a. Au départ : « C'est le Noooord ! »

C’est plutôt joli, la maladresse. C’est l’art des gens qui ont trop de poésie dans la tête … Évidemment, il avait eu une manière délicate de dire les choses celles qui relevaient d'une réalité pas facile à accepter, tout du moins pour moi.
La mal–adresse, la mauvaise adresse. Pas le bon endroit en quelque sorte. Vous pensez : je suis née à Douai, une triste ville du Nord… Juste au dessous de la mauvaise étoile. Mal–adroite de naissance. D'ailleurs il paraît que je n'arrivais pas à attraper le sein de maman  pour téter. Je tortillais la tête sans trouver ce truc pointu qui se dérobait sans cesse.
— « C'est une petite maladroite, disait la sage-femme à ma mère, mais vous verrez elle va y arriver.

J'ai ce sentiment de n'être arrivée nulle part. En tout cas pas où on voulait m'enfermer. À quatre ou cinq ans j'ai découvert les nuages blancs de l'été. Ils bougeaient lentement tout en m'attirant vers eux, je les ai suivis des yeux et me suis retrouvée au pays des rêves.
Avant d'aller y séjourner j'ai cueilli des fleurs très jolies que cependant des grandes personnes appellent des « mauvaises herbes ». Je n'ai toujours pas compris !

Lorsque je suis dans la réalité je rate beaucoup de choses. Je ne compte pas le nombre de vases que j'ai cassé, de verres brisés, de traits à la règle qui ondulaient, de robes longues déchirées dans les ronces et bien d'autres maladresses encore.
— « Marceline ! Qu'est-ce que tu as encore fait ! » Criait ma mère Catherine.

C'est à mon retour de Guadeloupe, où m'avait embarqué ma mère pour régler je ne sais trop quelle sombre histoire de famille, que j'ai croisé l'homme qui m'a dit la fameuse phrase par laquelle je commence. Il s'appelait Paul Verpeine, ou Vervaine, ou quelque chose comme ça. Paraît qu'il écrivait des poèmes. Plus tard j'ai pensé qu'il en avait peut-être vue, de la poésie dans ma tête ? Je me suis dit et si j'essayais ? Alors j'ai écrit des trucs… maladroits évidemment… c'est ce que me répétait ma mère : — « Tu ferais mieux de faire de la broderie… mais tu serais capable de te piquer avec les aiguilles ! ».

Rien que pour l'ennuyer, j'ai fait du théâtre, jouant les ingénues ou des cantatrices. Je vous jure que c'est moi qui incarnais Rosine dans le Barbier de Séville à l'opéra-comique de Rouen en 1805.

Bon… si avec tout ça vous n'avez pas deviné qui je suis…

Un petit poème de mon cru, qui n'est pas trop maladroit…
Ça vous dit ?