A. Go Papa

Aujourd’hui, vendredi 15 octobre 2021, hommage national aux Invalides à Hubert Germain dernier compagnon de la libération mort à 101 ans.

Cela me fait penser à mon grand-père lui aussi compagnon de la libération et mort en 1975. Alors ce soir j’ai envie de refeuilleter le livre de sa vie. Un livre dont finalement je ne connais pas grand-chose à part ses dernières pages, son chapitre « grand-père ». Parce qu’un grand-père, c’est un grand-père et enfant on ne se soucie pas toujours de « l’avant grand-père ».

J’étais très proche de mon grand-père. J’aimais être avec lui dans son atelier. J’aimais les matins où il moulait du café et respirer l’odeur si agréable qui embaumait la pièce. Je l’observais sans rien dire et lui souriais quand il me regardait. J’étais fière quand il demandait mon aide. Pour curer une fosse septique, pour réparer des gouttières sur le toit, pour couper du bois … C’est lui qui m’a appris à réparer un pneu de vélo crevé, à changer une roue de voiture. C’est lui qui m’a donné les premiers rudiments de conduite automobile dans sa 4L.

Autant je connais le livre de vie de ma grand-mère et de ses aïeux car ma grande tante (sa sœur) était férue de généalogie et nous parlait très volontiers de l’histoire familiale, autant mon grand-père était très silencieux sur son histoire à lui. Bien sûr je savais qu’il avait fait la guerre, les deux guerres d’ailleurs. Bien sûr je savais qu’il était compagnon de la libération mais avais-je à l’époque conscience de la portée de ce que cela signifiait ?

Une page de son livre me revient à la mémoire. Les fois où j’étais chez mes grands-parents lors des cérémonies du 11 novembre. Le recueillement de mon grand-père devant le monument aux morts, son attitude droite et solennelle. A coté de lui je n’osais pas bouger consciente que cet instant était important pour lui. Bien plus tard j’apprendrai qu’il a perdu ses deux frères au cours de la première guerre mondiale.

Travaillant en Egypte dans les sucreries lors de la deuxième guerre mondiale, il a rejoint De Gaulle et les Forces Françaises Libres en août 1941. L’an dernier je suis allée voir le film sur de Gaulle, en sa mémoire.

Je ne sais pas s’il allait chaque année à la cérémonie du Mont Valérien qui commémore l’appel du 18 juin du général De Gaulle. Encore une page de sa vie qui m’échappe. Sans doute que oui. En tout cas après sa mort c’est mon oncle qui allait à cette cérémonie et maintenant c’est mon cousin qui perpétue la mémoire.  

Ce soir j’ai ouvert une page de son livre sur Internet, dans le site des compagnons de la libération. J’ai relu ses faits d’armes et ses décorations :
Officier de la légion d’honneur
Compagnon de la libération
Croix de guerre 14/18
Croix de guerre 39/45

Jamais il n’évoquait ses chapitres « guerres » pas plus qu’il n’évoquait ses années en Egypte, son travail dans les sucreries ni leur expulsion du pays en 1956. Il aura fallu plus de 40 ans après sa mort pour retrouver dans de vieilles malles dans un grenier des documents le concernant. Tant de chapitres que je regrette maintenant de ne pas mieux connaitre. Mais finalement je pense que le plus important a été la relation que j’ai eue avec lui de grand-père à petit-enfant et tous les souvenirs que j’en ai.
Alors comme il faut respecter la consigne et terminer par l’excipit je dirais que la culpabilité et les regrets un jour, on s’en fout, et ça fait du bien !

Quel touchant chapitre de vie dont tu parles à la fois avec une grande simplicité et avec tendresse. J'aime te lire et t'entendre évoquer un pan de ton histoire de vie. Cela me fait penser à un moment d'intimité devant un feu de cheminée, un moment de silence dans lequel sont déposé des mots venant du coeur.

Très bel hommage à ce grand père. On regrette souvent, sur le tard, de ne pas avoir posé les bonnes questions parce qu’on croit toujours qu’il sera toujours temps de le faire.
Souvent, en discutant avec ma sœur, je me rends compte que je sais beaucoup de choses qu’elle ne sait pas. Parce que j’ai posé des questions au bon moment et c’est toujours plaisant à présent de lui raconter. Souvent, je la surprend .
Mais il te reste tous ces documents et grâce à eux tu peux découvrir ou imaginer une partie de sa vie et ton grand père était un héros de la guerre, et cela doit te rendre fière

L’avant grand-père, cette formule est superbe. Je n'ai pas connu mes grands-pères, juste croisés au détour de quelques recherches généalogiques.

Une belle relation qui valait la peine d'être racontée !
Tu m'as fait penser à mon parrain "Arthur" ( j'ai un jour fait son portrait sur Kalé), qui était à l'armée de 1910 à 1914 et qui a rempilé pour 4 ans de guerre dans les tranchées. Lui aussi couvert de décorations ensuite mais une vie sentimentale brisée.
J'étais trop petite à l'époque pour dialoguer avec lui et il ne parlait que le flamand que j'ai appris plus tard. On m'a raconté son héroïsme. En te lisant je regrette de n'avoir pas pu avoir avec lui, ce lien que tu as eu avec ton "avant-grand-père"
Tu racontes bien, ta transmission est passionnante. Merci !

Un texte tout en tendresse et pudeur.
J'ai aimé lire les souvenirs que tu avais de ce que ton grand-père t'avait appris.
Peut-être était-ce finalement ce qui comptait le plus pour lui... transmettre du "positif", quelque chose d'utile et que tu pourrais réinvestir (ce qui lui permettrait d'une certaine façon d'être toujours avec toi) plutôt que les souvenirs de deux guerres qui n'étaient pas forcément très agréables.

Un texte touchant qui me va droit au cœur, moi qui ai bien connu mon Grand-père et qui l’aimais tant!

Ton récit m'a émue, et m'a rappelé mes papys, avec qui j'ai eu la chance de passer beaucoup de temps.
Tout comme le tien, ils évoquaient très peu leur passé douloureux, les temps de guerre et d'exil...
Mais c'était comme ça à l'époque
Merci pour ton texte

Vibrant image de ton grand-père (comme Martine, j'aime bien le mot avant-grand-père).
En parlant de De Gaulle, je pense à la 2ème femme de mon grand-père maternel qui était dans mon cœur ma grand-mère. Elle était assez actif dans la résistance et avait également rejoint De Gaulle à Londres. Je regrette de ne pas avoir eu l'occasion d'en parler avec elle, elle ne s'exprimait pas beaucoup sur son passé. Mais je n'ai pas su poser les questions au bon moment.

Nous avons souvent des regrets de ne pas nous être intéressés de plus près à la vie de nos "avant" grands-parents, mais l'important est le souvenir que nous avons d'eux, et le temps que nous avons passé avec eux.
Très touchant, ton récit, Sherkane.