A. Les mots et la musique.

Le jeune-homme écrivait penché sur l’écritoire, attablé dans sa chambre de domestique, sous les toits de l’imposant château.
Il s’appliquait, traçait chaque lettre de façon laborieuse, comme le font les enfants qui viennent d’apprendre à écrire. Les mots cependant lui venaient facilement puisqu’ils s’adressaient à sa bien-aimée :

Agnès, ma jolie Comtesse,

Je ne peux plus attendre! Cela fait trop longtemps que vous semblez m’ignorer.
Je sais que je ne suis qu’un pauvre palefrenier, au service de Monsieur votre Père, mais auriez-vous déjà oublié qu’il y a quelques mois encore, nous nous voyions tous les jours en secret. Amoureux l’un de l’autre pour la vie, vous me l’aviez promis.
Nous étions insouciants, nous nous moquions de nos conditions tellement différentes, vous Comtesse et moi simple domestique. Nous n’avions peur de rien, notre amour nous protégeait.
Je me souviens des nuits passées en secret dans la grange où serrés l’un contre l’autre, nous échangions des serments et des gestes d’amour.
A présent, je ne vous aperçois plus que de loin, vous m’ignorez, détournez le regard quand mes yeux cherchent les vôtres.
Voyez-vous, ce qui me peine plus que tout, c’est que du haut de ma chambre là-bas sous les combles, je ne vous entends plus jouer du piano, comme vous le faisiez tous les soirs, quand vous saviez que je vous écoutais, quand je croyais que vous m’aimiez encore. Je n’entends plus les accords et les notes légères que j’écoutais tout en fermant les yeux et qui me ravissaient.
Agnès, ne me laissez pas languir, donnez-moi de vos nouvelles!

Mathieu.
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Allongée sur son grand lit, Agnès ne trouvait pas le sommeil. Il était déjà minuit quand elle entendit un bruit léger : quelqu’un avait glissé un papier sous sa porte. Elle se leva promptement et saisit le feuillet.
Mathieu avait écrit, Mathieu pensait à elle! Il ignorait bien-sûr combien la situation était désespérée et elle ne savait pas comment s’y prendre pour lui expliquer, il ne comprendrait pas!

Le lendemain soir, à l'heure où les serviteurs eurent regagné leur chambre, elle se mit au piano et interpréta “La berceuse” de Schubert. Peut-être devinerait-il…
Plus tard, dans sa chambre, elle rédigea ces quelques mots :

“ As-tu reconnu la musique? Il s’agit d’une berceuse, celle que j’aurais voulu interpréter bientôt pour endormir mon enfant, ton fils!
Mes parents n’accepteront jamais, je suis au désespoir”

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Le lendemain, bouleversé, le jeune-homme écrit, penché sur l’écritoire. Il a lu et relu le billet d’Agnès, il compose quelques phrases, quelques mots très doux, plus tendres que jamais.
Il ne sait pas.
Ceux-ci ne parviendront pas à sa bien-aimée, car là-bas, au fond de l’étang du parc, Agnès ne les lira jamais…

Je trouve que le dernier chapitre et sa fin dramatique donne beaucoup de force à ton texte.
la lecture m'a donné envie d'en savoir plus sur ce jeune homme: qui est-il ? Pas de la bourgeoisie puisqu'il ne peut l'épouser. Ce n'est pas un serviteur, la façon dont il écrit le prouve. Est-ce que tu as pensé à qui il pouvait être en écrivant?
En tout cas, j'ai beaucoup aimé ton texte

Tu as tout à fait raison Cassy!

Bon, on disait que Mathieu avait été éduqué par des parents érudits, puis abandonné quand le père de Mathieu a appris que celui-ci était le fils du comte, le père d’Agnès (tu me suis?)
Donc un autre drame à été évité ?

Mais, vraiment, j’ai apprécié ton commentaire.

J'aime la façon dont tu mènes ton récit. J'avais imaginé que la jeune fille avait mis fin à ses jours car avait trop peur d'annoncer sa grossesse à ses parents mais les quelques mots de ton explication en rajoutent au caractère dramatique de la fin. Quelle histoire ! Tu pourrais écrire des séries pour la télévision ! Tu en as le talent !

Merci Myrte!
Il m’a pris une crise de romantisme .
Je m’en vais proposer le texte Netflix!

On se dit au début que ça va être un texte à l'eau de rose !
Et bien, tu réussis à nous surprendre, au fur et à mesure de la lecture jusqu'à la fin tragique.
Roméo et Juliette, revus et corrigés !
Ton commentaire en rajoute une couche.
En effet un excellent scénario de film !
Tu commences fort !

Merci pour ce commentaire.
C’est un peu à l’eau de rosé, non à l’eau de rose!,mais nous sommes d’éternelles romantiques, non?

Un très beau texte et la fin dramatique est amenée avec beaucoup de douceur.

Merci Martine!

George Sand, sors de ce corps !
Nan, finalement c'est pas cette chère George, mais plutôt Delly et ses histoires morales, vu la fin.
Mais le pire a été évité, le fruit de l'inceste - même involontaire - ne sera pas donné en pâture aux commères.
Super texte, très (mélo-)dramatique. Bravo

C’est toute vêtue de rose, comme Barbara C. que je te remercie pour ce commentaire .
D’habitude le romantisme n’est pas mon fort, j’ai hésité à glisser quelques scènes érotiques...

La finale explique le pourquoi du comment!