A. Les mains de Grand-Mère

"Les rides sont des sourires gravés". Quand elle lit cette phrase dans son calendrier perpétuel, Marie hausse les épaules. Elle se dit que c'est de la foutaise. Les rides, c'est le temps qui passe et l'avenir qui se rétrécit.
Elle a déjà pensé à aller voir un chirurgien esthétique. Mais voilà, ça coûte bonbon ce genre de traitement. Alors, elle se contente de camoufler comme elle peut l'outrage que lui fait le temps qui file. Elle colore ses cheveux, fait très attention à ce qu'elle mange, fait du sport et continue à s'habiller à la mode.
Sa soeur, Alice, elle, laisse ses cheveux grisonner. Ne cache pas les quelques rides qu'elle a prises. Ni les cicatrices qu'elle a sur les jambes. Elle s'habille de plus en plus classique. Même chez Damart. Comme les vieilles.
Marie a déjà voulu l'entraîner dans des magasins plus modernes. Mais elle n'a pas réussi à la convaincre.
- Je ne suis pas vieille mais je n'ai plus 20 ans non plus!
- Allez, quoi... tu t'habilles plus vieux que moi. C'est quand même fou !
- Mais non, tu exagères comme d'habitude, a souri Alice. Et puis, j'y trouve des avantages à avoir des cheveux qui grisent.
-Ah oui ? Quoi par exemple ?
- Une place dans le tram, parfois...

Alice sait bien qu'elle ne va pas convaincre son aînée. Elle a toujours eu peur de vieillir. Même quand elle était encore mariée, elle voulait toujours séduire, plaire. Elle regarde les magasines People. S'extasie devant les stars qui restent si belles. Sa soeur s'est mariée trop tôt. Elle n'a pas assez vécu. Et maintenant, elle essaie comme elle peut de se rattraper...
Elle, c'est différent. Ce n'est pas qu'elle ait eu trant d'aventures, mais elle se dit que le temps qui passe, ce sont des histoires qui s'écrivent. Elle a toujours aimé lire. Elle ne croit plus aux histoires de princesse qu'on lit aux petites filles. Il ne faut pas attendre le Prince Charmant pour vivre heureuse.
Elle, elle a préféré se lever tous les matins pour aller travailler. Elle a accepté que son travail lui abîme les mains. Jusqu'au moment où on lui a proposé un travail dans les bureaux.
Elle se rappelle les mains de sa grand-mère, les veines qui les parcouraient en relief, la douceur de la caresse sur la joue et la force pour agripper le poignet de la petite fille qu'elle était pour l'empêcher de traverser. Sa grand-mère a travaillé aussi. Malgré une origine huppée, elle a dû faire des ménages quand son mari est décédé. Pas de sécurité sociale à l'époque... Elle a récuré des planchers, fait des lessives. Les mains ont trinqué. Mais elles ont aussi trinqué lorsqu'elle a trouvé une place de dame de compagnie. S'est faite une véritable amie, là où sa famille l'avait laissée tomber.
Oui, les rides sont des sourires gravés. Les témoins de larmes versées, aussi. Des matins difficiles. D'autres joyeux. Des journées interminables. Et celles qui sont passées en un éclair. Les rides racontent des histoires à qui veut bien les lire.

[les rides racontent des histoires à qui veut bien les lire ]
Voilà qui est fait
Un texte bien construit qui réussi à parler du côté moins sympa des rides malgré un incipit qui avait tendance à orienter le discours du côté positif de la chose 👏🏻

Et voilà, il y a encore des " vieilles " pleines de bon sens!