A- Antoine et Louise

C’est Antoine, qui pose au centre de la photo avec sa femme Louise, qui a hérité du bar lors du décès de son père Aimé.

On ne sait pourquoi Aimé avait préféré opter pour le mot bar au lieu de café sur son enseigne, probablement pensait-il que bar faisait plus moderne que café, ou bien par souci du détail ou par honnêteté voulait-il rappeler que chez Aimé on buvait très peu de café par rapport aux autres consommations qu’on y servait.

En tous les cas, le bar Aimé portait bien son nom, et dans le village l’endroit était apprécié de tous.
C’est que Antoine et Louise savaient y faire. L’accueil y était chaleureux, l’ambiance familiale et bon enfant contribuait à maintenir les liens entre les clients qui se réjouissaient de se retrouver autour d’une pinte de bière ou d’un ballon de blanc sec. On y discutait de tout et de rien, on commentait l’actualité et les derniers évènements du village et, lorsque deux clients se retiraient discrètement au fond de la salle, on y faisait aussi parfois des affaires.

Et pour les non habitués Antoine et Louise ne manquaient pas d’idées pour attirer les autres habitants du village.

C’est au bar Aimé que Louise réunissait chaque semaine son groupe de crocheteuses – tricoteuses. Louise avait recruté une huitaine de dames du village pour fabriquer de la layette faite main au crochet et au tricot. La réunion avait lieu le jeudi en matinée, chaque dame présentait sa production qui était scrutée et vérifiée par Louise et par les autres. Les pièces approuvées étaient alors soigneusement emballées dans du papier de soie et déposées dans des cartons. Le lendemain Louise livrait sa production au rayon enfants du « Bon Marché » à Bruxelles et prenait note des nouvelles commandes. Les tricoteuses se rendaient au bar Aimé pour toucher leur dû et prendre connaissance du nouveau travail à accomplir. Une bonne manière pour elles de mettre un peu de beurre dans les épinards.

Il va sans dire qu’aucune de ces dames n’aurait reproché à son mari de traîner un peu trop longtemps au bar Aimé !

Antoine, dont le frère Louis tenait un cinéma à Mouscron, eut l’idée d’organiser des séances de cinéma le samedi de chaque quinzaine dans son bar. C’est Sénéchal, l’opérateur du cinéma de Mouscron, que l’on voit à gauche de la photo. Il installait l’écran et le projecteur bien à l’avance. Ensuite il dégustait son verre à l’extérieur. Aucun besoin de publicité, chaque famille envoyait l’un des leurs pour demander le programme à Sénéchal. Les jours de projection de comédies musicales Antoine devait rajouter des chaises et parfois prévoir deux séances, ces films rencontrant un vif succès auprès des familles entières. Les séances étaient gratuites, les consommations couvrant largement les frais.

Antoine et Louise, malgré leur désir, n’eurent pas d’enfant.

Ils avaient une nièce, Mimi, qui à 5 ans et pour des raisons de santé fut placée durant deux années au Préventorium à la mer du Nord. La petite ne recevait de visite de ses parents qu’une fois par mois et de façon alternée, un mois le papa, l’autre mois la maman.  C’est ainsi que Louise et Antoine prirent deux années de suite une semaine de congé à Ostende. Ils profitaient de leur semaine pour gâter et cajoler Mimi, comme si elle était leur fille. Mimi, qui est ma maman, en garde de merveilleux et très affectueux souvenirs.

Voilà ! vous savez tout.

Beaucoup de tendresse dans ce texte et tu donnes vie, à la perfection, à ce bar Aimé. Impossible en te lisant, de ne pas se projeter près d’une crocheteuse ou devant l’écran de cinéma.
J’ai beaucoup aimé ton texte et je me demande quel est la part de fiction dans tes mots, cela semble tellement réel .
Merci de m’avoir offert ce beau moment de lecture

Moi aussi j'aime ton texte, il parle de la vie de tous les jours, de Mouscron, de Bruxelles, du Préventorium, toutes choses qui me sont familières. L'idée des tricoteuses est originale.
Tu racontes si bien !

Je me suis demandée en te lisant si ce récit était authentique, en tout cas il en a tout l'air ! J'aime cette ouverture du bar sur d'autres activités comme le crochet ou le cinéma, c'est ce que j'aime dans ce genre d'établissement.

Quelle adorable tranche de vie !

Ton texte est très visuel. J'aime cette histoire ou tu donnes vie aux personnages de la photo.
C'est une histoire simple sans "tarabiscotage" et tu ne manque pas d,imagination.

Merci pour vos coms. En fait je me suis servi de la consigne pour répondre à un autre exercice, celui de rassembler en un seul lieu, et autour des mêmes personnages, des anecdotes réelles vécues par plusieurs membres de la famille. Mon grand oncle gérait un café, mon grand père gérait un cinéma à Mouscron, ma grand mère maternelle a rassemblé des tricoteuses et vendu sa layette au Printemps à Paris, Antoine et Louise ont effectivement accueilli Mimi qui était au Préventorium et qui est effectivement ma maman. Une fiction donc basée sur des éléments réels.

Bravo Virgul , Ton texte me touche beaucoup et d'autant plus quand tu expliques dans les commentaires que le tout est fait d'éléments de la famille. Ta mère s'appelait Mimi; C'est ainsi que m'appelle mes petits enfants.
La soeur de ma mère a passé deux années à Ostende aussi dans un préventorium. Quand j'étais enfant j'ai été la voir parfois avec mes parents. Je me demandais ce qu'elle faisait du matin au soir dans sa chambre d'hôpital.

Joli bout de vie si bien dépeint!
Je m'imagine bien avec Louise et les autres femmes du village, en train de faire du crochet ou du tricot.
C'est simple, sans artifice, on se projette!
Merci.