A- Penses y avant de fuir
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Amanda
Cassy
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A- Penses y avant de fuir
16 avril 1917 : Je m’appelle Traore, je viens du Sénégal et me voilà sur le chemin des Dames. Je sers de chair à canon sur ces crêtes inhospitalières. J’ai peur, j’ai froid et je vais bientôt tomber sous le feu des mitraillettes allemandes. Tout comme ces milliers de tirailleurs sénégalais, je vais crever ici et ce pays, la France va oublier jusqu’à mon existence.
16 février 1939 : Je m’appelle Consuela, Je fuis le régime franquiste, mon enfant dans les bras. Devant moi se dresse la chaîne des Pyrénées que nous allons devoir franchir à pied. Je laisse derrière moi mon passé et trois ans de combats et de privations. Combien, parmi les milliers de réfugiés qui m’accompagnent, combien sortiront vivants de ces montagnes enneigées.
16 juin 1940 : Je m’appelle Jacques, je quitte précipitamment Paris, avec femme et enfants, pour rejoindre la zone libre. Sur la route de tous les dangers, des voitures, des vélos, des charrettes et des centaines de gens qui fuient l’avancée des troupes allemandes. Au-dessus de nos têtes, des avions mitrailleurs qui tirent sur les convois. Des enfants tombent, des mères hurlent, des hommes prient.
16 juin 1942 : Je m’appelle Sarah, je quitte la France, mes parents, ma vie entière. Je traverse les Pyrénées, sans papiers, sans espoir. De l’autre côté c’est l’Espagne. Si j’y parviens, je garderai précieusement mon étoile sur mon cœur, pour me souvenir de la noirceur de certains hommes.
16 octobre 1962 : Je m’appelle Jean-Pierre. Le 5 juillet 1962, à Oran, j’ai vu mon frère Pierre tombé sous les balles de l’OAS. Ce jour-là j’ai pleuré pour la première fois de ma vie d’adulte. Et me voilà aujourd’hui sur ce paquebot surchargé, deux valises à mes pieds. Je laisse derrière moi mon pays natal, ma maison, ma vie. Ce qui m’attend à Marseille ? L’inconnu, le déracinement et cette impression de n’être ni de là, ni d’ailleurs.
16 octobre 1975 : Je m’appelle Maï Ly, en mer de chine, sur un bateau sans âge, je serre contre moi mon baluchon. Je pleure ma terre, les rizières me manquent et j’ai le mal de mer. Je rêve d’Amérique et de liberté.
9 novembre 1989 : Je m’appelle Angela et je pleure de joie. Je suis née ici, en Allemagne de l’Est et je n’ai connu que ce mur qui m’empêche de circuler librement dans Berlin. Cette nuit, on a joué de la musique et le mur s’est ouvert sur ma nouvelle vie. Le mur est tombé, sans arme, sans haine. Cette nuit, je danserai avec mes frères de l’Ouest.
16 avril 1994 : Je m’appelle Rehema et je fuis mes semblables. J’ai vu ma famille massacrée sous mes yeux. Ils parlent la même langue que moi, ils ont la même religion que moi, et pourtant ils me traquent pour me tuer. Je hais les colonisateurs qui ont fait de nous, Tutsi, des cibles de choix pour les Hutus. Sur ma terre rwandaise coule des rivières de sang.
16 juin 1998 : Je m’appelle Shaban et je suis Albanais. Je fuis en voiture avec femme et enfants. Je roule sur cette route de montagne, abrupte et non goudronnée. Mon village a été transformé en champs de bataille. Les soldats serbes sont partout. Ils massacrent, violent et terrorisent. De l’autre côté c’est le Monténégro, là où c’est la paix.
Le siècle s’achève sur un nouveau conflit. N’espérez pas que le prochain en soit épargné. Tant qu’il y aura des hommes, il y aura des guerres.
Ici aujourd’hui on ouvre des frontières, là on en ferme. Ici aujourd’hui on monte des murs, là on détruit des barrières. Ces migrants là seront accueillis, ceux-là seront renvoyés. Ta couleur de peau, ton origine, ta religion feront de toi un chanceux ou un paria. Penses y avant de fuir.
Il y aura toujours des fous pour construire des murs et des utopistes pour les détruire.
Il y aura toujours des frontières infranchissables et des désespérées pour essayer de les franchir.
Il y aura toujours des puissants pour dominer et des rêveurs pour une vie meilleure.
16 février 1939 : Je m’appelle Consuela, Je fuis le régime franquiste, mon enfant dans les bras. Devant moi se dresse la chaîne des Pyrénées que nous allons devoir franchir à pied. Je laisse derrière moi mon passé et trois ans de combats et de privations. Combien, parmi les milliers de réfugiés qui m’accompagnent, combien sortiront vivants de ces montagnes enneigées.
16 juin 1940 : Je m’appelle Jacques, je quitte précipitamment Paris, avec femme et enfants, pour rejoindre la zone libre. Sur la route de tous les dangers, des voitures, des vélos, des charrettes et des centaines de gens qui fuient l’avancée des troupes allemandes. Au-dessus de nos têtes, des avions mitrailleurs qui tirent sur les convois. Des enfants tombent, des mères hurlent, des hommes prient.
16 juin 1942 : Je m’appelle Sarah, je quitte la France, mes parents, ma vie entière. Je traverse les Pyrénées, sans papiers, sans espoir. De l’autre côté c’est l’Espagne. Si j’y parviens, je garderai précieusement mon étoile sur mon cœur, pour me souvenir de la noirceur de certains hommes.
16 octobre 1962 : Je m’appelle Jean-Pierre. Le 5 juillet 1962, à Oran, j’ai vu mon frère Pierre tombé sous les balles de l’OAS. Ce jour-là j’ai pleuré pour la première fois de ma vie d’adulte. Et me voilà aujourd’hui sur ce paquebot surchargé, deux valises à mes pieds. Je laisse derrière moi mon pays natal, ma maison, ma vie. Ce qui m’attend à Marseille ? L’inconnu, le déracinement et cette impression de n’être ni de là, ni d’ailleurs.
16 octobre 1975 : Je m’appelle Maï Ly, en mer de chine, sur un bateau sans âge, je serre contre moi mon baluchon. Je pleure ma terre, les rizières me manquent et j’ai le mal de mer. Je rêve d’Amérique et de liberté.
9 novembre 1989 : Je m’appelle Angela et je pleure de joie. Je suis née ici, en Allemagne de l’Est et je n’ai connu que ce mur qui m’empêche de circuler librement dans Berlin. Cette nuit, on a joué de la musique et le mur s’est ouvert sur ma nouvelle vie. Le mur est tombé, sans arme, sans haine. Cette nuit, je danserai avec mes frères de l’Ouest.
16 avril 1994 : Je m’appelle Rehema et je fuis mes semblables. J’ai vu ma famille massacrée sous mes yeux. Ils parlent la même langue que moi, ils ont la même religion que moi, et pourtant ils me traquent pour me tuer. Je hais les colonisateurs qui ont fait de nous, Tutsi, des cibles de choix pour les Hutus. Sur ma terre rwandaise coule des rivières de sang.
16 juin 1998 : Je m’appelle Shaban et je suis Albanais. Je fuis en voiture avec femme et enfants. Je roule sur cette route de montagne, abrupte et non goudronnée. Mon village a été transformé en champs de bataille. Les soldats serbes sont partout. Ils massacrent, violent et terrorisent. De l’autre côté c’est le Monténégro, là où c’est la paix.
Le siècle s’achève sur un nouveau conflit. N’espérez pas que le prochain en soit épargné. Tant qu’il y aura des hommes, il y aura des guerres.
Ici aujourd’hui on ouvre des frontières, là on en ferme. Ici aujourd’hui on monte des murs, là on détruit des barrières. Ces migrants là seront accueillis, ceux-là seront renvoyés. Ta couleur de peau, ton origine, ta religion feront de toi un chanceux ou un paria. Penses y avant de fuir.
Il y aura toujours des fous pour construire des murs et des utopistes pour les détruire.
Il y aura toujours des frontières infranchissables et des désespérées pour essayer de les franchir.
Il y aura toujours des puissants pour dominer et des rêveurs pour une vie meilleure.
Cassy- Admin
- Humeur : Emotionnellement vivante
Re: A- Penses y avant de fuir
Très intéressant récapitulatif, ce tableau des migrants.
Très juste conclusion aussi, difficile de rester optimiste cependant.
Reste l'humour : si Eve n'avait pas croqué la pomme, Adam et elle n'auraient pas été chassés du Paradis terrestre.
Ah, les femmes par qui tout arrive !!!
Très juste conclusion aussi, difficile de rester optimiste cependant.
Reste l'humour : si Eve n'avait pas croqué la pomme, Adam et elle n'auraient pas été chassés du Paradis terrestre.
Ah, les femmes par qui tout arrive !!!
Amanda- Humeur : positivement drôle
Re: A- Penses y avant de fuir
Un constat de tous les temps, hélas, que ce cycle incessant de tenter d'exister entre deux guerres, entre deux conflits, entre deux déchirements de fratrie, entre deux querelles de couples et de réconciliations, etc., etc.
J'entendais il y a peu à la radio que l'on se croyait (notre génération) vivre désormais en paix en Europe. C'était oublier qu'on n'est jamais en paix, mais sans cesse « entre deux guerres ». Le conflit armé en Ukraine vient de nous le rappeler, il va durer encore des mois et des années et peut-être dégénérer mondialement.
Dans le temps on disait « la loi de la jungle ». Finalement nous ne sommes que des animaux qui se considèrent supérieurs, mais ne font que perpétuer le cycle animalier basique de naître, vivre, puis s'entre-tuer et recommencer.
La vie serait formidable si on apprenait à s'aimer !… Mais ça c'est la part du rêve…
J'entendais il y a peu à la radio que l'on se croyait (notre génération) vivre désormais en paix en Europe. C'était oublier qu'on n'est jamais en paix, mais sans cesse « entre deux guerres ». Le conflit armé en Ukraine vient de nous le rappeler, il va durer encore des mois et des années et peut-être dégénérer mondialement.
Dans le temps on disait « la loi de la jungle ». Finalement nous ne sommes que des animaux qui se considèrent supérieurs, mais ne font que perpétuer le cycle animalier basique de naître, vivre, puis s'entre-tuer et recommencer.
La vie serait formidable si on apprenait à s'aimer !… Mais ça c'est la part du rêve…
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"Écrire, c'est brûler vif, mais aussi renaître de ses cendres. "
Blaise Cendrars
ICI : Le Blog d'AlainX
alainx- Humeur : ça va ! et vous ?
Re: A- Penses y avant de fuir
Terrible constat d'exodes de dates en dates, de frontières en frontières et ça ne finit jamais. La conclusion est terriblement vraie.
Myrte- Humeur : Curieuse
RE A : Penses y avant de fuir
Quand j'étais petite , j'étais persuadée qu'il n'y aurait plus jamais de guerre puisqu'on parlait de " la dernière guerre " , je pensais que les hommes étaient devenus plus intelligents et arriveraient à négocier pour éviter les conflits afin que tous les pays pays vivent en paix , hélas à l'automne de ma vie je réalise qu'il y aura toujours des guerres malgré les souffrances engendrées .
automne- Humeur : égale
Re: A- Penses y avant de fuir
Une litanie prenante! Et ta conclusion est lucide malheureusement.
Sherkane
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