A - Les portes du pensionnat

Les portes du pensionnat se sont refermées. Ni restent plus que quelques enfants dont les parents ne peuvent s’occuper pendant ces brèves vacances de printemps.

Ils errent comme des âmes en peine.

Une fillette est assise sur une marche du perron. Ses bras enserrent ses genoux, son menton pèse sur ses mains et on devine une mine boudeuse et de grands yeux tristes sous la frange rousse de ses cheveux en désordre.

Un garçonnet du même âge s’approche tout doucement, comme s’il voulait ne pas l’effrayer.

- Bonjour, je peux m’asseoir à côté de toi ?

Sans un mot, la fillette se pousse légèrement pour lui faire de place.

- Moi c’est Raphaël et toi ?

Un vague grommellement sort de sous la tignasse de feu.
- Comment t’as dit ?
- M’appelle Ambre.
- C’est joli comme prénom ça.
- Bof !
- Ben si et il va bien avec tes cheveux.

Un regard furieux traverse la barrière de feu.
- Te moques pas de mes cheveux.
- Je ne me moque pas, je trouve qu’ils sont très beaux.

La fillette se mure à nouveau dans son mutisme. Le petit Raphaël la regarde en coin, il connaît cette fille, il a bien vu que les autres se moquaient d’elle, à cause de ses cheveux, parce qu’elle est mal habillée, des sales pestes celles-là.
- Tu veux jouer ?
- A quoi ?
- Chais-pas ! A chifoumi ?
- T’es nul à ce jeu.
- Même pas vrai !
- Ah que si, tu te fais toujours battre.
- Comment tu sais ça ?

Ambre, à son tour lui glisse un regard en coulisse. La fillette brimée qu’elle est a bien reconnu en lui une âme sœur, ces copains si on peut les appeler comme ça n’arrêtent pas de l’embêter Raphaël, ils lui font des croche-pieds, font tomber ses affaires et se moquent de lui parce que comme elle, il n’y a personne qui vient le chercher pour les petites vacances.

- Tu sais pas jouer, j’ai bien vu.
- Ouais, bon d’accord. Qu’est ce je fais de mal ?
- Tu fais toujours le même signe que celui qui a gagné le coup d’avant, alors forcément ils ont compris et ils savent comment te faire perdre.
- C’est vrai, mais tu sais j’aime pas vraiment jouer avec eux.
- Pourquoi tu le fais alors ?
- Pour pas être tout seul dans mon coin.

Ambre soupire, c’est bien pour ça aussi qu’elle accepte de subir les moqueries de ses prétendues copines.
Raphaël se tortille un peu et tout de go se décide.

- J’aimerais bien qu’on soit ami tous les deux.
- J’ai pas d’ami, les autres me disent que quant on est moche comme moi on peut pas avoir d’ami.
- T’es pas moche et si tu souriais tu serais très jolie même.

Après cette sortie Raphaël pique un fard, sûr qu’Ambre va l’envoyer balader.
- J’ai pas envie de sourire et j’ai pas envie de rire non plus.
- Pourquoi ?
- Parce que personne ne veut de moi.
- Tu sais moi je veux bien de toi et si tu veux être mon amie et m’apprendre à jouer à Chifoumi, moi je suis sûr que je te ferai rire.

Les deux enfants se regardent. Une amitié, une vraie, est en train de naître.
Raphaël pense, un jour je jouerais mieux.
Ambre se dit, un jour j’apprendrais à rire.