A - Histoire dingue

Je n’avais jamais remarqué cette boutique, enfin pouvait-on vraiment parler de boutique. Pour moi un magasin doit annoncer clairement ce qu’il vend, non ?

Là ce n’était pas très clair raccommoder des petits bonheurs ça voulait dire quoi ?

J’étais donc plantée devant cette étrange devanture, prête à jouer à pile ou face pour y entrer ou non.

Et puis je l’ai vu, là juste derrière la fenêtre il y avait un superbe chat noir, or je ne résiste pas aux chats. Ce doit être maladif.

J’ai donc poussé la porte et entendu le son délicat d’un carillon qui prévenait de mon arrivée.

A l’intérieur et au vu de la devanture faire de bric et de broc, je m’attendais plus ou moins à trouver un grand bazar, mais non, l’endroit était vide.

J’ai attendu un moment, personne. Même le chat avait disparu. Je n’avais pourtant pas rêvé. Je m’apprêtais à repartir un peu dépitée de m’être laissée avoir quand j’ai entendu une voix.

- Auriez-vous un problème ? Ici nous réparons tout.
- Non, je n’ai aucun problème.
- Dans ce cas pourquoi êtes vous entrée ?
- Parce que j’ai vu un chat.
- C’est une raison comme une autre.
- Excusez-moi mais où êtes-vous ?
- Partout où il y a de la joie et du positif.
- C’est très louable, vous vendez quoi exactement ?
- Allez savoir !
- Ce n’est pas moi qui vais pouvoir vous le dire, c’est votre boutique non ?
- Ca se peut vous savez tout disparaît et tout renaît à un moment où à un autre. Ca pourrait très bien être la vôtre de boutique.
- Si c’était le cas je pense que je m’en souviendrais.
- Vous ne vous en souvenez pas encore, mais ça va venir.
- Cette conversation est dingue.
- C’est tout son intérêt.
- J’aimerais bien vous voir quand même.
- Mais vous m’avez vu.
- Je n’ai vu qu’un chat noir.
- Qui vous dit que je ne suis pas un chat noir ?
- Les chats ne peuvent pas parler.
- Ca c’est vous qui le dites. Vous voyez vous avez bien quelque chose à réparer.
- Excusez-moi, mais franchement vous m’avez perdue.
- Vous ne croyez pas que les chats puissent parler, donc c’est votre imagination qui doit être raccommodée.
- Mon imagination va parfaitement bien, les chats ne parlent pas.
- Et si je vous prouve qu’ils parlent bien, resterez-vous ici ?
- Ici, dans ce magasin dingo ? A parler avec rien ? Et à ne rien faire ou vendre ?
- Qui vous dit que vous ne ferez rien ?
- Le fait que cette boutique est vide.
- Elle n’est pas vide.
- Si elle l’est je vous assure.
- Si je vous prouve qu’elle ne l’est pas, resterez-vous ici ?
- C’est une idée fixe ! Pourquoi voudriez-vous que je reste ici ?
- Parce que vos avez du mal à croire à vos rêves.

Là je dois dire que j’ai réfléchi. Avais-je du mal à croire à mes rêves, d’ailleurs avais-je des rêves. Brusquement j’en doutais. N’allais-je pas dans la vie sans vrai but ?

- Ah vous voyez bien que vous avez beaucoup de choses à réparer. Accrochez-vous nous partons.
- Nous partons, mais vous racontez quoi nous partons où ?
- Ailleurs.
- C’est où, c’est quoi ailleurs ?
- Là où les rêves reprennent vie.

Et là j’ai senti que la boutique se mettait à tourbillonner. Je suis tombée par terre. Lorsque le sol s’est stabilisé je me suis retrouvée devant un chat noir au milieu de tout un bric à brac d’objets bancals qui attendaient d’être remis sur pied.

Le chat m’a souri, m’a tendu un tablier et d’une voix ronronnante il m’a invitée à me mettre au travail. Depuis nous voyageons de ville en ville et nous veillons à remettre en état les espoirs vacillants.