A. Elle radote.

La douceur, c’est un des mots préférés de Mamie.
Comme chaque année, à la fin du repas de Noël, Mamie Simone, 91 ans, va encore raconter pour la énième fois, des anecdotes à propos de la guerre et sans transition, elle va encore souligner combien l’infirmière qui l’a vaccinée contre la Covid était aimable et douce.
Mamie Simone radote! Elle enjolive les événements, elle les répète rien que pour se souvenir, elle ne cesse de nous raconter qu’elle n’oubliera jamais comment, dans la douceur du soir d’un certain été, elle a rencontré Papy Marcel, ce jeune-homme au regard si doux, aux caresses si douces! Elle n’aurait jamais pu ne pas tomber amoureuse de lui.
Mamie douceur se souvient, elle se confie encore et encore…


La tendresse, c’est une vraie leçon que Mamie me donne quelques semaines plus tard quand je vais lui rendre visite.
Je sais qu’elle va encore répéter les mêmes choses: Papy et elle se sont follement aimés, elle se souvient de toutes les étapes de ce grand amour : amour toujours, amour passion, amour fou, Amour avec un grand A.
Mais ce jour-là elle me surprend, elle me donne, sa définition de la tendresse et ça, c’est la première fois :

-Avec l’âge, les corps ne suivent plus, me dit-elle. C’est comme si on passait du 100 km heure à du 50 km heure. Alors à ce moment-là, tu vois, vient la tendresse qui avec l’Amour sont les seules choses qui grandissent en se partageant.
Si elle s'en souvient, c’est donc qu’elle n’est pas si vieille, assure-t-elle en me prenant la main.
C’est bien pour cela que je n’interromps pas Mamie tendresse…


La Mélancolie, c’est ce que ressent souvent Mamie Simone, après son petit Porto de midi : quelques larmes au bord des yeux, un petit mouchoir roulé en boule dans sa main tremblante, elle se remet à radoter:

- C'était le bon temps tu sais, juste après la guerre et si Papy voyait ce qui se passe à présent dans le monde, je n’ose pas te dire les mots durs qu’il prononcerait!
Il m’arrive d’être heureuse qu’il ne voie pas tout ça. Car tu sais,en ces années-là…
Et voilà, c’est reparti! Je la réconforte de mon mieux, ou alors, je ne dis rien, parce que, comme Victor Hugo, je pense que “La mélancolie, c’est le bonheur d’être triste.”
Ne pleure plus Mamie mélancolie!

Mamie tendresse, Mamie douceur, Mamie mélancolie, un condensé absolument touchant !
Tu as su trouver les mots, tu as su raconter ses gestes ( le petit mouchoir serré) et ses paroles.
Tu as su la faire parler de son amour fou mais aussi écouter ses anecdotes et même si elle radote, c'est beau, Zéphyrine !

Les spécialistes des neurosciences ne diront pas que Mamie Simone radote, ou alors elle fait comme chacun de nous, car notre psychisme ne cesse de nous faire radoter à tout âge en déconstruisant sans cesse nos souvenirs pour les reconstruire autrement . Soit nos neurones rendent meilleure notre histoire, soit la le rendent plus tragique. On ne peut pas s'en empêcher ! Vive le cerveau qui sait nous construire des chimères positives pour nous distraire de la réalité et devenir des jeunes et vieux Tamaloux… !
Finalement, le « c'était mieux avant » est un fonctionnement neuronal ordinaire ! Évidemment sans rapport avec la réalité historique.

@Amanda, merci!

@alainx, j’ai lu il y a quelques temps un article très intéressant intitulé ” Pourquoi dit on que les vieux radotent?”
Les reflexions que tu émets dans ton commentaire étaient bien présentes dans cet article, mais ”radoter ” n’était pas présenté comme un mot péjoratif, au contraire!
On y insistait sur le fait que radoter engendre des pensées positives...cela m’à rassuré et a inspiré ( en partie) mon texte cette semaine.

Cette Mamie Simone me fait beaucoup penser à ma belle-mère Margot qui, vers la fin de sa vie, ne parlait que du passé puisqu'elle savait qu'elle n'avait plus d'avenir et elle répétait souvent les mêmes histoires en les modifiant de temps en temps de manière à les rendre plus jolies. C'était une façon de ramener ce passé enfui et de  faire revivre son défunt mari. J'ai dit un jour à mes petits-enfants que chaque fois que l'on parlait d'un disparu cela le faisait vivre un instant parmi nous et j'ai senti qu'ils étaient très touchés par cette idée.

Il paraît qu'on a tendance à embellir certains faits du passé et aussi qu'on change la taille des choses, par exemple la hauteur d'une maison ou la grandeur d'un jardin.
J'ai pu le constater plusieurs fois quand je retourne dans un endroit après par ex. une dizaine d'années. Pourtant les murs, ça ne pousse pas tout seuls ! Curieux phénomène !

Une bien jolie façon de traiter cette consigne, j'ai beaucoup aimé Mamie Simone et ses déclinaisons, bravo pour ce texte fort intéressant et plein de douceur, de tendresse et de nostalgie.

Belles descriptions des étapes de la vie de cette Mamie Simone si attachante !

J'ai beaucoup aimé ta Simone qui voit tout en mieux le passé mais reste quand même bien lucide quant à un certain passé. Ces mamies là même si elles se répètent pas parfois , nous adorons les écouter.

Mamie douceur, Mamie tendresse, Mamie mélancolie... Tu nous fait aimer cette Mamie Simone qui nous ressemble à tous. Un beau moment de lecture