A. La leçon de Petit Vent

Le soir est tombé sur Borée.
Un à un les vents sont rentrés se poser pour la nuit. Certains ont bien pensé à se faire une petite fiesta mais l’approche de l’équinoxe les en a dissuadé. Inutile de déclencher une nouvelle tempête de particules ! Le Grand Patron déteste ça ! Et ces derniers temps le Grand Patron n’est pas à prendre avec des pincettes. Mistral a été privé de sortie pendant trois semaines pour avoir soufflé un peu trop longtemps dans la vallée du Rhône.
Seul Petit Vent est resté dehors.
Le silence règne désormais. Rien ne vient le troubler, pas même un léger bruissement.
Assis sur une vieille chambre à air, genoux montés sous le menton, Petit Vent sanglote sans bruit.
Sa journée a été une nouvelle fois un fiasco…
Il voulait seulement buller en paix, se laisser porter par le foehn vaporeux et ses fragrances chaudes.
Il voulait seulement faire oublier aux humains les ennuis, les tracas et les contrariétés.
Mais malgré tous ses efforts il n’est pas arrivé à décoller… Quoi qu’il fasse, il se traîne toujours son allure lourdaude de terrien et son seul compagnon est l’échec. C’est tout juste s’il arrive à faire brièvement virevolter deux trois grains de sable.
Au loin derrière la courbe des collines jaunies par le soleil il peut deviner le lent ballet éolien destiné à fournir en énergie toute la planète. Les herbes bougent légèrement… mais tout cela manque de la puissance nécessaire pour insuffler à sa bulle suffisamment d’énergie pour qu’elle décolle.
Et sans bulle pas d’espoir…
Et sans espoir aucune raison que Petit Vent devienne grand.
Une fois encore il est seul face à sa vie.
Une fois encore il est seul dans sa vie.
Lentement Petit Vent se laisse glisser dans la vieille chambre à air, s’y enfouit jusqu’à y disparaître totalement.
Ce soir il ne rentrera pas à la Rose des Vents.
Ce soir il ne se sent pas de supporter les regards mi- moqueurs mi-apitoyés des autres vents.
Ce soir il dormira à la belle étoile.

C’est la sensation d’une caresse d’aile sur ses joues encore humides de larmes qui a sorti Petit Vent de sa prostration. Le responsable ? Une jeune hirondelle qui vient de s’échouer à ses pieds, l’aile gauche bizarrement tordue..
Oubliant son désespoir et sa tristesse Petit Vent s’arrache à la chambre à air et prend délicatement l’oiseau entre ses mains.
Avec une infinie délicatesse il souffle sur l’aile de l’hirondelle, la remettant inéluctablement dans le bon axe. Il prend tout son temps, il ne veut surtout pas blesser le coursier des airs.
Au petit matin l’hirondelle a lancé une trille joyeuse et s’est joyeusement élancée dans les cieux encore teintés de rose après avoir remercié Petit Vent de l’avoir sauvée.

Inutile d’être un grand et fort vent pour venir en aide à autrui.
Mieux vaut un souffle léger qu’une puissante tornade.

Un superbe texte ! Et écrit à peine la consigne émise Tu nous fais aimer "Petit vent"
Bravo

J'adore ton histoire! Je la raconterai prochainement à ma petite-fille ....

C'est charmant comme un conte. Drôle, comme un clin d'oeil. Joli, Madeleine !

MESANGE a écrit:J'adore ton histoire! Je la raconterai prochainement à ma petite-fille ....

J'espère qu'elle aimera!

tout en tendresse, ca fait du bien

Une fable avec une jolie morale ! Semaine après semaine je me réjouis de retrouver tes mots !

Comme ta ronde des vents est belle ; bel hommage au geste du plus petit pour sauver autrui.

Un souffle léger est tellement plus agréable qu'un grand coup de vent, c'est délicat, c'est doux...

Très joli texte, Madeleine.

Elle est adorable ton histoire, Petit Vent est bien méritant.

Une très belle histoire joliment racontée, j'ai beaucoup beaucoup aimé. Un doux vent de tendresse nous accompagne pendant la lecture de ton texte.

Merci à tous pour vos gentils commentaires.