alain. L'histoire d'une petite sirène, triste, finalement, on ne peut lui en vouloir...
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Ne méprisez la sensibilité de personne. La sensibilité de chacun, c'est son génie.
(Charles Baudelaire)
FrançoiseB- Humeur : Positive
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