A. Avec maman

Maman, j’aimerais m’asseoir cinq minutes avec toi sur ce banc de bois, dans les couleurs de l’automne, au milieu des feuilles mortes, face à ce lac paisible. Cinq minutes pour bavarder de tout et de rien, nous raconter un peu. Parler du temps qui passe dans les rayons rasants du soleil qui s’éteint doucement derrière les arbres. Parler et puis rire et peut-être pleurer en dedans, sans se le montrer. Parler, nos mains posées là. Regarder les gens qui passent sans nous voir et ceux qui nous sourient. Ne rien attendre, juste être ensemble et se taire parfois. Entendre le clapotis des canards et leurs cris au loin. Sentir la brise légère dans le feuillages fragile. Prendre ta main pour la réchauffer. Te regarder à la dérobée, tes grands yeux perdus, ta tête penchée de côté. Etre assises là ensemble, se dire que c’est peut-être la dernière fois et ne pas vouloir y penser. Faire durer ce moment car tu voudrais qu’il dure toujours, puis dire : faisons quelques pas pour se rapprocher de ta chambre. Te tenir le bras. Te sentir si petite. Parler du départ jusqu’à la prochaine fois qui parait si lointaine. Prendre un air détaché pour ne pas flancher. Essayer de rire sur des bêtises pour te réconforter.  Et puis dire au-revoir et serrer les dents pour retenir les larmes.