A. Mystère au musée.

"De la mer arrivait au galop une chape de nuages chargés d'électricité.", me dit-il.

J'avais beau m'y attendre, mais ce matin encore je sursautais en entendant sa voix. Celui que j'appelais l'étranger à cause de son petit accent indéfinissable était à nouveau parvenu à se laisser enfermer dans le musée dont j'étais responsable et m'accueillait une fois de plus avec une description exacte du tableau qu'il avait contemplé une partie de la nuit.
Cette fois c'était "Le radeau de la méduse" de Géricault.
A mon arrivée, il m'avait salué comme toujours la main sur le coeur.

Je lui fis remarquer qu'il avait encore enfreint le règlement en passant la nuit ici.
Avec sa barbe blanche, ses longs cheveux décoiffés, ses pieds nus, il aurait pu passer pour fou et pourtant j'appréciais sa façon de donner vie aux tableaux par des mots.
Ainsi, la phrase qu'il avait prononcée à mon arrivée laissait bien imaginer la marée, les nuages et au loin le grondement de l'orage présents dans cette peinture.

Régulièrement, il  affirmait que parfois, les personnages sortaient de leur cadre comme pour prouver qu'ils étaient vivants.
Il m'avait par exemple expliqué qu'une nuit, " La cène" de Léonard de Vinci s'était animée et que le Christ lui avait tendu un morceau de pain, qu'il partageait alors avec les disciples.
Un autre soir, "La laitière" de Vermeer lui avait donné à déguster un délicieux bol de crème.
Un peu plus tard, il avait vu "La dentellière" sortir de sa toile pour s'asseoir dans un fauteuil à  ses côtés.

Un jour, alors qu'il m'affirmait que "La Joconde" lui avait tendu les bras, je me moquais de lui incrédule et agacée.
Il se dit déçu, il ne me raconterait plus ses nuits au musée et me laisserait tranquille.

Un matin d'hiver, pourtant, alors qu'il faisait encore nuit, j'ouvrais les portes de la salle principale quand mon regard fut attiré par un objet brillant. Sur le parquet ciré je ramassai une jolie perle. Me relevant, je ne pus retenir un cri : Là-bas sur le tableau  "La jeune-fille à la perle" n'avait plus sa boucle d'oreille!
Abasourdie je reculai et faillis tomber. "Il" était là et me regardait un sourire ironique aux lèvres. Désignant la perle, il dit simplement : "Vous voyez?" et sur ce, l'étranger se fondit dans l'obscurité.

Mystère, mystère !!!!
Ton texte me rappelle un film que j'ai vu naguère avec mes petits-enfants " Ma nuit au musée" où en effet les personnages s'animent la nuit !
Texte riche en bonnes idées, tu te surpasses, ma Zéphy !

J'ai bien aimé ce voyage dans la peinture, dans les peintures, par cet étranger qui a le don de leur redonner vie sous les yeux ébahis du gardien et sous les nôtres, lecteurs, aussi.

Merci Amanda et Myrte!

@ AlainX J'ai vraiment beaucoup aimé ce livre de Tracy Chevalier . (Ses autres livres aussi).
J'ai vu le film et pour une fois j'ai trouvé l'adaptation réussie.

Très chouette ton histoire. Ce fou n'était pas si fou !

J’aime ton texte Zephyrine. Je le trouve très bien écrit et très intéressant.
J’ai aussi beaucoup aimé le livre «  la jeune fille à la perle » et le film aussi d’ailleurs.
J’ai appris que le tableau avait été analysé et que la perle ne serait qu’un reflet de lumière.

Un texte que j'aime beaucoup, plein de mystère mais aussi de tendresse et comme dit AlainX de poésie. Tu as très bien su utiliser l'image et les contraintes d'incipit et excipit de façon parfaitement fluide

NB : il va falloir que je lise ce livre "la jeune fille à la perle"! Vous en faites tous de bons retours