A Supprimez les miroirs !

Il y avait fort longtemps que Blanche-Neige avait hérité le château de son père et le miroir magique de sa marâtre mais il y avait bien plus de temps encore qu'elle était mariée avec son Prince Charmant. Au fait, était-il toujours aussi charmant ? Tout cela pour vous dire que Blanche-Neige commençait à se poser pas mal de questions.

- Miroir, miroir joli, suis-je toujours belle ?
- Ma pauvre Blanche-Neige, à 63 balais que peux-tu encore espérer ?
- Quoi ? Mais enfin, je plais toujours à mon mari le Prince !
- Certes, certes ! Cependant, ne sois pas sotte ! Tu vas finir par ressembler à feue ta marâtre. Maintenant, observe-moi attentivement ! - --- Que vois-tu ? Non, pas comme çà  Blanche-Neige ! Chausse tes lunettes ! .. Oui, oui, c''est bien toi cette femme aux courbes arrondies façonnées par les années !
- Mon Dieu ! Aux courbes arrondies façonnées par les années !
- Hum, hum ! Que penserais-tu d'une petite cure d'amaigrissement à Brides-les-bains ?
- Une cure d'amaigrissement, moi !
- Pourquoi pas ? Tu fais ce que tu veux, mais à ta place j'y songerai. N'as-tu pas remarqué l'air bizarre que prend le Prince  lorsqu'il regarde les jeunes femmes ?
- Le Prince ! Que veux-tu insinuer par là ? Tu sais très bien qu'il n'aime que moi ! D'ailleurs, il me l'a répété pas plus tard que hier soir ... quoique ...il ne me l'a pas prouvé ! En y réfléchissant ...ça fait pas mal de temps que ...
- Pas la peine de me donner plus de précisions, j'ai fort bien compris !
- Miroir, miroir joli, dis-moi si le Prince m'est toujours fidèle ?
- Blanche-Neige ! Pourquoi poser de telles questions ?  Il est parfois sage d'ignorer certaines choses
- Je veux la vérité, entends-tu ?
- Ne sais-tu pas que toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire ? Elles peuvent entraîner des catastrophes . Toi-même, souviens-toi, tu as failli en mourir lorsque j'ai révélé la vérité à ta marâtre.
- Miroir, tu n'es pas là pour philosopher ! Tu vois tout, alors, réfléchis tout ! Je ne veux aucune ombre au fin fond de ton savoir.
- Comme tu voudras ! Je vois ... je vois ...
- Mais tu vois quoi, à la fin ?
- Arrête de me harceler de la sorte !  Respecte mon grand âge ! La question est importante, je ne dois pas me tromper. Voyons çà de plus prêt ... oui,
- Il me trompe !
- Non! Pas encore. Cependant, il est grand temps que tu prennes les choses en main.
- Les choses en main ? Mon Dieu, Seigneur, que dois-je faire ?
- Alors là, ce n'est plus de mon ressort ! Débrouille-toi !

 Et le miroir devint tout noir : à vue de nez, il était inutile de le questionner.


Déstabilisée, Blanche-Neige réunit sur le champ son Grand Conseil au complet :   tous ses ministres étaient autour de la table de la Chambre Haute. À la droite de la reine,  Prof se  tenait très digne, à sa gauche, par inadvertance, Simplet avait pris place. À l'autre bout de la table, s'étaient installés Atchoum (il ne voulait pas passer son rhume à sa reine bien-aimée) ainsi que Timide (inutile d'en préciser la raison). Joyeux et Grincheux s'étaient mis côte à côte. En fait, c'était là une idée de Joyeux qui, optimiste, espérait avoir une bonne influence sur son compagnon. Quant à Dormeur, il s'était  simplement rendormi en s'appuyant contre l'épaule de Prof.

- Mes chers ministres si je vous ai réunis de  toute urgence, c'est que votre reine est en danger.
- En danger ! ( Dormeur s'en réveilla brutalement ! )  

                             
Blanche-Neige  expliqua la situation dans les moindres détails. Tous furent unanimes : il fallait réagir immédiatement. Chacun aurait un rôle à jouer dans l'affaire car c'était une affaire, une affaire d'état ! Seul Dormeur fut exempté de service, vu son peu de capacités  à rester l’œil ouvert, on ne vit pas à quoi il pourrait bien être utile. Il en fut très peiné mais il se rendormit aussitôt. Prof, le 1er ministre, répartit les tâches de la façon suivante :
1°)  Joyeux ne quitterait pas la reine, il fallait bien çà pour lui remonter le moral, et Dieu sait si elle en avait besoin. En plus , c'est  lui qui dirigerait les séances de gymnastique quotidiennes indispensables à la lutte contre l'embonpoint. (On  avait renoncé au séjour à Brides-les-bains, l'absence de la reine s'avérant trop dangereuse, laissant le champ libre au Prince )
2°) Simplet aurait l'honneur d'effectuer les massages indispensables pour décoller la royale cellulite. Avec lui, on n'avait rien à craindre ! Enfin, peut-être.
3°)  Timide se devrait d'élaborer des menus diététiques sans lesquels toute cure d'amaigrissement était vouée à l'échec. Il pourrait donner libre cours à son imagination, il n'aurait qu'un seul impératif à respecter : ne jamais au grand jamais introduire de pommes dans ses préparations culinaires. Le mot pomme était devenu tabou !
4°)  Atchoum se proposa pour espionner le Prince. Sa candidature fut immédiatement rejetée. Avec son handicap, il ne pouvait pas passer inaperçu ! On lui donna le poste de secrétaire. Quotidiennement, il rentrerait les données nouvelles dans l'ordinateur et après, on pourrait faire le point.
5°)  La filature fut la mission réservée à Prof et à Grincheux. Ils n'étaient pas trop de deux pour une tâche aussi ingrate.  Grincheux, très contrarié, affirma, qu'à son âge, c'était bien dur pour lui. Mais comme en dépit de son mauvais caractère, il avait quand même bon cœur, il finit par accepter sans trop se faire prier.
                       
 Le Prince consort s'aperçut rapidement qu'il se tramait quelque chose.  Cette cure d'amaigrissement lui paraissait stupide. Il ne voyait vraiment pas pourquoi la reine voulait maigrir. Il la trouvait très bien et il l'aimait comme elle était. Quand il voulut faire part de son opinion, personne ne l'écouta. Dans ces conditions, inutile de se mettre à dos la reine et  son conseil d'autant plus que les sept nains avaient  à son égard fait toujours preuve d'une sourde hostilité. Il décida  de continuer son train-train quotidien : chasses, spectacles, promenades. Rien ne devait entamer son optimisme béat.  Mais au palais, la vie changea.

À  sa grande surprise, le Prince découvrit que, jour et nuit, il était suivi, pire, espionné ! Il demanda des explications à Blanche-Neige. Paraît-il qu'il avait des visions ! Comme il n'avait rien à cacher et que la paix des ménages était pour lui un bien hautement précieux, il renonça à en demander davantage. Toutefois, très prudent, il regarda les jolies femmes avec beaucoup moins d'insistance. Il ne se réserva que le droit de rêver. Effleurer du regard et ne pas toucher lui parut le summum de la prudence, mieux, de la sagesse.

La reine maigrissait et ... lui aussi, hélas ! Buté et rougissant, Timide refusa  de cuisiner plusieurs menus, soutenant que tout Prince qu'il était, il se devait de manger les mêmes choses que sa femme. Il ne fallait ni la tenter, ni la décourager. Donc, régime pour tout le monde!
Plus les kilos royaux disparaissaient, plus l'humeur de la reine s'alourdissait ! Sa majesté aimait le chocolat, le cassoulet et le bordeaux. Salade, jambon de régime et eau, il n'y  avait là rien pour vous remonter le moral d'autant plus que les compensations étaient rares ! La   tristesse régna en maître, les courtisans désertèrent le château  et il n'y eut plus de fêtes. Le Prince faisait la tête, la reine tordait le nez.

Seul, Simplet chantait encore : «  Et ho, et ho, je reviens du boulot ! »
Simplet  massait et massait toujours. Bientôt, il n'y eut plus de cellulite à décoller. En conséquences Simplet massa plus doucement, beaucoup plus doucement. C'est alors que de la salle de massages s'éleva un cri profond, puissant  et rythmé : c'était la reine qui décollait !
       

PS : Ne me rat contez pas que ce conte là, vous le connaissez !    

Non, je ne connaissais point ce conte, j'en rougis d'ailleurs à la lecture ! A ne pas mettre dans les mains des petits enfants ni des jeunes filles en fleurs !
Décidément le sujet t'inspire !

ôte moi d'un doute : ne dit-on pas " Blanche-Neige avait hérité du château de son père et du miroir..." ???
Et ton titre : il manque une lettre, corrige vite...

Madame joue la prude !

Encore un conte bien détourné de façon assez osée.
Ne dit on pas : les bons contes font les bons amis?

La prude a corrigé ton titre !!!!
On dit " Merci" qui ?
Quant à toi corrige ton texte !

Merci Maman

Alors là, alors là !!!...

J'ai adoré cette histoire !

Ah là là, même les couples de contes de fées connaissent des problèmes conjugaux, quelle misère (mais c'est quand même plus rigolo pour les lecteurs)

Quel suspense, on attend longtemps pour connaître le mot de la fin, mais ça valait le coup. Blanche Neige prise en main de nain et qui décolle dans les deux ou trois sens du terme, jubilatoire, ainsi que toutes les allusions au monde d’aujourd’hui.
Simplet aurait-il une ascendance thaïlandaise ?
Ataraxie, un petit pléonasme t’a échappé : Tous furent unanimes

Merci pour la remarque; Je n'avais pas vu.

J'apprécie ton intervention, ça permet de progresser.