A. Double vies ( deux histoires )

Par ce dimanche pluvieux, je suis restée «  accro » à ce livre.
En même temps il m'a rappelé deux histoires vécues.
Comme elles sont de près ou de loin en rapport avec ma famille, j'ai volontairement changé les noms des personnes impliquées.

1. L'histoire d'Antoine

Antoine, aujourd'hui décédé, était le fils d'une cousine à mon père.
Cette cousine, appelons-la, Amélie, quitta Bruxelles pour aller vivre au Maroc avec un Français rencontré lors de vacances dans le sud de la France.
C'était à l'époque coloniale.
Ce Français, François avait en fait peu de ressources, mais il était débrouillard.
Il réussit donc à monter sa petite entreprise à Casablanca et ensuite un peu partout dans le pays.
Il projetait des films en plein air, ce qui, à l'époque et dans ce pays, était rarissime.
Il fit fortune, assisté par Amélie qui tenait la caisse pendant qu'il était à la projection.
Ils décidèrent alors de voir encore plus grand et ouvrirent à Casa le premier vrai cinéma.
Succès garanti qui allait ensuite faire des petits.
Peu après, Amélie mit un beau garçon au monde, la prunelle de ses yeux, Antoine.
Pour ne pas abandonner son mari dans le travail, elle fit venir de Belgique sa mère, Alice ( que mon père appelait Tante Alice, mais une inconnue pour moi qui était toute petite à cette époque) qui s'occupa beaucoup du petit et la soulagea des travaux ménagers.
Amélie commença à engager du personnel pour les différents cinémas, ne pouvant être partout. Un ou deux projectionnistes et un ou deux «  ouvreuses » ( les jolies jeunes filles qui, lampe de poche à la main, guidaient les spectateurs à leur place dans le cinéma et en même temps vendaient le programme, les chocolats glacés etc..), une espèce en voie de disparition de nos jours.
Antoine grandit ( il mesura, adulte plus de deux mètres) entouré de l'affection des deux femmes, son père étant souvent absent.
Après quelques années, tout le monde rentra en France. Antoine y fit de brillantes études à Paris tandis que sa famille s'installait au Havre et là aussi, le père ouvrit un puis deux cinémas.
Antoine partit faire la guerre d'Algérie, en héros d'ailleurs.
A son retour, il apprit le décès subit de François, ce père qu'il ne connaissait presque pas, en fait.
La convocation chez le notaire fut un choc terrible. Il accompagnait sa mère et sa grand-mère. Présentes aussi deux jeunes femmes avec une dame un peu plus âgée.
C'est ainsi qu'il apprit que depuis toutes ces années, depuis le Maroc en fait, son père menait une double vie. Il avait une maîtresse, la jolie ouvreuse d'un des deux ciné
mas. Les deux jeunes filles étaient ses demi-soeurs !

L'héritage fut partagé.
Antoine essaya en vain de savoir si Amélie était au courant ou alors Alice.
Il ne sut jamais.
A l'occasion d'une visite des deux femmes en Belgique, mon papa aussi interrogea sa cousine. Il lui paraissait impossible qu'elle ne se soit aperçue de rien. Dans un couple, des choses se sentent quand même !
Aucune réponse.

Ensuite, une fois Alice décédée, Amélie s'installa dans le sud, dans la ville où son fils avait choisi de vivre.
Il s'était marié et gagnait bien sa vie.
Un jour, il a pris contact avec moi, on s'est beaucoup vu.
Je l'aimais beaucoup.
Il avait tiré un trait sur cette histoire.
Et, tenez vous bien, voyait de temps en temps ses sœurs, avec plaisir !




PS La deuxième histoire arrive très vite...

Il faut croire que bien des familles ont des secrets.
Celui-ci est un des plus fréquents, mais assez frustrant pour les proches.

De par mes activités professionnelles j'ai connu pas mal de personnes ayant des doubles, voire des triples vies, et c'est loin d'être l'apanage des messieurs…
le conjoint (ou femme) qui ne se rend compte de rien est bien plus fréquent qu'on ne croit. (Ou qui fait volontairement semblant de ne rien voir).
J'ai bien souvent constaté que les personnes à plusieurs vies… c'était quand même la plupart du temps la galère dans l'ordinaire des jours ! Faut savoir bien jongler et pratiquer le mensonge ! Mais bon… quand le sexe à ses besoins et que le reste s'en mêle…