A. Ecrire pour ne pas s'oublier

Elle se souvient que de tout temps elle a écrit. Petite, langue sortie entre ses lèvres, bien concentrée, elle aimait tremper sa plume dans l’encrier de sa table d’écolier et tracer les lettres de l’alphabet.

Plus tard, elle a calligraphié en lettres gothiques des maximes sur du papier fin ou sur une planche de bois. Elle les exposait dans sa chambre plus intéressée par leur beauté intrinsèque que par les maximes elles-mêmes. Elle s’était même amusée pendant un temps à écrire sur du papier d’hostie recopiant des textes d’évangiles sans oublier les majuscules alambiquées et dorées.

Poèmes, haikus, ateliers d’écriture, slam, récits de voyage, elle s’est frottée à tous les styles. En parallèle de tout cela, elle a démarré un journal intime à l’âge de 13 ans. Elle ne compte plus les cahiers noircis de ses pensées, de ses souvenirs, de ses rêves. Elle les garde tous empilés dans plusieurs boites plastiques. Jamais relus mais conservés précieusement. Elle se demande parfois ce qu’ils deviendront à sa mort mais finalement quelle importance.

Alors qu’elle arrive à un grand âge, elle continue d’écrire dans son journal intime. Ou plus exactement elle fixe dans ses cahiers les faits et gestes que sa mémoire oublie aussitôt faits. Une façon à elle de ne pas sombrer et d’essayer de retarder l’inévitable. Ecrire pour se rappeler même si ce qu’elle lit quelques jours après ne lui parle guère. Donner le change vis-à-vis des autres et vis-à-vis d’elle-même.

Elle se dit que la vie ne tient qu’à un fil, un fil qui les relie à présent elle atteinte d’Alzheimer et elle celle d’avant. Ce fil c’est l’écriture.

Un texte vrai, bien construit depuis l'enfance à la vieillesse, avec en petit plus, toutes les formes d'écriture possibles ( même sur des hosties !)
Ce fil magique qui retient la mémoire qui s'en va, très, très émouvant !

Il faut conserver précieusement ces écrits sur des supports divers parce qu'ils font partis de sa vie et pourront intéresser ses descendants ( J' ai été contente de retrouver des courriers de mes ancêtres et ainsi mieux les connaitre )

Un très beau récit.
La fin est surprenante et les différentes étapes de la vie très bien décrites.
L’amour de l’écriture qui transparaît au fil des années est émouvant !

« Écrire pour ne pas mourir » chantait Anne Sylvestre.
Pour ma part j'écris toujours un journal intime depuis l'âge de 13 ans (comme ton héroïne…) et comme je suis arrivé un grand âge je vais faire comme elle : continuer !
Mais ce n'est pas pour laisser trace, puisque j'ai détruit des dizaines et des dizaines de cahiers.
Je pense que la vie est devant, pas en arrière…
et qui dit journal intime… cela veut dire « intime » pas pour qu'après ma mort on aille se repaître et rigoler de mes bêtises.
Quand à ce que je souhaite transmettre j'en ai fait des bouquins. (Publics ou non)

Moi aussi ça m'évoque cette superbe chanson d'Anne Sylvestre. Une vie consacrée à l'écriture c'est superbe et ce dernier fil qui la retient à sa mémoire c'est également très beau

L'écriture est ici comme un fil d'Ariane permettant de ne pas oublier, ne pas se perdre, de retrouver le chemin...
Un très joli récit, Sherkane. J'aime beaucoup.