A. J'ai perdu ma page
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Kaléïdoplumes 4 :: Archives 2019/2023 :: Espace Ecriture et Photo :: Ecriture et Photo sur consigne :: Consigne 617
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A. J'ai perdu ma page
J’ai perdu ma page.
J’ai perdu le fil de ma lecture.
La faute à ce léger coup de vent qui m’a distrait un bref instant.
J’ai levé les yeux pour offrir mon visage à cette soudaine brise, à ce petit brin de fraîcheur et le zéphyr, taquin, en a profité pour faire tournoyer les pages de mon livre.
Et je me retrouve face à des nuages moutonneux qui rient plus ou moins discrètement de ma mésaventure.
Je devrais le savoir pourtant….
Depuis le temps j’aurais dû intégrer qu’il suffit de presque rien, d’un minuscule grain de sable, pour enrayer le cours de mon livre.
Ce n’est pas comme si c’était la première fois que ça m’arrive.
La première fois… tiens, quand était-ce la première fois d’ailleurs?
Etait-ce quand dans cette cour de récréation baignée de soleil j’ai réalisé que A. préférait passer du temps avec C. plutôt qu’avec moi et qu’il était vain d’espérer que ça change ? Malgré tous mes efforts je ne pourrai pas retrouver la page du livre qui racontait notre grande histoire d’amitié. Le soleil s’est soudain voilé et la cour m’a soudain paru bien sombre.
Mais j’ai vaillamment serré les dents et commencé à lire les autres pages de mon livre.
Et au fil du temps ces pages n’ont cessé de se jouer de moi et de mes attentes.
Il a suffi d’une séance de dissection dans une salle de science d’un collège de province pour que la page « médecin sans frontière » se ferme brutalement et que le livre s’ouvre sur une autre feuille blanche à remplir.
J’ai longtemps lutté avec mon livre, voulant à tout prix lui imposer ma vision, mes envies, mes désirs, essayant envers et contre tout de le tordre selon mon bon vouloir.
Mais mon livre sait nouer de solides alliances.
Mais mon livre est têtu et fort obstiné.
Mais mon livre possède des trésors de surprises cachées au plus profond de ses pages, et de préférence dans les pages dans lesquelles je n’avais pas forcément envie d’aller me plonger.
La peur de se noyer dans certaines pages m’a fait m’en tenir au maximum à distance.
Mais toujours le livre m’y ramenait, aidé par un coup de vent tantôt malicieux tantôt brutal.
J’ai lutté contre mon livre. Je voulais absolument le lire dans l’ordre, alors que lui ne voulait qu’être feuilleté et parcouru au hasard, au gré des moments et des circonstances.
Ce fut une lutte impitoyable, avec quelques rares moments de trêve. Il me voulait libre et vagabond, je me voulais organisé et prévoyant.
Les années ont passé…
Et ce matin, une nouvelle fois, au sommet de cette dune de sable qui s’étend presque à l’infini sous mes yeux j’ai perdu ma page.
Je n’ai peut-être pas lu tout mon livre, je ne l’ai peut-être que parcouru, j’ai sans doute sauté des pages par lâcheté, j’en ai sans doute ignoré d’autres par peur, il en est qui portent encore les traces de mes larmes, d’autres gardent les stigmates de mes colères, certaines resteront sans doute éternellement blanches….
Mais aujourd’hui un vent léger est venu caresser ma peau usée par les années et desséchée par le soleil du désert, m’apportant un peu de cette douceur après laquelle j’ai couru toute ma vie.
Aujourd’hui est mon dernier jour et peu m’importe à quelle page le livre est ouvert.
En ce jour tout ce qui compte c’est la douceur du sable sous mes pieds nus, la chaleur du soleil sur mes épaules, la tendresse du vent dans mes cheveux.
Les Anciens avaient raison : il est inutile de lutter aussi obstinément contre le destin. On perd toujours, mais on y gagne tellement. Et un jour on s’en fout, et ça fait du bien.
J’ai perdu le fil de ma lecture.
La faute à ce léger coup de vent qui m’a distrait un bref instant.
J’ai levé les yeux pour offrir mon visage à cette soudaine brise, à ce petit brin de fraîcheur et le zéphyr, taquin, en a profité pour faire tournoyer les pages de mon livre.
Et je me retrouve face à des nuages moutonneux qui rient plus ou moins discrètement de ma mésaventure.
Je devrais le savoir pourtant….
Depuis le temps j’aurais dû intégrer qu’il suffit de presque rien, d’un minuscule grain de sable, pour enrayer le cours de mon livre.
Ce n’est pas comme si c’était la première fois que ça m’arrive.
La première fois… tiens, quand était-ce la première fois d’ailleurs?
Etait-ce quand dans cette cour de récréation baignée de soleil j’ai réalisé que A. préférait passer du temps avec C. plutôt qu’avec moi et qu’il était vain d’espérer que ça change ? Malgré tous mes efforts je ne pourrai pas retrouver la page du livre qui racontait notre grande histoire d’amitié. Le soleil s’est soudain voilé et la cour m’a soudain paru bien sombre.
Mais j’ai vaillamment serré les dents et commencé à lire les autres pages de mon livre.
Et au fil du temps ces pages n’ont cessé de se jouer de moi et de mes attentes.
Il a suffi d’une séance de dissection dans une salle de science d’un collège de province pour que la page « médecin sans frontière » se ferme brutalement et que le livre s’ouvre sur une autre feuille blanche à remplir.
J’ai longtemps lutté avec mon livre, voulant à tout prix lui imposer ma vision, mes envies, mes désirs, essayant envers et contre tout de le tordre selon mon bon vouloir.
Mais mon livre sait nouer de solides alliances.
Mais mon livre est têtu et fort obstiné.
Mais mon livre possède des trésors de surprises cachées au plus profond de ses pages, et de préférence dans les pages dans lesquelles je n’avais pas forcément envie d’aller me plonger.
La peur de se noyer dans certaines pages m’a fait m’en tenir au maximum à distance.
Mais toujours le livre m’y ramenait, aidé par un coup de vent tantôt malicieux tantôt brutal.
J’ai lutté contre mon livre. Je voulais absolument le lire dans l’ordre, alors que lui ne voulait qu’être feuilleté et parcouru au hasard, au gré des moments et des circonstances.
Ce fut une lutte impitoyable, avec quelques rares moments de trêve. Il me voulait libre et vagabond, je me voulais organisé et prévoyant.
Les années ont passé…
Et ce matin, une nouvelle fois, au sommet de cette dune de sable qui s’étend presque à l’infini sous mes yeux j’ai perdu ma page.
Je n’ai peut-être pas lu tout mon livre, je ne l’ai peut-être que parcouru, j’ai sans doute sauté des pages par lâcheté, j’en ai sans doute ignoré d’autres par peur, il en est qui portent encore les traces de mes larmes, d’autres gardent les stigmates de mes colères, certaines resteront sans doute éternellement blanches….
Mais aujourd’hui un vent léger est venu caresser ma peau usée par les années et desséchée par le soleil du désert, m’apportant un peu de cette douceur après laquelle j’ai couru toute ma vie.
Aujourd’hui est mon dernier jour et peu m’importe à quelle page le livre est ouvert.
En ce jour tout ce qui compte c’est la douceur du sable sous mes pieds nus, la chaleur du soleil sur mes épaules, la tendresse du vent dans mes cheveux.
Les Anciens avaient raison : il est inutile de lutter aussi obstinément contre le destin. On perd toujours, mais on y gagne tellement. Et un jour on s’en fout, et ça fait du bien.
Dernière édition par madeleinedeproust le Jeu 14 Oct 2021 - 14:46, édité 1 fois
madeleinedeproust- Humeur : littéraire...
Re: A. J'ai perdu ma page
Madeleine, tu restitues magnifiquement bien ce qu'est la vie à travers les pages de ce livre. Une vie est faite de hauts et de bas, d'instants magiques et de descentes aux enfers, de satisfactions et de regrets, de décisions et d'indécision, d'audace et de doute, mais c'est la vie, notre vie !
Et un jour, tout nous est égal, et l'on s'en fout, et ça fait du bien, oui !
Et un jour, tout nous est égal, et l'on s'en fout, et ça fait du bien, oui !
_________________
Ne méprisez la sensibilité de personne. La sensibilité de chacun, c'est son génie.
(Charles Baudelaire)
FrançoiseB- Humeur : Positive
Re: A. J'ai perdu ma page
Ce texte est magnifique tout simplement. Il est prenant d’un bout à l’autre et on a l’impression que l’image imposée dans la consigne est en fait le dessin qui a a été fait pour accompagner ton texte et non le contraire.
Bravo, voilà un texte que j’aurais aimé écrire
Bravo, voilà un texte que j’aurais aimé écrire
_________________
Bonjour Invité, je suis heureuse de te compter parmi les Kaléïdoplumiens
Admi......ratrice de vos mots !!!!!.
Admin- Admin
- Humeur : Concentrée
Re: A. J'ai perdu ma page
Tout comme Admin, je trouve que la photo illustre parfaitement ton texte.
Ton style d’écriture est fluide et agréable à lire.
C’est la vie! Disons nous souvent devant les aléas qui jalonnent notre existence.
Quand on pense ” je m’en fout”, comme ça fait du bien! Hélas ce n’est pas donné à tout le monde de raisonner comme ça. (Je parle d’experience!)
Ton style d’écriture est fluide et agréable à lire.
C’est la vie! Disons nous souvent devant les aléas qui jalonnent notre existence.
Quand on pense ” je m’en fout”, comme ça fait du bien! Hélas ce n’est pas donné à tout le monde de raisonner comme ça. (Je parle d’experience!)
Zephyrine- Humeur : Parfois bizarre
Re: A. J'ai perdu ma page
La photo, ton texte, tes mots qui parlent de la vie avec ses déceptions, ses trésors, ses surprises, qui dit mieux ?
Amanda- Humeur : positivement drôle
RE A : J'ai perdu ma page
C'est vrai que notre vie peut être comparée à un livre dont les pages se tournent malgré nous , on dit quelquefois que nous ne sommes pas maitre de notre destin .
automne- Humeur : égale
Re: A. J'ai perdu ma page
Ton texte est magnifiquement écrit (j'allais dire comme d'habitude…) mais au-delà de cette belle manière d'écrire, il y a le contenu avec la densité de notre rapport à nous-mêmes, de ses atermoiements et de ses possibles, comme une méditation poétique et littéraire de ce que l'on appelle parfois « le dialogue intrapsychique », et c'est puissant de le mettre en mots de cette manière.
Alors bravo !
Alors bravo !
_________________
"Écrire, c'est brûler vif, mais aussi renaître de ses cendres. "
Blaise Cendrars
ICI : Le Blog d'AlainX
alainx- Humeur : ça va ! et vous ?
Re: A. J'ai perdu ma page
Je suis d'accord avec les autres commentaires
Ce qui m'a fait réagir aussi est la sérénité et la quiétude qu'elle exprime quand elle annonce son dernier jour, en tout cas c'est comme ça que je l'ai ressenti...
Ce qui m'a fait réagir aussi est la sérénité et la quiétude qu'elle exprime quand elle annonce son dernier jour, en tout cas c'est comme ça que je l'ai ressenti...
silhène- Humeur : positive, autant que possible
Re: A. J'ai perdu ma page
Donc, les cimetières sont des bibliothèques... où personne ne relit les livres...
Merci de ce texte si touchant, bien construit et à la fois personnel et universel.
Merci de ce texte si touchant, bien construit et à la fois personnel et universel.
Daboum- Humeur : jusqu'ici, ça va
Re: A. J'ai perdu ma page
Je n'ai tout simplement rien à rajouter à ce qui a déjà été dit. Bravo et merci! C'est un très beau texte et il m'a touchée.
MESANGE- Humeur : colorée
Re: A. J'ai perdu ma page
On le feuillette avec plaisir ce grand livre de la vie
_________________
Martine27
Martine27- Humeur : Carpe diem ou Souris quand même
Re: A. J'ai perdu ma page
Un très beau texte que j'ai relu plusieurs fois juste pour le plaisir
Je crois même que je vais le garder quelque part...
Je crois même que je vais le garder quelque part...
Dernière édition par Sherkane le Sam 16 Oct 2021 - 20:28, édité 1 fois
Sherkane
Re: A. J'ai perdu ma page
Un très beau texte que j'ai relu plusieurs fois juste pour le plaisir
Je crois même que je vais le copier et le garder quelque part...
Je crois même que je vais le copier et le garder quelque part...
Sherkane
Re: A. J'ai perdu ma page
Déjà le titre en dit long.
C’est une excellente idée de raconter sa vie par les pages de ce livre dans le désordre.
J’aime beaucoup ce passage que j’ai lu plusieurs fois:
C’est une excellente idée de raconter sa vie par les pages de ce livre dans le désordre.
J’aime beaucoup ce passage que j’ai lu plusieurs fois:
Je n’ai peut-être pas lu tout mon livre, je ne l’ai peut-être que parcouru, j’ai sans doute sauté des pages par lâcheté, j’en ai sans doute ignoré d’autres par peur, il en est qui portent encore les traces de mes larmes, d’autres gardent les stigmates de mes colères, certaines resteront sans doute éternellement blanches….
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Quelle noblesse d'avoir un ami, mais combien plus noble d'être un ami.
- Richard Wagner -
- Richard Wagner -
trainmusical- Humeur : la vie est belle
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