A. Si j'étais Armand...

Eté 1880.

Dissimulé derrière un arbre, Mathieu observe Sophie et Armand, les enfants de monsieur le Comte : assis sur la grande pelouse devant le château, ils jouent à " Pierre, feuille, ciseaux "
Mathieu a 10 ans, à peu près le même âge qu'eux.
Son père est palefrenier, sa mère est cuisinière. Ils habitent dans une petite maison à l'entrée du domaine.

Malgré son jeune âge, Mathieu travaille toute la journée. Monsieur le Comte le trouve futé, courageux, débrouillard.
Il nourrit les bêtes, balaie les box, rentre le bois coupé dans la remise et parfois son père lui permet de bouchonner les chevaux.
Il lui arrive de se comparer aux enfants du château vêtus avec soin, riant de bon coeur à longueur de journée alors que lui, quand il rigole on lui dit : "Cesse de faire l'imbécile!"
Après tout, ce n'est pas tellement qu'il les envie, il a l'impression qu'ils sont bien moins libres que lui. Un précepteur leur donne cours plusieurs heures par jour pendant que lui reste au bon air à profiter de la nature.

Cela fait un bon moment qu'il devrait avoir amené des seaux d'eau pour abreuver les chevaux. Si son père l'attrapait à rêvasser, il recevrait une fameuse taloche!
Il ne peut quitter des yeux les enfants du châtelain qui tout à coup s'aperçoivent de sa présence.
Mathieu se rend compte qu'ils parlent à voix basse, se moquent de lui, de sa casquette vissée sur la tête, de ses vêtements rapiécés, de ses grosses chaussures boueuses... Ils éclatent de rire et se remettent à jouer :  " Pierre, feuille, ciseaux..." ce jeu que Mathieu connaît bien puisqu'il y joue parfois avec le fils du jardinier. Il perd souvent la partie, il a l'impression qu'il pourrait s'améliorer.

Il fait chaud à présent et une servante apporte de la limonade a Sophie et Armand.
Mathieu s'éloigne, il a soif lui aussi, il se rend au puit où il trouvera de l'eau bien fraîche.
Tout le long du chemin il se pose des questions :
" Est-ce que je souhaiterais un jour porter un costume élégant, des souliers vernis, avoir les ongles bien propres et les cheveux bien coiffés? "
"Est-ce qu'un jour, je voudrais être un autre garçon?
Et pour autant, est-ce qu'un jour je jouerais mieux, est-ce qu'un jour j'apprendrais à rire? "

C'est une belle description d'enfants d'un monde différent , les enfants des employés ne semblent pourtant pas envier ceux du comte ,c'était une autre époque .

Tu me fais penser à " Maîtres et Valets" tant tu décris bien la différence, le fossé entre deux mondes.
C'est vrai que tu as réussi l'exploit de mettre l'excipit de manière tout à fait naturelle.
J'aimerais bien avoir les réponses aux questions de Mathieu, ce qu'il est devenu, tu m'intrigues...
Dans une autre consigne peut-être ?

Mathieu est le trisaieul de mon mari. J'ai reconstitué son histoire grâce à la généalogie.
Il était très jeune quand ses parents sont morts et "monsieur le Comte" à accepté d'être son tuteur.
Quand il s' est marié, on peut voir sur l'acte de mariage une croix en guise de signature...

Merci Amanda pour ton gentil commentaire.

Même s'il est d'un rang dit inférieur, le petit Mathieu semble heureux et épanoui et ton texte pose la question sur le bonheur quelque soit ce rang... En plus c'est un épisode d'une histoire familiale, ça rend ton texte d'autant plus attachant.

Même s'il est d'un rang dit inférieur, le petit Mathieu semble heureux et épanoui et ton texte pose la question sur le bonheur quelque soit ce rang... En plus c'est un épisode d'une histoire familiale, ça rend ton texte d'autant plus attachant.

Un joli texte qui donne à réfléchir. Presque une sorte de conte. Plein de sensibilité et d'observation fine.
J'ai beaucoup aimé.
En plus je vois dans les commentaires que s'est fondé sur des faits historiques. C'est d'autant plus prenant.
Enfin on peut se demander lequel des trois enfants et le plus heureux ? Ce n'est pas toujours celui ou ceux que l'on croit.

J'ai surtout aimé le fait que ces enfants de conditions aussi différentes jouent au même jeu.

Ce que je trouve remarquable c'est la maturité de Mathieu qui se rend compte que sa vie n'est pas toute rose, qu'il y a des différences, mais que sa vie a du bon aussi, et surtout que lui dispose de qqc que les autres n'ont pas, une certaine liberté, la faculté de s'interroger et donc de choisir.