A. Le mot de ma mère

Lorsque ma mère se mettait à sa machine à coudre, c’était un moment grave, il valait mieux ne pas être trop près d’elle. Quand son travail se passait bien, ça allait, nous pouvions même l’entendre chantonner mais ce n’était pas toujours le cas. Je l’ai appris plus tard à mes dépends, une machine à coudre c’est capricieux et il faut beaucoup de patience pour l’aborder.

Souvent, la Singer à pédales de ma mère lui faisait de mauvaises farces et, alors que le ronron du mécanisme accompagnait nos jeux d’enfants, soudain  tout s’arrêtait et ma mère s’écriait : « Encore un coulcousit ! »

J’ai toujours pensé que c’était un mot qu’elle avait inventé. Elle en inventait beaucoup. Mais celui-là revenait souvent. Un coulcousit c’était lorsque la machine s’enrayait, on ne sait pas pour quelle raison, et qu’au lieu d’un point bien régulier elle se mettait à faire un paquet de fils embrouillés que ma mère mettait un temps fou à défaire.

De rage, souvent elle jetait le vêtement qu’elle était en train de coudre à travers la pièce et il valait mieux se faire discret.

Le mot était entré dans notre langage courant pour désigner tout ce qui était mal réalisé et contrariant.

« Qu’est-ce que c’est que ce coulcousit ? »

Je l’utilise souvent encore aujourd’hui.

Or, après une petite recherche sur le web, j’ai découvert à ma grande surprise que ce n’était pas ma mère qui l’avait inventé ! Le mot est répertorié dans une longue liste d’expressions du dialecte algérois d’origine souvent espagnole ou arabe. Ma mère est née en Algérie française de parents espagnoles et elle avait du entendre ce mot petite.



J’espère que vous ne m’en voudrez pas d’avoir légèrement contourné la consigne mais j’avais envie de vous parler de ce mot.