a. La bagnole pourrie et la fin du monde.

Le travail me fascine, je peux rester  des heures à  le contempler pas loin de chez moi, dans un terrain laissé à l'abandon, une épave de 4-CV  Renault qui mérite qu'on observe le lent travail de la rouille qui finira par avoir sa peau définitivement.
Elle a dû être bichonnée à l'usine de Flins, jusqu'à son éclosion sous un jaune canari du plus bel effet.


Presque chaque jour je viens l'observer attentivement . C'est un travail d'une excessive lenteur, une forme de supplice qui dure et parfois les craquements de la carcasse métallique démontrent la souffrance de la tôle emboutie.

Il ne peut que s'agir de la bagnole de mon grand-père, ouvrier métallurgiste, achetée probablement d'occase, vu le salaire mirobolant que percevait ce brave homme. Il emmenait bobonne et ses deux mômes, dont l'un était mon père pour de folles virées à la campagne. Les jours de beau temps il atteignait l'extraordinaire vitesse de 90 km/h. Que de fois se plaignait-t-il que la caisse tombait régulièrement en panne, son moulin toussait puis s'arrêtait. Et c'était parti pour une bonne heure les mains dans le cambouis a tenté de réparer, y parvenir et redémarrer le moulin à la manivelle, dont le retour pouvez-vous fracasser le bras. Merveilleuse époque !
Tiens, copine lectrice, j'ai retrouvé une photo, mais suis pas sûr qu'elle soit d'époque.


Bon je vous disais que je contemplais le travail de la rouille. S'il y avait que les bagnoles qui rouillaient, hélas mes os c'est pas mieux, vu qu'ils sont ceux d'un quasi centenaire. J'ai dû manger trop de fer, trop d'épinards. Moi aussi je rouille petit à petit et je me demande comment ça va finir. À l'intérieur de ma tête je vois des ribambelles de neurones qui se font la malle dans le coffre de la 4 CV et partent bras dessus bras dessous battre la campagne, et le fer tant qu'il est chaud. Histoire de voir s'il ne reste pas des souvenirs à moi qui traînent un peu partout et qu'il serait temps de rapatrier dans ma caboche.

Vous allez me dire que je ne suis pas très gai ni reggae, peut-être que j'ai le blues sous ma bouille contemplative.
Mais, grimpons dans la caisse, et en voiture Simone ! Grouille, on se barre à mine qui permettrait d'achever cette carcasse définitivement, la réduire en bouillie. Le retour à la terre dans le cimetière des épaves qui veulent bien ressembler à la dépouille mortelle du grand-père bouffé par les bestioles saprophages ou détritivores. Paraît qu'elle se régalent dans les cercueils.
Ça vous fait pas envie ? Dans ce cas si vous ne voulez pas penser à la manière dont tout ce petit monde frétillant va vous bouffer  — et il paraît que ça pue là-dedans — , vous feriez mieux de vous  faire  ainsi-néré, histoire qu'il ne reste aucun trace de votre passage sur cette planète.

Cela dit,  chacun fera comme il veut, mais question trace humaine, comme on nous annonce pour demain matin et au plus tard dans trois jours la troisième guerre mondiale qui devrait durer à peine le temps de l'évoquer, c'est quand même vite réglé ! Un seul missile russe « Satan2 » qui possède 12 têtes nucléaires qui jailliront comme un feu d'artifice au-dessus de la France, suffit pour détruire entièrement notre beau pays en quelques secondes. Tous vitrifiés ! Les rares survivants seront aveugles instantanément et devront mourir de faim…  Oublions tout de suite nos petits problèmes, car  nous n'en aurons plus aucun très très bientôt !

Personnellement j'envisage de revenir  dans environ un  million d'années pour voir ce qui se passe, parce que quoi qu'il en soit, je demeure un sale petit curieux…

Aller ! Bonne chance à tous !…

Vous ne trouvez pas que ce texte redonne la pêche ? En effet, être tous vaporisés avant même de s'en rendre compte… qu'est-ce qu'on veut de mieux !
Adieu vaches, pognon, soucis , angoisses,  emmerdements, et ce voisin qui nous fait chi... depuis trop longtemps… la mort est belle. Vive  la délivrance définitive !

Effectivement, il y a une certaine connexion entre ton texte et le mien mais la photo proposée en est certainement la cause.
J'ai aimé ta description du lent travail de la rouille et de la décrépitude sur cette carcasse. D'ailleurs j'ai un gout particulier pour les objets rouillés. Ton texte m'a  rappelé mes lectures d'adolescence Les chants de Maldoror de Lautréamont.