A. Le passé en pleine face

Pierre, Paul, Jacques, trois gones du même village. Inséparables, toujours prêts pour une bêtise. Chaparder les cerises du père Meulan, faire exploser des pétards dans les bouses de vaches, se moquer des gros bidulards arrivant l’été, emmener les gosses de la ville à la chasse au dahu, fumer des brins de paille, boire le lait à même le pis de la vache, exhiber en riant une couleuvre devant les filles. Pleins de vie, pleins d’allant, le rire jamais loin. De joyeux farceurs.

Des années plus tard, les mêmes aussi inséparables. Les virées en boite, les fêtes foraines, la drague, les petites amies. Pleins de vie, pleins d’allant, le rire jamais loin. Et puis… plus rien. Le trio s’est dissous. Que s’est-il passé ? Plus aucun contact entre eux pendant des années. Jusqu’à ce soir…

Ils sont là, dans le recoin sombre d’un café. Qui est Pierre, qui est Paul, qui est Jacques, personne ne le sait. Les visages fermés, des coups d’œil anxieux autour d’eux, des mains qui tirent nerveusement sur une cigarette. A peine s’ils touchent à leur bière. On est bien loin du trio déluré de l’enfance. Une main, (laquelle ? Celle de Pierre ? de Paul ? de Jacques ?) qui tire une photo de sa poche et la pose sur la table. Une autre main qui dépose une autre photo et la troisième main une troisième photo. Toutes les mêmes à un détail près. Ils sont quatre sur les photos. Une fille et eux trois, les trois garçons pleins de vie, pleins d’allant, le rire jamais loin. Et sur chaque photo, une croix rouge sur un des garçons. Un signe de mort.

Ils parlent à voix basse. Un débit haché, des silences lourds. La fille ils la reconnaissent. Ils n’ont pas oublié. Pas oublié cette soirée, ce retour de leur virée en boite. Cette fille qu’ils ont aguichée ou qui les a aguichés. Ils ne savent plus trop. Cet arrêt dans la forêt, les hormones qui les travaillent. Les cris de la fille alors qu’ils jouissent.
Ils n’ont pas oublié leur honte le lendemain, leur peur d’être dénoncés. La fille, ils ne savent pas ce qu’elle est devenue. Ils n’ont plus osé se regarder en face, se retrouver ensemble. Alors tacitement ils se sont séparés, perdus de vue.

Mais ce soir le passé leur revient en pleine face !

Sherkane, tu y vas fort ! Comme le souligne Myrte est-ce la fille qui les a forcé à se revoir et se souvenir ? La fin reste ouverte sur cette histoire qui se veut gentillette au début et finit en drame. Excellent déroulement depuis le début !

Quel texte !
La progression dramatique est excellente.
De la comédie primesautière d'enfance, avec les bêtises de gosses, jusqu'au drame terrible qui n'est plus une bêtise mais passible des tribunaux.
Désormais un lourd passé, un lourd passif.
Et puis un jour il faut bien affronter la réalité…
Cela mériterait un texte plus long. Voire un scénario.
Bravo !

Sacrées montagnes russes qui nous fait dégringoler brutalement des verts paradis enfantins à une abjecte réalité. Et en prime l'ouverture vers une suite que l'on peut penser fatale pour eux.

C’est excellent, tout simplement excellent. On sent la tension monter à chaque ligne.
Et puis il y a cette chute qui n’en est pas tout à fait une. Parce qu’on a envie d’en savoir plus.
Qui les a entraîné là . De quoi ont ils peur? Que ça-il se passer ?
Tu nous en écris juste ce qu’il faut pour qu’on reste accrochés à ta dernière ligne.
Super texte, original et anxiogène à souhait

Je me joins au chœur de louanges ! J'ai adoré ce texte qui pourrait être le synopsis d'un thriller haletant. Vont-ils s'allier et partir en chasse ou va-t-elle les retrouver et les éliminer ? Ta manière d'amener cette fin ouverte, mine de rien, est magistrale !

Waouh Sherkane, quelle progression dans l’horreur !
J’en ai la chair de poule tiens!
Un texte magnifique!

Merci à tous de vos commentaires!

Je l'ai lu la semaine dernière bien sur, mais tellement prise par la vie de ce cote de l'écran d'abord, et puis et surtout mentalement par toutes mes lectures et recherches pour mes personnages de consigne (que suis-je venue faire dans cette galère?) que je n'ai pas pris le temps de commenter ni chez toi, ni chez aucun autre... et j'ai bien conscience de cet équilibre a avoir entre participer par l'écrit et s'engager a lire les autres et commenter. Je n'ai sais pas si je vais tenir la distance et si c'est bon pour moi mais on verra.

En tout cas j'ai été scotché par ton texte. Il a peut-être d'ailleurs inspiré une partie des miens. Bravo! ton écriture continue de murir et c'est bon pour nous.