- Intérieur nuit

C'était pendant l'horreur d'une profonde nuit, une de ces nombreuses nuits d’insomnies que je traverse péniblement depuis plusieurs semaines maintenant.

Cet état de semi-éveil tourmenté durant lequel les images et les idées contradictoires se projettent, que je subis les poings et dents serrés, et dont les apparitions tenaces et lancinantes m’interpellent et m’agressent. Je sais que c’est de moi dont il est question, mais je ne me reconnais pas. Je n’accepte pas.

L’image de cette statue, à la face effacée, sans expression, qui revient me hanter chaque nuit m’intrigue et m’est pourtant familière, comme un appel. Visage fantôme d’une âme perdue, mais les bras croisés en signe d’une reddition refusée. Ce moi en posture volontaire, défiguré du néant, figé dans l’impuissance d’agir. Pas encore, pas maintenant.

Il m’aura fallu d’autres nuits, d’autres errances, pour accumuler les soupçons, revivre les scènes, pour décrypter les doutes,  les manques et les frustrations, pour pilonner mes défenses, entailler cette muraille d’amour qui me protégeait de l’évidence, m’aveuglait et à laquelle je tenais tant.

Il m’aura fallu d’autres jours, pour lui redonner encore et encore le bénéfice du doute, lui fournir les occasions de contredire les égarements de mes nuits, et pour ma part mal vivre mes observations coupables, me les reprocher, traquer encore le moindre signe d’un amour partagé, tant espéré. Mais en vain.

C’était pendant l’horreur de la nuit dernière, quelques mots se sont affichés : « manque de respect ». La statue m’est réapparue, une expression désolée s’est affichée sur son visage et elle a décroisé ses bras pour les tendre vers moi. Alors je me suis décidée, ce matin je le quitte.

Une nuit bien sombre et tortueuse vers un choix final.
Un texte interessant, que j’ai lu avec curiosité .
vers la fin tellement d ellipses accumulées que tu as failli me perdre mais je suis la
et j’aime la chute .


Ps : peut être y a t il moyen d’allerger Ce passage ?
[à la face effacée,]

Il manque la lettre A -
Dans le titre de ton poste 😉

Eva a joué mon rôle de modo. En effet, peux-tu ajouter la lettre A. Devant ton titre. ?

J'ai lu et relu ton texte, noir, sombre assez confus parfois pour le lecteur qui heureusement comprend à la fin.

Cette dernière phrase qui explique tout gagnerait à être mise en valeur par quelques interlignes et en allant à la ligne.

Le rôle de la statue reste pour moi une énigme. Au début tu écris " C'est moi" qui ne peut me décider à la rupture

Ensuite, après de nouvelles déceptions, tu prends ta décision et la statue te tend les bras avec une expression désolée. Pourquoi ?

Elle ( Toi) devrait au contraire être soulagée de sa décision.

Bon, je n'ai sans doute pas bien compris

Ce texte est de ceux que j'aime particulièrement.
Un récit se déroule avec son épaisseur de mystère. L'auteur lui-même est surpris de ce qu'il met en scène. Le lecteur attend une explication, de la compréhension,…, qui ne vient pas vraiment.
C'est là toute la force de ce genre de texte.
Mais de quoi s'agit-il vraiment ? Qu'est-ce qu'on peut nous faire comprendre ?
Alors on le relit, et il gagne en densité mystérieuse.
Eh bien que chacun comprenne ce qu'il envie de comprendre…

j'adore ce genre de texte !
Surtout, que rien de plus ne soit expliqué…
ça ferait tomber le texte dans le banal.

Elle est lugubre l"ambiance dans cette nuit. Je cherche le ou la coupable : je ne suis pas sûre de trouver. C'est qui, qui trompe ? C'est la totale quand je réalise que c'est une femme qui pense et parle...

Mystère, Mystère. Je suppose que c'est ce que tu voulais faire passer, alors c'est réussi

Merci pour vos commentaires. Juste un petit mot d’explication.

L’incipit et la photo m’inspiraient ceci : une femme sent que la relation qu’elle vit avec son homme s’étiole et devient même toxique. La face sans visage de la statue représente l’oubli de soi, les bras croisés représentent cette partie de soi qui ne capitule pas.

J’ai voulu décrire le chemin tortueux de cette femme qui au cours de ses nuits d’insomnies analyse et interprète tous les petits gestes et attitudes négatifs de l’homme qui créent chez elle les ressentis désagréables qui la font s’interroger sur la qualité de leur relation. Et elle n’a pas envie de croire ni d’admettre que c’est la fin. C’est le cheminement qui mène à la rupture que j’ai cherché à décrire. Je ne mentionne pas les faits, ils sont presque anodins, c’est leur nombre et leurs répétitions qui sont la cause de la rupture.

En fin de texte, le visage de la statue adopte une expression désolée, car si libération il y a, c’est au prix d’un échec.

Merci encore de m’avoir lu.

Tu as effectivement très bien décrit cette lutte intérieure entre ce qui est et ce que l'on voudrait encore croire et la personnaliser par le biais d'une statue est bien vu !

J'ai bien aimé tes explications. Tu as vraiment le mérite d'avoir tenu compte de la photo, ce que je et bien d'autres n'ont pas fait!

Merci pour les explications, Virgul, mais j'avais compris le sens général de ton texte.

Bravo !