A. Première valse
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A. Première valse
A. Première valse
Le balancé des ballerines soulève ses jupons vaporeux comme une corolle, une aile.
Mon voisin se penche à mon oreille, admiratif :
— Quelle allure !
Modeste, je fais mine d’être fasciné par le contenu de mon verre, ne me lasse pas de contempler le champagne vivre et buller. De la salle, me parvient la fragrance des parfums mêlés et, par la fenêtre ouverte, le foehn s’invite entre les danseurs. J’ai envie de rire et de pleurer. L’émotion, sans doute.
Le même voisin, devinant mes pensées, commente quelques minutes plus tard, un soupçon d’envie dans la voix :
— Ce vent... Ah ce vent... Il s’invite chaque fois à Vienne, chaque fois il se convie lui-même. Au milieu des valses il danse, complice éolien de l’amour et la passion. Il viendra tantôt insuffler un air plus audacieux, plus osé : l’insouciance.
Allez, venez, Milord vous asseoir à ma table... Ah non, pardon, je m’égare... À se confier trop aisément, on peut entrelacer des périodes. C’est que, voyez-vous, j’ai connu un homme comme vous. Comme ce soir il faisait chaud, presque lourd ; l’homme portait sur sa redingote quelque peine, n’osant plus aller de l’avant, ne parvenant pas à décoller les mains de sa flasque. Vous, ce n’est pas le chagrin qui vous étreint mais une crainte : celle de l’homme qui voit grandir son enfant.
Vous me semblez le même, vous avez cet air à la Chopin quand l’heure est à tourner sur soi-même, regardez, un deux trois, glissez le pas, menez la danse, enchantez votre partenaire, n’offrez pas l’impression que vous la prenez pour une simple chambre à air, mais considérez la plutôt comme un vestibule à murmures, une chambre d’écho. Permettez- lui d’exposer ses atours, d’exprimer ses atouts. Exaltez sa beauté, sa grâce.
Comme on saluerait discrètement un mentor dissimulé derrière un rideau, chaque regard à son endroit sera compliment à votre égard. À la manière dont on admire un tambour pour son extraordinaire résonance, à la façon dont on reste muet d’émoi en écoutant vibrer la table d’harmonie d’un violoncelle.
Soyez cet homme discret dont la main guide ses pas. Il n’est plus temps d’avoir peur, de craindre en l’avenir. Celui-ci ne vous appartient déjà presque plus. C’est à elle qu’il se destine. Acceptez d’être écrin pour ce joyau de l’existence, sa fraîcheur, sa candeur. Laissez-la s’envoler, naître au monde. Et puisque nous sommes à Vienne, soyez l’Empereur qui mène la danse.
Elle est si belle, cette jeune femme qu’est votre fille. Elle est si précieuse la chance que vous avez d’être son père.
Allez, Monsieur, rendez-lui ce service, que dis-je, faites-lui ce cadeau, montrez-lui ce que vous savez : l’air de ne pas avoir l’air, celui des douceurs et de la candeur, l’air de la valse à l’endroit, à l’envers, l’air de rien, l’air de la vie.
Je vous en prie, faites-cela pour le monde, la beauté des choses, pour que nous puissions admirer le balancé des ballerines, le jupon vaporeux se gonfler comme une corolle, une aile, que vous confierez à la protection du ciel.
* * *
Le balancé des ballerines soulève ses jupons vaporeux comme une corolle, une aile.
Mon voisin se penche à mon oreille, admiratif :
— Quelle allure !
Modeste, je fais mine d’être fasciné par le contenu de mon verre, ne me lasse pas de contempler le champagne vivre et buller. De la salle, me parvient la fragrance des parfums mêlés et, par la fenêtre ouverte, le foehn s’invite entre les danseurs. J’ai envie de rire et de pleurer. L’émotion, sans doute.
Le même voisin, devinant mes pensées, commente quelques minutes plus tard, un soupçon d’envie dans la voix :
— Ce vent... Ah ce vent... Il s’invite chaque fois à Vienne, chaque fois il se convie lui-même. Au milieu des valses il danse, complice éolien de l’amour et la passion. Il viendra tantôt insuffler un air plus audacieux, plus osé : l’insouciance.
Allez, venez, Milord vous asseoir à ma table... Ah non, pardon, je m’égare... À se confier trop aisément, on peut entrelacer des périodes. C’est que, voyez-vous, j’ai connu un homme comme vous. Comme ce soir il faisait chaud, presque lourd ; l’homme portait sur sa redingote quelque peine, n’osant plus aller de l’avant, ne parvenant pas à décoller les mains de sa flasque. Vous, ce n’est pas le chagrin qui vous étreint mais une crainte : celle de l’homme qui voit grandir son enfant.
Vous me semblez le même, vous avez cet air à la Chopin quand l’heure est à tourner sur soi-même, regardez, un deux trois, glissez le pas, menez la danse, enchantez votre partenaire, n’offrez pas l’impression que vous la prenez pour une simple chambre à air, mais considérez la plutôt comme un vestibule à murmures, une chambre d’écho. Permettez- lui d’exposer ses atours, d’exprimer ses atouts. Exaltez sa beauté, sa grâce.
Comme on saluerait discrètement un mentor dissimulé derrière un rideau, chaque regard à son endroit sera compliment à votre égard. À la manière dont on admire un tambour pour son extraordinaire résonance, à la façon dont on reste muet d’émoi en écoutant vibrer la table d’harmonie d’un violoncelle.
Soyez cet homme discret dont la main guide ses pas. Il n’est plus temps d’avoir peur, de craindre en l’avenir. Celui-ci ne vous appartient déjà presque plus. C’est à elle qu’il se destine. Acceptez d’être écrin pour ce joyau de l’existence, sa fraîcheur, sa candeur. Laissez-la s’envoler, naître au monde. Et puisque nous sommes à Vienne, soyez l’Empereur qui mène la danse.
Elle est si belle, cette jeune femme qu’est votre fille. Elle est si précieuse la chance que vous avez d’être son père.
Allez, Monsieur, rendez-lui ce service, que dis-je, faites-lui ce cadeau, montrez-lui ce que vous savez : l’air de ne pas avoir l’air, celui des douceurs et de la candeur, l’air de la valse à l’endroit, à l’envers, l’air de rien, l’air de la vie.
Je vous en prie, faites-cela pour le monde, la beauté des choses, pour que nous puissions admirer le balancé des ballerines, le jupon vaporeux se gonfler comme une corolle, une aile, que vous confierez à la protection du ciel.
* * *
Ameliefg- Humeur : jamais celle du jour
Re: A. Première valse
Je rejoins le commentaire de Sherkane: c'est tout doux.
madeleinedeproust- Humeur : littéraire...
Re: A. Première valse
J'aime comme le Foehn nous amène bien a Vienne dans une salle de valse. Vraiment un très beau texte ou tout est a la bonne place.
sprite!- Humeur : variable
Re: A. Première valse
Excellent texte, l'idée est originale et le contenu riche ! On lit et relit avec plaisir et " en douceur" comme disent les autres !
Amanda- Humeur : positivement drôle
Re: A. Première valse
Merci Amanda ! J'ai eu plaisir à l'écrire :-)
Ameliefg- Humeur : jamais celle du jour
Re: A. Première valse
Wow! Que voici une histoire contée tout en finesse! Des mots qui font du bien à entendre sur le rôle du parent quand s'envole son enfant.
MESANGE- Humeur : colorée
Re: A. Première valse
Merci Mésange :-) C'est "le" sujet qui m'est venu.
Ameliefg- Humeur : jamais celle du jour
Re: A. Première valse
Beaucoup de poésie et de douceur dans tes mots, Amélie !
Et une écriture très imagée. Bravo !
Et une écriture très imagée. Bravo !
_________________
Ne méprisez la sensibilité de personne. La sensibilité de chacun, c'est son génie.
(Charles Baudelaire)
FrançoiseB- Humeur : Positive
Re: A. Première valse
Merci à toi Françoise, je suis contente que cela t'ait plu :-)
Ameliefg- Humeur : jamais celle du jour
Martine27- Humeur : Carpe diem ou Souris quand même
Re: A. Première valse
Un texte magnifique! Une écriture aussi belle que toute la douceur, la tendresse et l'amour qui respire de ton texte. Signé: un père ému, vraiment.
Virgul- Humeur : Optimiste
Re: A. Première valse
Merci Martine :-)
Un grand merci Virgul pour cet écho :-)
Un grand merci Virgul pour cet écho :-)
Ameliefg- Humeur : jamais celle du jour
Re: A. Première valse
Je me suis sentie emportée par cette valse.Je la voudrais interminable . Bravo tu m'as fait rêver.
Charlotte- Humeur : tout et rien
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