A- Une nuit au musée
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A- Une nuit au musée
De la mer arrivait au galop une chape de nuages chargés d’électricité. Nous n’échapperions pas à l’orage. Toutes voiles dehors nous tentions désespérément de rejoindre le bateau que nous apercevions à l’horizon et nous étions condamnés à vivre cette tragédie depuis l’an 1819 et jusqu’à la fin des temps. Nous avions quitté le Méduse depuis plus de quinze jours, embarquant sur ce radeau de fortune que nous maintenions tant bien que mal à la surface.
Géricaud était notre bourreau. C’est lui qui, désirant témoigner de l’émoi qu’avait suscité le naufrage de notre frégate, nous avait immortalisés dans cette scène effrayante : un radeau au milieu d’une mer déchaînée. Un radeau jonché de cadavres, d’hommes agonisants et d’autres mettant tout leur espoir sur ce point qu’on distinguait tout au fond. Cela faisait deux siècles que nous étions figés dans cette errance, sous le regard de centaines de visiteurs chaque jour.
Nous étions en avril 2020 au Musée du Louvre et une nuit le miracle se produisit. Le Louvre était fermé pour une durée indéterminée à la suite d’une pandémie mondiale. Les gens se terraient chez eux, les hôpitaux étaient bondés, les rues désertes. Il régnait une ambiance de fin du monde. Indifférents au sort de la planète, nous gardions la pause, immortels et désabusés.
Mais cette nuit là…
Un étrange personnage déambulât dans les couloirs du musée, s’arrêtant devant chaque tableau. Il posait alors son front et ses mains sur la toile pendant quelques secondes puis passait au suivant. Quand il s’approcha de nous, il fit de même avant de continuer sa route.
À peine eut-il détourné son regard que le vent se mit à souffler plus fort, changeant de direction. Le radeau fut emporté vers ce qui paraissait être un rivage de sable doré. Nous fûmes projetés hors du cadre. Allongés sur le sol, sonnés, hébétés, nous regardions autour de nous, apeurés. Je me relevai, dérouillant tous mes membres endoloris par deux siècles d’inaction. Derrière moi, sur la toile, il ne restait que le ciel bleu, la mer calme et un radeau vide. Sur les autres toiles qui m’entouraient, je constatai qu’il en était de même : des centaines de paysages alignés et tous les personnages bien vivants dans la galerie. On se tombait dans les bras, on s’embrassait. On riait, on dansait, on trinquait à ce petit miracle.
Remis de mes émotions, je courus à travers les pièces pour retrouver notre sauveur. Je le découvris dans la salle des sarcophages. Je voulus m’approcher de lui mais il recula d’un pas, m’ordonnant d’un signe de la main de stopper, ce que je fis. J’avais mille questions à lui poser et la certitude qu’il ne répondrait à aucune. J’en tentais une malgré tout, celle qui me paraissait la plus importante.
- S’il vous plait !
- Oui ?
- Pourquoi ?
- Pourquoi pas !
Sur ce, l’étranger se fondit dans l’obscurité.
Géricaud était notre bourreau. C’est lui qui, désirant témoigner de l’émoi qu’avait suscité le naufrage de notre frégate, nous avait immortalisés dans cette scène effrayante : un radeau au milieu d’une mer déchaînée. Un radeau jonché de cadavres, d’hommes agonisants et d’autres mettant tout leur espoir sur ce point qu’on distinguait tout au fond. Cela faisait deux siècles que nous étions figés dans cette errance, sous le regard de centaines de visiteurs chaque jour.
Nous étions en avril 2020 au Musée du Louvre et une nuit le miracle se produisit. Le Louvre était fermé pour une durée indéterminée à la suite d’une pandémie mondiale. Les gens se terraient chez eux, les hôpitaux étaient bondés, les rues désertes. Il régnait une ambiance de fin du monde. Indifférents au sort de la planète, nous gardions la pause, immortels et désabusés.
Mais cette nuit là…
Un étrange personnage déambulât dans les couloirs du musée, s’arrêtant devant chaque tableau. Il posait alors son front et ses mains sur la toile pendant quelques secondes puis passait au suivant. Quand il s’approcha de nous, il fit de même avant de continuer sa route.
À peine eut-il détourné son regard que le vent se mit à souffler plus fort, changeant de direction. Le radeau fut emporté vers ce qui paraissait être un rivage de sable doré. Nous fûmes projetés hors du cadre. Allongés sur le sol, sonnés, hébétés, nous regardions autour de nous, apeurés. Je me relevai, dérouillant tous mes membres endoloris par deux siècles d’inaction. Derrière moi, sur la toile, il ne restait que le ciel bleu, la mer calme et un radeau vide. Sur les autres toiles qui m’entouraient, je constatai qu’il en était de même : des centaines de paysages alignés et tous les personnages bien vivants dans la galerie. On se tombait dans les bras, on s’embrassait. On riait, on dansait, on trinquait à ce petit miracle.
Remis de mes émotions, je courus à travers les pièces pour retrouver notre sauveur. Je le découvris dans la salle des sarcophages. Je voulus m’approcher de lui mais il recula d’un pas, m’ordonnant d’un signe de la main de stopper, ce que je fis. J’avais mille questions à lui poser et la certitude qu’il ne répondrait à aucune. J’en tentais une malgré tout, celle qui me paraissait la plus importante.
- S’il vous plait !
- Oui ?
- Pourquoi ?
- Pourquoi pas !
Sur ce, l’étranger se fondit dans l’obscurité.
Cassy- Admin
- Humeur : Emotionnellement vivante
Re: A- Une nuit au musée
C'est beau Cassy!
Quelle bonne idée que cette histoire.
C'est toujours pour moi un plaisir de te lire.
Quelle bonne idée que cette histoire.
C'est toujours pour moi un plaisir de te lire.
Zephyrine- Humeur : Parfois bizarre
Re: A- Une nuit au musée
Une belle histoire d'espérance, finalement.
Un sauveur étranger…
on n'est pas loin d'un petit conte philosophique…
Et comme Zéphyrine, je suis toujours content de pouvoir te lire, ici ou ailleurs.
(Petite note personnelle : je me souviens qu'enfant, en vacances, en visitant des musées ou des églises avec mes parents, devant certaines œuvres, je m'imaginais que tout ce petit monde allait se mettre à bouger un jour, parce que ça devait être pénible d'être toujours immobile…)
Un sauveur étranger…
on n'est pas loin d'un petit conte philosophique…
Et comme Zéphyrine, je suis toujours content de pouvoir te lire, ici ou ailleurs.
(Petite note personnelle : je me souviens qu'enfant, en vacances, en visitant des musées ou des églises avec mes parents, devant certaines œuvres, je m'imaginais que tout ce petit monde allait se mettre à bouger un jour, parce que ça devait être pénible d'être toujours immobile…)
_________________
"Écrire, c'est brûler vif, mais aussi renaître de ses cendres. "
Blaise Cendrars
ICI : Le Blog d'AlainX
alainx- Humeur : ça va ! et vous ?
Re: A- Une nuit au musée
Ces pauvres naufragés méritent bien de se reposer un peu. Libérez les tableaux !
_________________
Martine27
Martine27- Humeur : Carpe diem ou Souris quand même
Re: A- Une nuit au musée
Une très belle histoire à laquelle j'ai tout de suite accroché
Cela fait plaisir de te relire ici. Ta plume est toujours aussi agréable à lire
Cela fait plaisir de te relire ici. Ta plume est toujours aussi agréable à lire
Sherkane
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