A. A chacun ses rêves...

Monsieur Laurent est un bel homme.
J’ai 15 ans et je sais reconnaître un beau mec : grand, musclé, large carrure, sourire irrésistible, cheveux brillants, barbe bien taillée.
Une qualité supplémentaire à mes yeux, monsieur Laurent est notre prof. d’E.P.S.

Je m’appelle Lisa et au cours de gym, j’ai tout le temps d’observer le déroulement des activités puisque je reste assise dans un coin de la salle de sport.
Je me marre un max devant les exploits de mes compagnes de classe.

Vous vous demandez pourquoi je reste assise là, à ne rien faire ou presque? C’est bien simple, je suis une handic, une personne à mobilité réduite (comme c’est bien dit!), je suis en fauteuil roulant.
Comment ça se fait?
Trop long à expliquer : un accident, mes jambes sont mortes, point!

A chaque cours de gym, c’est la même chose, je rigole en regardant Sophie qui titube, essayant de garder l’équilibre sur la poutre avant de s’affaler sur le sol avec ses kilos en trop et quand elle parvient à se relever, monsieur Laurent me fait un petit clin d'œil malicieux.
Lorsque Héloïse qui, soit dit en passant se prend pour miss Univers, s’effondre en effectuant un poirier complètement raté, je m’efforce de ne pas éclater de rire et monsieur Laurent essaye péniblement de garder son sérieux, tel un enfant qui vient de faire une bonne blague.
J’encourage souvent mon amie Nadia : je lui promets qu’elle arrivera à faire la roue d’ici la fin de l’année!

Pendant que mes copines se démènent comme elles peuvent, je fais de la musculation avec des petites haltères et si j’en crois le prof, si je persévère, j’aurais bientôt des biceps et des triceps que le monde entier m’enviera!

Mais alors, là où je prends mon pied ( si on peut dire ) c’est au cours de natation : monsieur Laurent m’assied au bord de la piscine à côté de mon fauteuil, les jambes dans l’eau, j’adore, je ne m’en lasse pas.

Aujourd’hui, lorsque le cours se termine, j’entends la voix du prof : “Tout le monde hors de l’eau! Eh! Lisa, tu rêves?”
Je sursaute car oui, je rêvais! Ne le dites à personne mais ici assise pieds dans la piscine, je m’imaginais empoigner mon fauteuil et hop, je l’envoyais au fond de l’eau!
Monsieur Laurent ne faisait ni une ni deux, sautait dans l’eau tout habillé pour me ramener triomphant mon indispensable partenaire.
Toujours dans mon rêve, tout le monde applaudissait et hypocrite que je suis, je me confondais en excuses, je l’embrassais même sur les deux joues en le remerçiant alors qu'il me disait :

-Mais voyons Lisa, c’était avec plaisir! Je me suis même bien amusé à la pêche au fauteuil. Depuis tout petit j’adore aller repêcher des objets au fond de l’eau!

Sa réponse ne m’étonnait pas car voyez-vous, il avait toujours dans son sourire, l’air espiègle d’un gamin, c’était aussi ça qui me plaisait chez lui car moi je crois que l’on garde toute la vie, en soi, l’enfant qu’on a été.

Bravo Zephyrine pour avoir répondu si rapidement à cette consigne pas facile. Le ton enjoué que tu utilises colle parfaitement à la situation afin d'éviter de sombrer dans le mélo.

Il est beau le rêve de Lisa !!!
Je reconnais dans ce texte une certaine expérience de la salle de gym et de ses divers instruments de torture, pauvres de nous ! J'ai détesté cela, avec, comme tu le racontes si bien, en prime les moqueries des condisciples.
Ce n'est que depuis quelques années que je suis reconciliée avec le cours de gym ( pour seniors) grâce à ma prof super patiente.
Ton Monsieur Laurent, lui, sait comment s'y prendre pour que tu gardes le sourire !
Il fallait faire preuve d'imagination pour cette consigne pas facile et tu nous donnes un texte touchant !

Merci amanda!
Il est vrai que comme retraitée ancienne prof d’E.P. S., je connais un peu l’ambiance des cours de gym...

En ma qualité de Zhandi (1) professionnel, j'ai beaucoup apprécié ton texte. Tu campes parfaitement le personnage qui bénéficie de cette « forme de mentalité » qu'on rencontre chez certains de ma race. Et moi-même, surtout quand j'étais jeune, j'ai beaucoup utilisé l'humour décalé, notamment vis-à-vis des petits et petites curieuses. Du genre : — qu'est-ce que t'as ? Histoire de me faire raconter ma vie qui ne les regarde pas. Alors je répondais : — j'ai un gros rhume, mais ça va !
Cela dit Monsieur Laurent aurait dû te foutre à l'eau carrément. La piscine est une bénédiction quand on n'a plus ses guibolles ! On se sent tout léger  : crois-en mon expérience !

(1) Zhandi = vient du fait que l'on dit de plus en plus les Zhandicapés alors que le  H est aspiré.
Tout  comme on dit la gloire des héros et non pas  la gloire des Zhéros !

Belle résilience de la part de Mademoiselle Lisa, mais tu aurais pu la mettre à l'eau, elle aurait apprécié.

Je n'aimais pas non plus la salle de gym , je préférais le stade ou le cross qui nous permettait de nous échapper de l'internat pour quelques heures .

J'aime bien la façon dont tu as abordé la consigne. Un ton à la fois léger et profond et on ne sombre pas dans le mélo

Je ne comprends pas ton commentaire sous le texte d'Alainx car ton texte n'est absolument pas léger. Comme dit plus haut, il est à la fois léger et profond et aborde très justement le handicap .
De plus, l'excipit est super bien amené .