A- Un jour je te raconterai

Sous le soleil d’automne nous partons en balade. Tu cours devant moi jusqu’au sentier puis nous sautons dans les tas de feuilles mortes qui jonchent le sol. Tu ris en les faisant craquer. Tes petites bottes bleus s’enfoncent dans le tas et d’un coup de pied tu les fais voler autour de toi.
Nous continuons un peu plus loin. Nous allons voir les montagnes de Mamie. Entre deux champs fraîchement labourés, nous nous asseyons face au Sud pour admirer la chaîne des Pyrénées . Tu te tournes alors vers moi, avec tes grands yeux bleus pétillants, fier de m’annoncer:

- Regarde Mamie, elles sont là tes montagnes
- Elles sont là oui et elles sont belles

Parfois elles disparaissent derrière un écran de nuages. Alors, avec un moue de tristesse, tu m’annonces:

- Elles sont plus là
- Mais où sont elles passées je te demande, l’air faussement intrigué.
- C’est papa qui les as effacées. Mais t’inquiètes pas, il va les redessiner.

Et nous continuons la promenade pour entrer dans le petit bois. Un peu plus loin nous attend la sorcière, une gentille sorcière bien sûr . Elle vit au milieu des arbustes qui s’appliquent à la protéger des regards indiscrets. Nous nous arrêtons pour bavarder avec elle et lui offrons un cadeau : un bâton pour le feu, une fleur pour décorer son abri ou une  fougère pour se protéger de la pluie.
Puis nous continuons notre route jusqu’à ce que tes petites jambes commencent à fatiguer. Alors nous rebroussons chemin, chuchotant lorsque nous arrivons près de l’antre de la sorcière. Il ne faut pas la déranger, elle fait la sieste.
Et c’est main dans la main que nous rentrons à la maison. Je te raconte des histoires que j’invente en marchant. Toi, tu bois mes paroles et je vois à ton regard que ton imaginaire fonctionne à plein régime.

Un jour petit poisson, un jour je t’inviterai à t’installer près de moi, face à la montagne.
Un jour viendra où tu seras assez grand pour te souvenir de mes  histoires.
Et m’asseoir sur un banc cinq minutes avec toi pour te raconter ma vie d’enfant. Parce que tu comprendras alors que je n’ai pas toujours été une mamie. J’ai été un petite fille qui courait dans les feuilles d’automne pour les faire craquer, qui inventait des histoires de sorcières et de lutins. Je grimpais dans les arbres pour en faire des cabanes. Je ramassais des pâquerettes pour en faire un bouquet que j’offrais à ma maman. Je m’écorchais les genoux dans les ronces en ramassant des mûres . Je sautais dans les flaques d’eau et j’oubliais parfois de me laver les mains avant de passer à table.
Un jour j’ai été comme toi et je n’ai pas oublié les histoires que j’inventais. Et quand je te les raconterai, je sentirai en mon cœur un petit pincement, une drôle de sensation, mélange de bonheur et de nostalgie.
Un jour sur un banc je te parlerai de mes racines. Tu me poseras des questions et j’y répondrai. Et lorsque je ne serai plus là tu te souviendras de moi, de mon pays, de ma maman, de ma mémé  et à ton tour tu me redonneras vie auprès de tes enfants pour que rien ne s’efface, pour qu’il reste une trace.

En attendant continuons à marcher main dans la main et laisse moi t’aimer plus fort de jour en jour jusqu’au dernier .

Quel joli texte où je retrouve, bien sur, beaucoup de mon vécu car je suis aussi une mamie inconditionnelle de mes petits-enfants. On ressent parfaitement cet indescriptible lien qui se créé entre grands-parents et petis-enfants. Un lien que je découvre avec bonheur au fil des jours car je ne l'ai pas connu enfant.