A Lettre d'amour
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A Lettre d'amour
nouvelle
Mon petit, mon chéri,
Mon petit, mon chéri,
Voici déjà trois mois que la maison ne bruisse plus de tes rires. Un silence oppressant envahit l'espace, alors, comme pour tenter de faire s'écouler le temps plus vite, il m'est venu une nouvelle passion : le ménage ! Je t'en prie, ne ris pas ! J'essaye de m'occuper, cependant il ne se passe pas une heure sans que je ne pense à toi et quoi que je fasse, mon coup de chiffon obstiné me conduit toujours à ta chambre où ton absence se fait douloureusement insupportable. Quand arrive le soir, c'est plus fort que moi, j'entends tes pas dans l'escalier, je regarde alors la porte et j'attends que tu l'ouvres. Non, je ne suis pas devenue folle et je sais bien que tu ne vas pas rentrer pour dîner; ça c'est mon intelligence qui me le dit mais mon coeur, lui, ne veut rien savoir, tu es tellement présent qu'il se joue de la .pauvre femme que je suis devenue. Ô, mon fils, je n'en peux plus, tu me manques tellement ! Pourtant, je n'oublie pas combien tu pouvais parfois m'énerver. Tes manies, ton désordre et surtout tes mensonges ! Ah, tes mensonges ! Je ne les ai jamais supportés. Je me demande comment tu pouvais me raconter de telles histoires quand tu savais très bien qu'il me suffisait de te regarder pour comprendre que tu ne me disais pas la vérité ! L'angoisse annonciatrice de nouveaux problèmes m'étreignait. Mais laissons ça, veux-tu, c'est du passé et parlons d'autre chose.
Depuis quelque temps, Sandra vient me rendre visite régulièrement. J'avoue que je ne l'appréciais guère au début lorsque tu as commencé à l'amener à la maison. Sottement, je pensais qu'elle n'était pas de notre milieu ( Ton père disait que j'étais un peu snob ! Il avait raison. ). Ses cheveux blonds décolorés, ses jupes trop courtes lui donnaient un air vulgaire. En fait, peut-être étais-je surtout jalouse ? Avais-je peur qu'elle me sépare de toi ? L'amour d'une mère n'est pas toujours aussi grand qu'il devrait l'être ! Mais, maintenant, j'ai appris à aller à l'essentiel, à regarder derrière l'apparence, grâce à quoi j'ai pu découvrir chez ton amie une riche et généreuse personnalité. Tout est devenu simple : tu l'aimais... je l'aime. Lorsqu'elle arrive après son travail, nous allons nous installer dans ta chambre. Elle s'assied devant ton bureau et moi dans ton horrible fauteuil noir et blanc que mille fois, j'aurais souhaité porter à la déchetterie. Nous sortons un ou deux albums photos, alors avec plaisir, nous égrainons nos souvenirs. Étonnées, parfois nous découvrons qu'il y a des aspects de toi que nous ignorions jusque là. Je ne te savais pas si tendre, elle ne te connaissait pas bougon. Lorsque Sandra dispose d'un peu plus de temps, nous écoutons ensemble un de tes C.D. Tu te rends compte Emmanuel, cette petite jeune fille est capable de me faire découvrir une musique que, hier encore, je rejetais en bloc ! C'est une charmeuse ! Mais ça, mon fils, tu le sais mieux que moi. Enfin, tu devines que ses visites me sont devenues précieuses. Parler de toi nous apaise et nous redonne courage. Pour un temps, ton absence devient plus légère à supporter... pour un temps seulement !
L'autre jour, lassée de tourner en rond dans notre appartement et poussée par le beau soleil de mai, j'ai décidé d'aller jusqu'au parc. Tu te souviens Emmanuel, c'est là que tu as appris à faire du vélo. Je me suis assise sur le banc devant l'étang et je souriais en pensant à toi. Je te revoyais si heureux tournant et retournant autour de moi, fier de ton nouveau savoir-faire ; quand, tout à coup, arrachée à mes pensées, j'ai levé les yeux vers l'allée qui mène au kiosque à musique et là, j'ai aperçu de dos un jeune homme qui avait à peu près la même taille que toi mais surtout la même démarche. Mon coeur s'est emballé jusqu'aux franges de la douleur. Et si ... ? Et si c'était toi mon fils, mon amour ? Tu ne m'aurais rien dit, tu aurais voulu me faire la surprise, tu serais revenu plus tôt que prévu... Alors folle d'espérance, folle de rêves, je me suis précipitée vers le jeune homme. J'aurais voulu t'appeler, te crier de m'attendre. Lorsque je suis enfin parvenue à sa hauteur, essoufflée, j'ai dû m'appuyer contre un arbre, le monde a vacillé quelques instants. Et l'inconnu a continué son chemin ignorant ma souffrance.
Oui, je sais, je ne devrais pas me plaindre. Après tout, moi je suis libre de faire ce que je veux. Je pourrais aller au cinéma, voir des amies ou bien encore participer à un voyage organisé. Tu te rappelles quand je t'avais parlé du Népal ? Tu t'étais moqué de moi en disant : « Alors maman, toi aussi, tu vas fumer de l'herbe ? » Or de tout cela, mon fils, je n'en ai pas envie. Depuis ton départ, rien ne m'intéresse à part toi; j'étais femme toujours en partance vers de nouveaux projets. Désormais, je suis mère immobile, figée dans ton passé, en attente de tes rares lettres toutes grises et monotones où l'espérance ténue se situe dans un lointain que je ne connaîtrai peut-être pas.
Mais bientôt, mon fils, le train m'emmènera enfin vers toi et une fois parvenue à destination, même si les barreaux de la prison de Clairvaux nous séparent, mes larmes éclairées par ton sourire, n'estomperont pas le bonheur d'être près de toi. J'oublierai à nouveau les raisons qui t'ont conduit dans cet enfer et ces policiers qui t'ont arraché à moi; tu ne seras plus que cet enfant aimé.
Ta maman
C'était du temps où j'écrivais des nouvelles
Depuis quelque temps, Sandra vient me rendre visite régulièrement. J'avoue que je ne l'appréciais guère au début lorsque tu as commencé à l'amener à la maison. Sottement, je pensais qu'elle n'était pas de notre milieu ( Ton père disait que j'étais un peu snob ! Il avait raison. ). Ses cheveux blonds décolorés, ses jupes trop courtes lui donnaient un air vulgaire. En fait, peut-être étais-je surtout jalouse ? Avais-je peur qu'elle me sépare de toi ? L'amour d'une mère n'est pas toujours aussi grand qu'il devrait l'être ! Mais, maintenant, j'ai appris à aller à l'essentiel, à regarder derrière l'apparence, grâce à quoi j'ai pu découvrir chez ton amie une riche et généreuse personnalité. Tout est devenu simple : tu l'aimais... je l'aime. Lorsqu'elle arrive après son travail, nous allons nous installer dans ta chambre. Elle s'assied devant ton bureau et moi dans ton horrible fauteuil noir et blanc que mille fois, j'aurais souhaité porter à la déchetterie. Nous sortons un ou deux albums photos, alors avec plaisir, nous égrainons nos souvenirs. Étonnées, parfois nous découvrons qu'il y a des aspects de toi que nous ignorions jusque là. Je ne te savais pas si tendre, elle ne te connaissait pas bougon. Lorsque Sandra dispose d'un peu plus de temps, nous écoutons ensemble un de tes C.D. Tu te rends compte Emmanuel, cette petite jeune fille est capable de me faire découvrir une musique que, hier encore, je rejetais en bloc ! C'est une charmeuse ! Mais ça, mon fils, tu le sais mieux que moi. Enfin, tu devines que ses visites me sont devenues précieuses. Parler de toi nous apaise et nous redonne courage. Pour un temps, ton absence devient plus légère à supporter... pour un temps seulement !
L'autre jour, lassée de tourner en rond dans notre appartement et poussée par le beau soleil de mai, j'ai décidé d'aller jusqu'au parc. Tu te souviens Emmanuel, c'est là que tu as appris à faire du vélo. Je me suis assise sur le banc devant l'étang et je souriais en pensant à toi. Je te revoyais si heureux tournant et retournant autour de moi, fier de ton nouveau savoir-faire ; quand, tout à coup, arrachée à mes pensées, j'ai levé les yeux vers l'allée qui mène au kiosque à musique et là, j'ai aperçu de dos un jeune homme qui avait à peu près la même taille que toi mais surtout la même démarche. Mon coeur s'est emballé jusqu'aux franges de la douleur. Et si ... ? Et si c'était toi mon fils, mon amour ? Tu ne m'aurais rien dit, tu aurais voulu me faire la surprise, tu serais revenu plus tôt que prévu... Alors folle d'espérance, folle de rêves, je me suis précipitée vers le jeune homme. J'aurais voulu t'appeler, te crier de m'attendre. Lorsque je suis enfin parvenue à sa hauteur, essoufflée, j'ai dû m'appuyer contre un arbre, le monde a vacillé quelques instants. Et l'inconnu a continué son chemin ignorant ma souffrance.
Oui, je sais, je ne devrais pas me plaindre. Après tout, moi je suis libre de faire ce que je veux. Je pourrais aller au cinéma, voir des amies ou bien encore participer à un voyage organisé. Tu te rappelles quand je t'avais parlé du Népal ? Tu t'étais moqué de moi en disant : « Alors maman, toi aussi, tu vas fumer de l'herbe ? » Or de tout cela, mon fils, je n'en ai pas envie. Depuis ton départ, rien ne m'intéresse à part toi; j'étais femme toujours en partance vers de nouveaux projets. Désormais, je suis mère immobile, figée dans ton passé, en attente de tes rares lettres toutes grises et monotones où l'espérance ténue se situe dans un lointain que je ne connaîtrai peut-être pas.
Mais bientôt, mon fils, le train m'emmènera enfin vers toi et une fois parvenue à destination, même si les barreaux de la prison de Clairvaux nous séparent, mes larmes éclairées par ton sourire, n'estomperont pas le bonheur d'être près de toi. J'oublierai à nouveau les raisons qui t'ont conduit dans cet enfer et ces policiers qui t'ont arraché à moi; tu ne seras plus que cet enfant aimé.
Ta maman
C'était du temps où j'écrivais des nouvelles
Ataraxie- Humeur : Changeante
Re: A Lettre d'amour
Je me suis permis de "justifier ton texte" pour le rendre plus agréable à la lecture.
Tu entretiens très bien le suspens.
D'abord ce premier chapitre où je reconnais dans la douleur de cette femme, ma propre douleur depuis que mon dernier est parti de la maison: ce pas dans l'escalier qu'on attend et qui ne vient pas, les souvenirs qui affluent, les caractères qui se font jour.
Dans le second chapitre, on pense au pire. L'enfant est mort, la mère se désespère et joins sa douleur à celle de la jeune fille qui a perdu l'amour de sa vie.
Le troisième chapitre nous révèle ce qu'est devenu le jeune home et de fait, tous les morceaux s'imbriquent les uns aux autres. On comprend alors pourquoi la mère parle de mensonge, de jeune fille "vulgaire" etc....
C'est très bien amené
Tu entretiens très bien le suspens.
D'abord ce premier chapitre où je reconnais dans la douleur de cette femme, ma propre douleur depuis que mon dernier est parti de la maison: ce pas dans l'escalier qu'on attend et qui ne vient pas, les souvenirs qui affluent, les caractères qui se font jour.
Dans le second chapitre, on pense au pire. L'enfant est mort, la mère se désespère et joins sa douleur à celle de la jeune fille qui a perdu l'amour de sa vie.
Le troisième chapitre nous révèle ce qu'est devenu le jeune home et de fait, tous les morceaux s'imbriquent les uns aux autres. On comprend alors pourquoi la mère parle de mensonge, de jeune fille "vulgaire" etc....
C'est très bien amené
Cassy- Admin
- Humeur : Emotionnellement vivante
Re: A Lettre d'amour
Une nouvelle bien ciselée.
On ne sait pas vers quoi on s'en va. Plusieurs hypothèses sont possibles…
et puis la fin…
Tu écris à la fin : « du temps où j'écrivais des nouvelles »
eh bien ce serait bien que ce temps-là ressuscite !
On ne sait pas vers quoi on s'en va. Plusieurs hypothèses sont possibles…
et puis la fin…
Tu écris à la fin : « du temps où j'écrivais des nouvelles »
eh bien ce serait bien que ce temps-là ressuscite !
alainx- Humeur : ça va ! et vous ?
Re: A Lettre d'amour
Au début de la lecture de ton texte j'ai pensé au départ normal de la maison d'un fils devenu adulte, puis, au fil des mots, j'ai trouvé que la douleur était excessive pour un simple départ, j'ai pensé à la mort bien sur, surtout avec cette jeune-fille qui passe pour évoquer des souvenirs, regarder des photos... Mais enfin, à la fin, le mystère est dévoilé. Après coup, je me dis que, quand même, cela ressemble plus à un deuil et je pense que c'était l'effet voulu pour dérouter, mais qu'en est-il des sentiments que l'on peut éprouver quand un fils est emprisonné ? J'imagine de la culpabilité de n'avoir pas bien fait, de ne pas avoir anticipé... Ou bien est-ce plus facile de ne pas en parler...
Myrte- Humeur : Curieuse
Re: A Lettre d'amour
Ataraxie, au-delà des différents " épisodes" où tu nous mènes sur de fausses pistes et cela avec habileté, je te dirai que je ne retiens que la fin, les larmes mais aussi le bonheur de retrouver ce fils quoi qu'il ait fait.
Une mère teste toujours une mère...
J'aime bien lire tes nouvelles, j'en ai lu déjà, je voudrais que tu continues à nous en régaler ici !
Une mère teste toujours une mère...
J'aime bien lire tes nouvelles, j'en ai lu déjà, je voudrais que tu continues à nous en régaler ici !
Amanda- Humeur : positivement drôle
Re: A Lettre d'amour
Je suis allée de questionnement en questionnement, mais qu'est devenu ce fils tant chéri, j'ai souffert avec cette mère, je me suis inquiétée, et enfin, le dénouement... auquel je ne m'attendais pas...
Très bien écrit, Ataraxie !
Très bien écrit, Ataraxie !
_________________
Ne méprisez la sensibilité de personne. La sensibilité de chacun, c'est son génie.
(Charles Baudelaire)
FrançoiseB- Humeur : Positive
Re: A Lettre d'amour
Comme d'habitude avec toi, la fin me surprend!
Zephyrine- Humeur : Parfois bizarre
Re: A Lettre d'amour
C'est vrai qu'on est proche de sentiments déclenchés par le deuil, mais le dénouement nous fait deviner que probablement la peine d'enfermement a une très longue durée. Pourtant le fils n'a fait que des bêtises! Une nouvelle bien écrite.
Virgul- Humeur : Optimiste
Re: A Lettre d'amour
Bravo Ataraxie
Que rajouter de plus ?
Cassy a bien décrit le chemin que tu fais emprunter à tes lecteurs avides , les bringuebalant d’idee De départ à celle de deuil pour en arriver via la case prison à l’amour inconditionnel d une mère .
AlainX et d’autres dont moi, te demandons de te remettre aux nouvelles pour lesquelles visiblement tu as un talent incontesté
Et cerise sur ton écrit :
Il me donne l envie d aller fouiller pour connaître les règles des nouvelles , parce que ça démange bien un peu 👍🏻😁
Que rajouter de plus ?
Cassy a bien décrit le chemin que tu fais emprunter à tes lecteurs avides , les bringuebalant d’idee De départ à celle de deuil pour en arriver via la case prison à l’amour inconditionnel d une mère .
AlainX et d’autres dont moi, te demandons de te remettre aux nouvelles pour lesquelles visiblement tu as un talent incontesté
Et cerise sur ton écrit :
Il me donne l envie d aller fouiller pour connaître les règles des nouvelles , parce que ça démange bien un peu 👍🏻😁
EVA AlixXXL- Humeur : Égale
Re: A Lettre d'amour
Très belle lettre ! Au fil de la lecture j'ai eu peur de lire le pire, ouf "seulement" la prison !
_________________
Martine27
Martine27- Humeur : Carpe diem ou Souris quand même
Re: A Lettre d'amour
Je rejoins tous les kaléidoplumiens lorsqu'ils disent avoir pensé au décès.
Ca a réveillé en moi des sentiments très forts. J'ai été véritablement chamboulée.
Ca a réveillé en moi des sentiments très forts. J'ai été véritablement chamboulée.
Invité- Invité
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