A : Une petite graine (vraie version)

Chevelure et barbe grisonnante, une longue tenue l’habillant et assis sur une roche en forme de banc, un ancien observait sa petite fille gambader le long du jardin telle une tornade rayonnante. C’était là sa place, le plus clair de son temps, dans le jardin de la maison familiale, profitant de l’air frais et de la chaleur naissante.

La fillette s’arrêtait par moment lorsque son attention s’attardait sur quelques fleurs que son regard appréhendait. Tel un trésor, pâquerettes et coquelicots, bleuets et pissenlits s’amassaient dans sa main pour former un bouquet qu’elle seule considérait comme de l’or. Et il n’en fallait pas plus pour la rendre heureuse.

Amusé et la peau du visage réchauffée par la chaleur matinale, le vieux monsieur observait le manège de la fillette, courant, virevoltante, sautillant à travers les herbes, radieuse, le cœur innocent et l’esprit libre grâce à l’insouciance de la jeunesse. Et elle souriait, riait, parlait même à chaque tige qu’elle cueillait, à tous les pétales qui l’émerveillaient.

Le vieux monsieur l’appela, lui demandant de venir jusqu’à lui. Elle s’exécuta, interrompant sa quête, ses desseins. « Oui, grand-père ? lui répondit-t-elle impatiente de retourner courir dans le jardin. Il lui demanda pour quelle raison elle cueillait des fleurs. Fière et sans se défaire de son sourire, elle lui répondit que le bouquet était pour sa mère et le deuxième, qui suivrait, lui était destiné afin d’égailler son cœur.

Le grand-père, ému de ce cadeau innocent, en eu la gorge nouée mais très vite, se reprit. « Et que dirais-tu de planter une graine, au lieu d’arracher les fleurs à la terre. Tu aurais la joie de la faire grandir de tes propres mains. Ne serait-ce pas mieux que de les voir se faner, finalement, dans un vase ? » Et son grand-père, de ses poches, sortit une belle grosse graine, qu’il lui tendit.

Sa petite fille s’émerveilla sur la beauté de cette graine et sans réfléchir l’échangea contre son bouquet. Elle s’empressa de trouver l’emplacement idéal puis s’attela à sa nouvelle mission. Elle creusa la terre, la nettoyant de chaque caillou. De ses doigts délicats, elle y déposa la graine lorsqu’elle en fut satisfaite. Puis elle reboucha le trou, les yeux et les mains remplis d’espoir.

Les jours passèrent. Chaque matin et sous le regard de son grand père, la fillette arrosait l’endroit où reposait la graine. Et chaque soir, elle recommençait lorsque le soleil ne brûlait plus la terre. Jusqu’au jour où une tige apparue, fine, fragile et tellement belle. Le cœur de la fillette se transforma en un soleil éclatant. Elle redoubla d’attention, d’affection et la petite tige un peu timide prit son essor, grandit, s’étoffa pour devenir un arbuste pas plus grand qu’elle.

La fillette redoubla d’effort. Matin et soir, elle continua d’arroser l’arbuste grâce à l’arrosoir en fer de son grand-père. Elle prenait soin de ses branches, de leurs bourgeons, de ses feuilles. Elle leur parlait, leur disait qu’elle les aimait. Et un matin, les premières fleurs firent leur apparition, toutes de couleur différente, toutes d’une beauté éclatante, comme le cœur de la fillette.

Elle resta des heures à les observer, à les admirer. Le regard passant de fleur en fleur, elle s’enivrait de leur parfum, de leurs couleurs sans pareille. Elle n’osait les toucher de peur de les abîmer. Elle avait été patiente, attentionné et ses efforts avaient été récompensé. Une main chaleureuse se posa sur son épaule. Pourtant de dos, elle sut de suite qui derrière venait d’arriver.

« Tu vois mon enfant, ces fleurs là, pas besoin de les cueillir. Elles seront là chaque matin pour toi, pour nous, si tu y prends soin.»
Alors la fillette se retourna et serra dans ses bras son grand-père, l’enlaçant aussi fort et aussi longtemps qu’elle le pouvait, espérant en silence que ce moment en s’efface jamais.

Car de la patience, de la persévérance et un peu d’amour naît toujours la récompense d’une petite graine qui grandit et s’épanouit.