A- De chapitre en chapitre

Si je ne les écris pas, les choses ne sont pas allées jusqu’à leur terme, elles ont été seulement vécues. Je ne les oublie pas mais peu à peu, au fil du temps et des événements, les souvenirs s’estompent, leurs contours deviennent flous. Cela pourrait ne pas avoir d’importance mais parfois, et parce que la vie est cruelle, parfois j’ai besoin de me raccrocher à ces choses qui font partie de mon passé et qui ont construit la femme que je suis.

C’est pourquoi j’écris, pour que rien ne devienne flou, pour passer le relais, pour que rien de ce que j’ai vécu ne tombe dans le néant. Quand j’écris, je plonge dans un tableau qui n’appartient qu’à moi. C’est ainsi que je vois ma vie, une succession d’événements imprimés dans des tableaux que je peins avec des mots. Et si c’était ma façon à moi de devenir immortelle ?

Saisir la fragilité d’un instant, le graver sur la page blanche et en faire un petit caillou blanc semé sur un chemin de vie.
Ecrire ce qu’on n’a jamais osé dire : je t’aime tant maman, tu me manques chaque heure de chaque jour…
Ecrire lorsque l’on tombe à terre, décrire la douleur que l’on croit infinie et infranchissable. Traverser le désert avec des mots, comme autant de pansement sur les maux, et un peu de courage pour ne pas renoncer et se laisser crever là, à même le sol brûlant. Ramper en pleurant, se désespérer et puis un jour se relever et sentir une nouvelle force de vie monter du plus profond de ses entrailles. Terminer le chapitre en souriant et passer au suivant.

Tout est temporaire dans la vie, les sentiments, les émotions, toutes ces pensées bonnes ou mauvaises, et pourtant sur l’instant, un cœur peut se déchirer de douleur, la peur peut nous faire fuir, la colère peut tout emporter. C’est aussi dans ces moments -là que j’ai besoin de coucher sur le papier ce qui me trouble.

Parfois je me demande ce qui se serait passé si j’avais fait d’autres choix. Est-ce que ma vie en aurait été chamboulée, est-ce que mon envie d’écrire aurait été aussi forte, est-ce que j’aurai donné autant d’importance au moindre détail d’un souvenir ? J’ai saisi des occasions, j’ai forcé des portes et parfois j’ai renoncé mais je crois, malgré les occasions ratées, à la multitude des possibles.