A. Le pont du Diable

Fraichement débarquée du bateau ce matin, je rentre d’un petit séjour en Ariège, la tête encore pleine des beaux paysages qu’offre cette région, sa nature préservée où domine la couleur verte dans toutes ses nuances, ses forêts d’arbres centenaires qui recouvrent son relief vallonné  ainsi que des endroits merveilleux et parfois étranges comme ce pont du Diable à Montoulieu.

Oui, je sais, dans chaque région de France il existe un pont du Diable, et bien l’Ariège ne déroge pas à la règle, elle en possède un aussi !

L’origine de ce pont reste assez mystérieuse mais les anciens racontent que le comte de Foix, Raymond Roger, au début du XIII ème siècle, exigea du baron de St Paul de faire construire un pont au-dessus de l’Ariège pour relier Moutoulieu et St Paul. Il donna un délai d’un mois pour que l’ouvrage soit achevé sinon le malheureux baron serait pendu haut et court. A l’époque, ça ne rigolait pas avec la noblesse qui gouvernait  le peuple et avait d’ impérieuses exigences. Les temps ont-ils vraiment beaucoup changé depuis ? Je me demande…

En tout cas, le Baron qui aimait s’amuser, dépensait sans compter et n’avait pas un sou devant lui pour engager des ouvriers dans un tel chantier et encore moins payer les matériaux nécessaires. Les jours passaient et il ne trouvait toujours pas de solution pour se tirer de cette délicate situation. Il eut alors l’idée de faire un pacte avec le Diable : que celui-ci  construise le pont dans la nuit, en échange de quoi le Diable exigea l’âme du premier qui le traverserait. Le baron n’avait plus le choix, il devait accepter le marché sinon il perdrait la vie. Le pont serait construit le lendemain matin.

Malgré tout, le comte fut prit de remords, pour sauver sa vie, il allait livrer une âme  innocente au Diable.  Au fond, il n’était pas si mauvais. Il alla se confesser au père-abbé de l’église de Saint Volutien qui, au lieu de le sermonner, trop content de manigancer contre le Diable, lui chuchota quelques mots à l’oreille. Le baron ressortit de l’église, le sourire aux lèvres.

Au petit matin, le pont était terminé et le Diable attendait patiemment que le premier venu le traverse.

Il vit alors le baron se diriger vers l’édifice et se frotta les mains : ainsi donc, c’est toi, malheureux, qui as décidé de te sacrifier !

- Non, non, répondit le baron, c’est lui qui passera le premier !

Et, ce faisant, il ouvrit le sac qu’il tenait dans sa main. Un chat en surgit aussitôt dans un grand vacarme car au bout de sa queue était attachée une casserole. L’ustensile en étain s’entrechoquant sur les pavés, le chat effrayé traversa le pont bien plus vite que le vent, laissant le Diable vaincu et humilié. On n’entendit plus jamais parler de lui !